Qu’est-ce que cette caisse alimentaire commune qui va être expérimentée à Montpellier ?

La crise sanitaire a mis en lumière les enjeux croissants de précarité alimentaire. Sur le territoire de la Métropole de Montpellier, quelque 93.000 personnes vivraient sous le seuil de pauvreté. Une expérimentation inédite de caisse alimentaire commune va y être lancé, favorisant la démocratie alimentaire et l'accès à une alimentation de qualité pour tous.
Cécile Chaigneau
Permettre aux personnes de bénéficier d'un budget alimentaire de 100 euros dans des lieux de distribution (épiceries, magasins, groupements d'achats, marchés) conventionnés par un comité citoyen : c'est l'objectif de l'expérimentation de caisse alimentaire commune qui va être lancée à Montpellier.
Permettre aux personnes de bénéficier d'un budget alimentaire de 100 euros dans des lieux de distribution (épiceries, magasins, groupements d'achats, marchés) conventionnés par un comité citoyen : c'est l'objectif de l'expérimentation de caisse alimentaire commune qui va être lancée à Montpellier. (Crédits : DR)

Une caisse alimentaire commune, inspirée du principe de Sécurité Sociale de l'Alimentation. C'est cette expérimentation qui va être lancée durant une année sur le territoire de la Métropole de Montpellier, accordant aux bénéficiaires (qui cotiseront selon leurs moyens) un budget alimentaire de 100 euros dans des lieux de distribution (épiceries, magasins, groupements d'achats, marchés) conventionnés par un comité citoyen.

Isabelle Touzard, la vice-présidente de Montpellier Méditerranée Métropole (déléguée à la Transition écologique et solidaire, à la Biodiversité, à l'Énergie, à l'Agroécologie et à l'Alimentation), insiste sur la dimension de gouvernance démocratique insufflée dans ce dispositif.

« Ce concept s'inspire de la sécurité sociale dans l'esprit des années 1950-1960, née de dynamiques locales des CPAM gérées par les contributeurs donc les citoyens, rappelle-t-elle. A ce moment-là, il n'y avait pas de trou de la sécurité sociale, les contribution salariales et patronales couvraient largement les frais, les prestations étaient les mêmes pour tous, avec une notion de gouvernance démocratique locale. L'idée de cette caisse alimentaire commune, c'est de dire que les dépenses de santé sont liées, pour beaucoup, à une alimentation pas toujours bonne. Manger comme se vêtir ou se loger sont des besoins fondamentaux, et comme il existe un droit au logement, il devrait y avoir un droit à l'alimentation saine pour tous. »

Taux de pauvreté : jusqu'à 60% dans certains quartiers

Cette initiative de caisse alimentaire commune émane ainsi d'un collectif de 25 associations et d'habitants du territoire rassemblés en comité local, dans le cadre du programme national Territoires à VivreS et en coopération avec la Ville et la Métropole de Montpellier. Le principe de base sera un budget collectif, issu de fonds (publics et privés) et de contributions citoyennes, et géré de manière démocratique par un comité citoyen de l'alimentation.

La crise sanitaire a mis en lumière les enjeux croissants de précarité, et notamment de précarité alimentaire, avec des inégalités qui s'accroissent, notamment autour des produits frais et de qualité. Les freins d'accès à une alimentation de qualité sont bien identifiés : financiers mais aussi géographiques, éducatifs ou psychosociaux.

Ainsi, selon le diagnostic de Territoires à VivreS Montpellier, « la Métropole de Montpellier comptait, en 2018, 481.076 habitants, et son taux de pauvreté s'établissait en 2019 à 19,3%. Pour la ville de Montpellier qui compte 234.337 habitants, ce taux monte à 26% de la population, et même à 60% pour certains quartiers prioritaires comme la Mosson. On peut donc estimer qu'à l'échelle de la métropole, environ 93.000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté dont 61.000 dans Montpellier. L'état des lieux de l'aide alimentaire sur la Ville, réalisé en 2021, a montré que l'on pouvait estimer les inscriptions actives (foyers ou personnes) à l'aide alimentaire entre 8.000 et 10.000 pour une année (un million de repas par an) ».

Des règles à définir

Selon Isabelle Touzard, une telle initiative est inédite en France sous cette forme démocratique.  Mais un budget collectif alimenté par qui ? A hauteur de combien par cotisant ? Sur la base de quelles règles ?

« Le propre de la démarche à Montpelier, c'est qu'elle joue le jeu de la démocratie citoyenne, qui est le fruit d'un gros travail durant six mois pour rencontrer tous les réseaux et partenaires et constituer un noyau de 50 citoyens volontaires, explique Isabelle Touzard. Le comité citoyen de l'alimentation, qui est composé d'habitants du territoire avec une majorité personnes concernées par les inégalités alimentaires et les difficultés d'accès à une alimentation de qualité, est l'instance de gouvernance de la caisse alimentaire commune, et c'est lui qui va déterminer le mode de fonctionnement, les critères d'accès à la caisse, les critères de conventionnement des lieux de distribution. Il devra notamment débattre et se prononcer sur la possibilité de permettre à des fonds privés ou à des dons de particuliers d'alimenter la caisse. »

De 1 à 150 euros selon ses moyens

Quant à savoir qui pourra bénéficier de cette caisse alimentaire commune, cela pourrait être tout le monde, le comité local ayant choisi de ne pas imposer de plafond de ressources. Chacun cotiserait ainsi de 1 à 150 euros par mois en fonction de ses moyens, recevant en retour une allocation de 100 euros en monnaie locale numérique (la Graine) à dépenser dans des magasins conventionnés. Pour l'heure, cinq lieux de mobilisation citoyenne et de distribution alimentaire ont été conventionnés à Montpellier : le supermarché coopératif La Cagette, L'Esperluette-Celleneuve, La 5e Saison, Vrac & Cocinas, Marché paysan.

« Pour éviter la paperasse à remplir, qui rebute beaucoup de gens, on part sur le principe de la confiance et pour les aider à évaluer leur niveau de cotisation, on propose une échelle à dix paliers pour que les gens se situent en termes de revenus, de budget du foyer et de reste à charge alimentaire », précise Isabelle Touzard.

D'ici deux ou trois mois, les membres volontaires de la caisse vont l'expérimenter entre eux, ajuster le dispositif et ensuite l'étendre à environ 400 personnes pendant un an. Le comité espère disposer d'un budget annuel de 240.000 euros, alimenté notamment par des aides publiques « de la Ville de Montpellier à hauteur de 15.000 euros, la Métropole pour 30.000 euros, la Banque des territoires », indique l'élue.

Les acteurs locaux impliqués dans l'expérimentation

Des relais de mobilisation et sensibilisation des habitants : Secours Catholique Hérault, Epso - la porte ouverte, FAS Occitanie, CCAS Montpellier, ATD Quart-Monde, Secours populaire de l'Hérault, Alternatiba / ANV Montpellier, Les petits débrouillards 34, Les semeurs de jardin.

Des structures relais sur la production et le système alimentaire : FR CIVAM Occitanie, CIVAM Bio 34, INPACT 34, MIN de Montpellier, Les Greniers d'abondance, Croix-Rouge Insertion.

Des acteurs de la recherche : Chaire Unesco Alimentations du Monde, Vrac & Cocinas, CIRAD-Supagro, UMR ART-DEV, Vobsalim.


Cécile Chaigneau

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