Magali Boisseau-Becerril : "Le discours ambigu et les pratiques de Airbnb me dérangent"

Dans une tribune publiée dans Challenges, Magali Boisseau-Becerril, fondatrice à Montpellier de Bedycasa (location en ligne de logement chez l'habitant), apostrophe rien moins que la maire de Paris, le Président de la République et le fondateur de Airbnb. Cinq jours plus tard, quels sont les retours de ce « coup de gueule » ?
Cécile Chaigneau
Magali Boisseau-Becerril, fondatrice de Bedycasa à Montpellier.

La jeune entrepreneuse Magali Boisseau-Becerril, fondatrice du site Bedycasa il y a dix ans à Montpellier (soit un an avant le géant américain Airbnb, rappelle-t-elle volontiers), a décidé de prendre la plume. D'un ton bien tranché, elle s'adresse au président Emmanuel Macron et à la maire de Paris Anne Hidalgo dans une tribune « coup de gueule » publiée, le 26 octobre dernier, sur le site en ligne du magazine économique Challenges et dans laquelle elle dénonce « l'hypocrisie » du géant Airbnb.

Cinq jours après, la jeune femme commente la démarche et s'assure qu'on l'a bien comprise : pas question pour elle de tirer sur une entreprise qui lui ferait de la concurrence, mais bien d'alerter sur des pratiques qu'elle estime inacceptables et de « rétablir une certaine vérité en tant qu'utilisatrice et entrepreneuse citoyenne ».

« Je n'ai rien contre le produit et les services Airbnb, c'est le jeu de la concurrence, c'est normal et ça pousse à être plus créatif, déclare-t-elle à Objectif Languedoc-Roussillon. Mais il faut que ce soit une saine concurrence, il faut respecter les règles du jeu et ne pas dépasser certaines limites... Or aujourd'hui, Airbnb est hors des clous ! Et si on l'accepte, ça veut dire qu'on accepte la perspective qu'il n'y ait plus un jour que cinq entreprises qui gouvernent le monde. Quand cette concurrence devient monopolistique et non équitable, il faut s'exprimer. »

Promesses de dupes

Les limites en question ? La Montpelliéraine les développe dans sa lettre ouverte : des voyageurs que l'on invite à découvrir des villes de manière authentique alors que Airbnb leur propose des appartements complètement dédiés à la location touristique et donc vides de leurs habitants. La promesse d'une meilleure répartition des bénéfices des JO 2024 au profit des famille alors qu'« en fait, l'argent va contribuer à enrichir encore plus les propriétaires d'immeubles entiers qui louent plusieurs appartements afin d'en tirer un large bénéfice et par la même, empêchent les locataires traditionnels de se loger ». Des consommateurs dupés par un affichage de prix qui ne dit pas tout, et qui, notamment, omet de parler des frais de service appliqués.

« Le problème vient du fait que ces mastodontes induisent le consommateur en erreur, voire le manipulent en lui faisant croire que sous prétexte qu'ils participent à une économie collaborative plus juste, ils s'octroient alors le droit de ne pas tenir compte des contraintes qui pèsent sur les acteurs historiques déjà présents (hôtels, gîtes et chambres d'hôtes, etc.) ou des besoins de la population, sous prétexte d'une administration bien souvent trop lente », écrit Magali Boisseau-Becerril.

Des abus, des amalgames, des dérives

La jeune femme se dit excédée de cette facilité du géant américain à se revendiquer d'une économie de partage alors qu'il n'en respecte pas les valeurs et qu'il structure son activité autour de pratiques « antinomiques » avec ce type d'économie, mettant ainsi en place une « usine à touristes ».

« Je veux alerter sur l'hypocrisie. On ne peut pas tout mettre sous le terme "économie collaborative" sous prétexte que ça fait bien ! Le dirigeant de Airbnb fait un énorme "chat perché", et c'est ce discours ambigu et ces pratiques qui me dérangent. Je ne suis pas d'accord de promouvoir l'aspect pécuniaire au détriment de l'humain. Je suis la 1e utilisatrice de ces services innovants qui nous font gagner du temps, puisés dans l'économie collaborative, mais depuis dix ans, j'ai pu observer certains abus, des amalgames et beaucoup de dérives. »

Partagée 15 000 fois

À la fin de la tribune, Magali Boisseau-Becerril invite Anne Hidalgo et Emmanuel Macron à la contacter, les hébergeurs et autres structures touristiques à se manifester auprès d'elle afin d'envisager la « création commune d'une association », et Brian Chesky, le fondateur de Airbnb à échanger avec elle.

Pour l'heure, ni Anne Hidalgo, ni Emmanuel Macron, ni Brian Chesky n'ont donné signe de vie... Mais la Montpelliéraine indique que la tribune sur Challenges a été vue 15 000 fois et partagée plus de 500 fois sur les réseaux sociaux (LinkedIn, Twitter et Facebook essentiellement). Elle assure avoir reçu plus de 500 mails, et avoir été contactée par « une compagnie d'assurance, un groupement d'hôteliers, deux agences immobilières, un regroupement de chambres d'hôtes, des hébergeurs, des voyageurs, et beaucoup d'entrepreneurs ».

N'a-t-elle pas le sentiment d'être un Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent ?

« On ne peut pas ne rien faire, répond-elle. Mon objectif n'était pas d'avoir autant de personnes qui me contactent, mais bien d'alerter, de prévenir plutôt que guérir... L'existence de contre-pouvoirs permet de faire avancer les choses. »

À ce jour, Bedycasa, qui emploie 15 salariés, annonce 66 000 hébergements dans 185 pays. L'entreprise fêtera dans les prochains jours ses 10 bougies.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 09/11/2017 à 10:30
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Bonjour Il y aurait peut être aussi d'autres points à remarquer comme le fait que les données airbnb sont publiques, qu'ils sont flous sur leurs algorithmes et qu'ils incitent à des prix toujours plus bas pour des prestations toujours plus haute,...

à écrit le 02/11/2017 à 11:10
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Le développement d'AIRBNB est facilité par le fait qu'un propriétaire a de moins en moins intérêt à louer de manière traditionnel à l'année. En effet, vu les problèmes d'impayés, de destruction de logement et de la difficulté à faire éjecter un locat...

à écrit le 01/11/2017 à 23:10
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Cette dame veut se faire de la pub sur le dos d'Airbnb. Un discours rempli d'amalgames et de contre-vérités. Elle ferait mieux de balayer devant sa porte...

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