Comment Neurinnov veut rendre l’usage de leur main aux patients tétraplégiques

Aller stimuler électriquement les nerfs qui commandent l'ouverture et la fermeture de la main et la rotation du poignet chez les personnes tétraplégiques, telle est l’ambition que porte Neurinnov. La spin-off montpelliéraine a mis au point une technologie inédite permettant une sélectivité des muscles stimulés.
Cécile Chaigneau
Neurinnov, spin-off montpelliéraine, ambitionne de rendre aux personnes tétraplégiques l'usage de leurs mains par stimulation des nerfs.
Neurinnov, spin-off montpelliéraine, ambitionne de rendre aux personnes tétraplégiques l'usage de leurs mains par stimulation des nerfs. (Crédits : DR)

La promesse est immense : « Rendre à un patient tétraplégique, dont les muscles sont paralysés mais stimulables, l'usage de sa main par stimulation », explique David Guiraud.

Directeur de recherche à l'INRIA (Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique), il est l'un des trois cofondateurs, avec le chercheur de l'Université de Montpellier David Andreu et l'industriel Serge Renaux, de Neurinnov, une spin-off du LIRMM (Laboratoire d'informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier), dont l'une des équipes est commune avec l'INRIA.

Créée en novembre 2018, Neurinnov est aujourd'hui hébergée sur le campus Saint-Priest à Montpellier, dans des locaux de l'INRIA.

La précieuse stimulation sélective

Le dispositif médical implantable actif (DMIA) conçu par Neurinnov est une prothèse en deux parties : une externe, l'autre implantée.

« La première permet au patient de contrôler sa neuro-prothèse, localisée au niveau de l'épaule opposée à la main pilotée, explique David Guiraud. Le patient apprend des mouvements d'épaule stéréotypés qui déclenchent l'ouverture ou la fermeture de la main, ou la rotation du poignet. La partie implantée traduit le mouvement en impulsions électriques sur le nerf radial et le nerf médian qui innervent les muscles pour l'ouverture et fermeture de la main et la flexion du poignet. »

C'est à ce stade que se situe une innovation qui vient enrichir cette technologie déjà pointue : la stimulation sélective.

« Si vous stimulez le nerf médian, cela active beaucoup de muscles, précise David Guiraud. Il faut donc aller stimuler les zones du nerf correspondant au muscle qui nous intéresse, d'où la stimulation sélective que nous avons mise au point... Il y a vingt ans, des Américains avaient inventé un système de stimulation mais comme ils ne savaient pas résoudre le problème de sélectivité, il fallait une électrode sur chaque muscle, donc beaucoup de câblages. Quelque 300 patients ont été équipés puis cela s'est arrêté car c'était très lourd. Notre dispositif, quant à lui, permet cette sélectivité et est très peu invasif. »

Essais cliniques et publication scientifique

A ce stade, le chercheur montpelliérain indique que tous les éléments ont été prototypés, notamment les commandes épaule, le stimulateur, les électrodes, et les résultats feront l'objet d'une publication scientifique d'ici un ou deux mois. Les premiers essais cliniques ont été réalisés à la clinique Beausoleil de Montpellier par le Dr Jacques Teissier, et les deuxièmes essais cliniques démarreront en avril sur des patients de l'AP-HP à Paris.

« Nous avons résolu les problèmes techniques majeurs, maintenant, c'est surtout une question de temps et d'argent », déclare David Guiraud, qui estime que pour atteindre le produit définitif et équiper les premiers patients, il faudra encore compter environ cinq ans.

C'est pourquoi Neurinnov devrait lancer une levée de fonds en série A d'ici la fin de l'année, afin de trouver les 5 à 6 M€ nécessaires à son développement dans les quatre prochaines années.

Le DMIA de Neurinnov a fait l'objet de plusieurs brevets, notamment sur la sélectivité. A plus long terme, il devrait ouvrir à d'autres applications « comme par exemple la stimulation du nerf vague pour la régulation du rythme cardiaque à destination des personnes souffrant d'insuffisance cardiaque ».

Cécile Chaigneau

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