Fin de partie pour la biotech Deinove, faute de financements

Elle aura en partie fait les frais de la crise sanitaire, qui a ralenti ses développements. La biotech héraultaise Deinove, qui s’était spécialisée dans l’exploration et l'exploitation de la biodiversité bactérienne pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, est liquidée. Le manque de financement, dont Deinove est fortement consommatrice dans les phases de recherche, a signé la fin de partie. La décision du tribunal de commerce est tombée lundi soir 23 janvier.
Cécile Chaigneau
La biotech Deinove, spécialisée dans l’exploration et l'exploitation de la biodiversité bactérienne pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, a été liquidée le 23 janvier 2023.
La biotech Deinove, spécialisée dans l’exploration et l'exploitation de la biodiversité bactérienne pour lutter contre la résistance aux antimicrobiens, a été liquidée le 23 janvier 2023. (Crédits : Deinove)

La biotech héraultaise, basée sur le parc Euromédecine à Grabels et dirigée par Alexis Rideau depuis mai 2020, est liquidée. La décision du tribunal de commerce de Montpellier est tombé lundi soir 23 janvier. L'entreprise employait 45 salariés.

Créé en 2006 par le fonds d'investissement Truffle Capital, Deinove était initialement centrée sur la production de bioéthanol à partir de bactéries. Introduite en bourse sur Euronext Growth en 2010. En 2016, Deinove avait opéré un tournant stratégique en investissant le secteur médical, et plus précisément le domaine des antibiotiques et des ingrédients actifs naturels.

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Mais dans le jugement du tribunal de commerce, que La Tribune s'est procuré, il ressort que « ce repositionnement aurait entraîné une perte de confiance du marché et une fuite des investisseurs institutionnels, le capital de l'entreprise étant dilué depuis entre une multitude d'investisseurs ».

Résistance aux antimicrobiens

Spécialisée dans l'exploration et l'exploitation la "matière noire microbienne", Deinove travaillait sur la résistance aux antimicrobiens, cherchant à révéler le potentiel métabolique de bactéries rares ou considérées comme incultivables, ciblant ainsi les super-pathogènes (microbes devenus résistants à un ou plusieurs antimicrobiens) à l'origine de maladies infectieuses potentiellement mortelles. Elle avait créé l'une des toutes premières plateformes de micro-biotechnologie spécialisée au monde, dotée d'une collection de près de 10.000 souches rares et de milliers d'extraits bactériens.

En avril 2018, Deinove annonçait le rachat de l'entreprise allemande Morphochem (filiale allemande de la société autrichienne Biovertis) afin d'exploiter la propriété intellectuelle et les brevets de la molécule antibiotique MCB3837 qu'elle avait développée.

« Mais son développement a été freinée par l'impact de la crise sanitaire puis par la situation géopolitique en Ukraine, indique le jugement du tribunal de commerce. Cette situation, conjuguée à la forte dilution du capital et au faible volume d'échanges sur le marché, aurait rendu impossible l'aboutissement de toute démarche d'augmentation de capital amorcée par la société du fait de la difficulté à écouler les actions nouvellement émises. »

En mars 2021, le projet Boost-ID de Deinove, accélérateur dans l'identification d'antimicrobiens et de molécules d'origine naturelle à forte valeur ajoutée, avait pourtant été sélectionné dans le cadre du plan France Relance.

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Dilution et problème de pilotage

Au moment où La Tribune publie cet article, Alexis Rideau n'a pas encore souhaité prendre la parole. Mais en janvier 2022, après deux années où la crise sanitaire avait pris le pas sur nombre d'autres programmes, il témoignait déjà d'une situation tendue. Notamment parce que la biotech avait du mal à accéder aux volumes de financements nécessaires pour faire face à des besoins importants en phases de recherche.

« Deinove, c'est 65 millions d'euros investis en quinze ans, rappelait le directeur général délégué. Nous allons avoir besoin de renforcer notre capital, qui est très dilué actuellement, environ 95%, ce qui pose un problème de pilotage. Tout est ouvert... On a tendance à investir dans les nouvelles startups, mais il faut aussi travailler avec les sociétés d'une certaine taille. On souffre de sous-investissement en France... »

Alors que la biotech avait déjà opéré un plan de réorganisation pour réduire sa masse salariale, le dirigeant confiait « aujourd'hui, nous restons prudents »...

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Pas d'offre de reprise

Selon les derniers résultats publiés par Deinove en octobre 2022, précédant son placement en redressement judiciaire, la biotech confirmait la poursuite de l'essai clinique de phase II du candidat antibiotique MCB3837, destiné aux formes sévères d'infections à clostridioïdes difficile (agent pathogène responsable de certaines infections nosocomiales) aux Etats-Unis, Deinove ayant reçu en janvier 2022 l'avis favorable du DSMB (Data and Safety Monitoring Board), le comité américain de surveillance des données et de la sécurité.

Le résultat net de l'entreprise, au premier semestre 2022, était de -3,6 millions d'euros, contre -3,1 millions d'euros en 2021, « principalement en raison de la baisse des revenus liés à l'activité cosmétique ». Deinove annonçait une « poursuite du plan de réduction des charges opérationnelles, toujours consacrées à 84% à la R&D ». Sa trésorerie avait fondue, passant d'un solde de +3,8 millions d'euros au 31 décembre 2021 à +1,1 million d'euros au 30 juin 2022. La biotech se disait alors « en recherche de solutions de financement pour sécuriser la situation financière »...

En raison de ces fortes tensions de trésorerie, la société avait été placée en redressement judiciaire le 7 novembre 2022 et la cotation de ses actions avait été suspendue. Seule une cession aurait pu tirer l'entreprise de cette situation.

La date limite de dépôt des offres de reprise auprès de l'administrateur judiciaire avait été fixée au 9 janvier dernier. Malgré plusieurs marques d'intérêt et le délai accordé par le tribunal, aucune offre n'a toutefois été présentée dans le délai fixé. La liquidation judiciaire était alors la seule issue.

Cécile Chaigneau

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