Réemploi : Caminade met en piste le vélo upcyclé de demain

Fabricant de cadres de vélo sur mesure basée dans les Pyrénées-Orientales, l’entreprise Caminade ne cesse d’innover grâce à son bureau d’études passionné par le réemploi. Son dernier projet ? Un vélo-cargo réalisé à bas-coût à partir de vieux biclous et qui pourrait contribuer à révolutionner la filière en France mais aussi l’usage du vélo en zone urbaine.
L'entreprise Caminade réutilise des vélos usagers afin de les transformer en vélos-cargos low-tech pouvant transporter jusqu'à 50 kg.
L'entreprise Caminade réutilise des vélos usagers afin de les transformer en vélos-cargos low-tech pouvant transporter jusqu'à 50 kg. (Crédits : Caminade)

Près de 1,5 million de vélos sont mis au rebut chaque année en France, tandis que des millions d'entre eux traînent dans les garages. C'est forte de ce constat que l'entreprise de cycles Caminade, basée à Ille-sur-Têt (Pyrénées-Orientales), a décidé d'utiliser son savoir-faire innovant et son appétence pour les produits durables afin de donner une nouvelle vie à ces biclous délaissés dans une démarche d'upcycling vertueux.

Créée en 2013 au pied du mont Canigou par Brice Epailly et Sylvain Renouf, Caminade (six salariés) est, à l'origine, un fabricant de cadres de vélo sur mesure. Une rareté en France, alors que l'essentiel des cadres disponibles dans le commerce est fabriqué en Asie. Au fil du temps, l'entreprise a développé deux lignes de fabrications : l'une en utilisant une technique de soudure de titane, l'autre selon un procédé inventé il y a cinq ans permettant l'assemblage de tubes en titane par collage, plus économique pour le client.

L'entreprise de cycles propose également la réalisation de vélos complets sur mesure en se fournissant en équipements (selle, vitesses, pneus) en France et si besoin en Europe (notamment Allemagne et Espagne). En 2022,150 vélos haut-de-gamme (environ 5.000 euros pièce) sortaient ainsi de ses ateliers.

Des techniques issues de l'industrie automobile

L'innovation, c'est le dada de Caminade... Il y a quelques années, un vélo à assistance pneumatique avait failli voir le jour, avant d'être finalement abandonné pour des raisons techniques. En 2022, la société catalane vendait à la marque lyonnaise Ultima un process innovant mis au point par son bureau d'études destiné à fabriquer un cadre monobloc à partir de matériaux recyclés grâce à des techniques issues de l'industrie automobile.

« L'idée de notre bureau d'études est avant tout de travailler sur la question du réemploi, affirme Brice Epailly. Au départ ce projet devait se faire en région, mais c'était avant la crise sanitaire du Covid-19, à l'époque le vélo n'était pas encore porteur. Malgré tout, on a montré que c'était possible ! »

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Transport durable et fonctionnel

Ainsi est née l'idée de donner une nouvelle chance aux vélos délaissés chez les particuliers ou dans les déchetteries en les transformant en vélos-cargos. En zone urbaine, il est de plus en plus fréquent de croiser ces vélos un peu rallongés sur lesquels on peut transporter des courses, un enfant... Jusqu'à 50 kg de charge.

La transformation est rapide et peu coûteuse pour Caminade, qui maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Alors qu'un vélo-cargo coûte en moyenne « entre 5.000 et 8.000 euros », Brice Epailly vise « ces gens qui subissent de plein fouet la hausse du coût de l'essence et n'ont pas les moyens de s'acheter un vélo-cargo à ce prix mais ont des vélos dans le garage » afin qu'à terme, « ils se servent davantage du vélo et abandonnent leur deuxième voiture ».

Avec dans l'idée que cela puisse contribuer à la valorisation du vélo comme une solution abordable de transport durable et fonctionnel.

« Nous démontons le vélo qui a 25 ans, nous rallongeons le cadre, le repeignons et le remontons avec les pièces d'origine en bon état, en changeant celles qui ne le sont pas : l'opération nous prend 14 heures, détaille le chef d'entreprise. À l'arrivée, ce vélo-cargo "low tech" coûte un peu plus de 1.000 euros, sans compter qu'il est aussi possible de déduire les différentes aides à l'achat selon les revenus de l'acheteur. »

« Une économie énergétique considérable »

Motorisable pour un prix plus élevé (mais des aides plus conséquentes), ce cargo "surcyclé" se pose en alternative aux filières traditionnelles. Au-delà des particuliers, l'entreprise vise les vélos abandonnés en déchetterie, les flottes d'entreprises ou de collectivités locales, mais aussi les circuits de collecte de recyclage. En France, c'est l'éco-organisme Ecologic qui est agréé par l'Etat pour la prise en charge de la collecte et du traitement des vélos, mais aussi des ordinateurs et des équipements de sport et loisirs.

« Il nous faut réussir à signer des accords avec Ecologic et les organismes de collecte de déchets pour que nous puissions nous servir avant, ce qui est une partie un peu délicate, reconnaît Brice Epailly. Chaque metteur sur le marché paie une éco-contribution à Ecologic, lequel s'occupe de collecter, broyer et vendre à la tonne. Il y a une autre voie possible qui est de commencer par trier et garder tout ce qui est bon pour le transformer : c'est dommage de broyer un cadre de vélo alors qu'il peut encore durer 20 ans. Une fois que c'est broyé, il faut tout recommencer, mettre dans les hauts fourneaux, faire fondre la matière... Notre cargo modifié permet une économie énergétique considérable. »

Bien que la concurrence existe déjà dans le domaine, ce n'est en rien un problème pour la société catalane. Au contraire, la recette de fabrication du vélo est disponible en open-source afin que ce modèle de réemploi puisse être mis en place localement un peu partout en France. En réflexion : la création d'un chantier d'insertion qui embaucherait des personnes au RSA dans une démarche de réinsertion afin de démonter les vélos et trier les pièces. Une façon de prouver l'existence d'un « véritable écosystème du réemploi ».

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Livraison du dernier km

Si l'entreprise, dont le chiffre d'affaire en 2022 s'élève à 640.000 euros, prévoit une augmentation de ses volumes de production avec la commercialisation de ce vélo-cargo low-tech, de nouveaux projets sont déjà dans les tuyaux pour continuer d'inventer le cycle du futur.

« Nous travaillons actuellement sur un projet un peu fou : un vélo électrique sans chaîne, sans aucun raccord entre le pédalier et la roue, ce qui évite tout ce qui est entretien mécanique, raconte le co-fondateur de Caminade. Cela concernera des vélos-cargos encore plus gros comme les cargos trois-roues pour lesquels la transmission est complexe. Avec notre bureau d'études, nous réfléchissons à comment simplifier la livraison du dernier kilomètre dans les villes avec du produit fabriqué localement. En raison de la mise en place des zones à faible émission (ZFE, ndlr), la voiture thermique n'y a plus sa place. Si de plus en plus de camions et de voitures électriques font leur apparition en centre-ville, nous sommes persuadés que la livraison du dernier km sera faite en grande partie en utilisant le vélo. Les emplois de l'automobile sont en train de disparaître : les ventes baisses et la technologie du moteur électrique étant plus simple, cela nécessite moins de main d'oeuvre. Techniquement, ces emplois ne pourront être récupérés que sur le vélo et autres véhicules légers, la livraison du dernier km, les tricycles, les cargos et la réparation de proximité. »

À Caminade, la réflexion du réemploi intègre la question de l'emploi lui-même. Voilà qui donne de bonnes raisons de considérer le vélo comme un moyen de locomotion d'avenir.

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