Les datas ont investi le champs politique et leur exploitation vient enrichir les stratégies des campagnes électorales en affinant la connaissance de l'électorat afin de cibler les actions terrain. A Montpellier, les équipes de la start-up Poligma, qui ont développé un outil de sociologie politique et de stratégie électorale, terminent cette longue campagne des municipales sur les rotules. Pourtant, pas de répit prévu par son fondateur (en 2015) et dirigeant, Stéphane Boisson, qui est déjà sur les chantiers suivants, électoraux mais pas uniquement.
Au titre du bilan des municipales 2020, il fait état d'une trentaine d'équipes de campagne qui ont utilisé la solution de Poligma. Évidemment, il reste muet comme une tombe sur l'identité des candidats, mais il affirme avoir obtenu « un joli taux de réussite »...
Dans le contexte particulier où se sont déroulées ces élections, marquées par une importante abstention dès le premier tour, il consent à raconter un fait d'armes (anonymisé). Car son outil promet de mieux connaître le profil des habitants par quartier afin notamment de traquer les indécis ou les abstentionnistes.
« Dans une commune qui avait enregistré une participation de 48 % au 1er tour, l'un des candidats a travaillé avec notre solution et on est passé à 52 %, assure-t-il. Il a regardé qui n'avait pas voté, leur profil, et sur cette base, il a construit 5 mails hyper calibrés avec les bons arguments, visant notamment les jeunes retraités et les plus jeunes peu mobilisés. Et il a augmenté de 57 % le nombre de voix obtenues. Évidemment, ce n'est pas uniquement grâce à Poligma, mais c'est un élément... Bien utilisée, notre solution fait gagner du temps et donne une perception très fine du territoire. »
Accompagner l'élu en mandat
Le dirigeant, qui rappelle avec satisfaction (lettre à l'appui en guise de preuve) qu'il a été positivement contrôlé par la CNIL fin 2019, se dit déjà sollicité pour les campagnes à venir des élections départementales et régionales en 2021. Mais il propose aussi son outil de diagnostic politique à des élus en mandat à des fins d'accompagnement au pilotage des politiques publiques.
« On commence à vendre notre solution en mandat à des nouveaux maires qui ont besoin de connaître la ville, mais aussi à des députés qui ont besoin de labourer leur terrain, déclare Stéphane Boisson. Nous avons aussi signé un contrat avec une grande région du sud. C'est la première fois que notre solution "en mandat" sera utilisée à cette échelle, et ça a commencé pendant la période de confinement. »
Aux données démographiques et économiques déjà exploitées par Poligma viennent s'ajouter aujourd'hui de nouvelles datas : « On ajoute les données imbriquées du recensement de la population 2006-2017, permettant d'avoir des croisements très fins, les données tourisme sur les hébergements, les données effectifs par communes dans le domaine de l'éducation (chiffres du ministère, NDLR)... L'objectif, c'est que notre solution apporte aux élus "des réponses à vos questions" : qu'un maire en mandat qui construit son budget puisse savoir quel quartier est en croissance démographique pour programmer la construction d'une école, ou bien quels quartiers se sont paupérisés pour mieux arbitrer le budget CCAS... Nous allons répondre à plus d'une centaine de questions ».
Retail et promotion immobilière
Stéphane Boisson assure que les instituts de sondage sont intéressés par les capacités d'analyse de la solution de Poligma « car on dispose de datas très fines, qu'on pourrait croiser avec leurs données à eux ». Et cette solution pourrait bien intéresser aussi d'autres champs d'application.
« Nous développons notre outil sur l'implantation retail et la promotion immobilière, annonce le dirigeant. Quand une enseigne cherche à s'implanter, elle analyse les quartiers d'une ville, mais ils évoluent vite et il est intéressant de connaître en amont qui y vit et même où est la concurrence. Quant à la promotion immobilière, c'est un secteur qui souffre de nombreux recours. Quand un promoteur a un projet à impact sur un quartier, il a besoin de convertir une population et pour ça, d'organiser de la concertation. Il lui faut d'abord connaître la population et savoir comment évolue le quartier. On lui fournit des données contacts et on organise les processus de concertation pour présenter le projet et en discuter. Son objectif est de "dé-risquer" au maximum le contentieux. »
Pour accompagner ces développements, Poligma a bouclé, le 1er juillet, une première levée de fonds « de plusieurs centaines de milliers d'euros », se contente d'annoncer Stéphane Boisson à ce stade de l'opération. Il reste discret également sur les investisseurs qui sont montés au capital, « qui vont aussi nous accompagner sur la R&D », consent-il à préciser.
Retenu par Microsoft for Startups
Au programme : prioritairement accélérer commercialement, mais aussi développer un produit pour faire « de la prévision territoriale par projection de variables pour anticiper comment va évoluer un territoire et ainsi aider au pilotage des politiques publiques ».
Poligma prévoit de travailler avec l'Institut de sciences des données à Montpellier et avec l'accélérateur d'innovation régional CEA Tech, et de recruter un data-scientist. Ambition : fournir les premiers éléments de prévision pour les élections départementales de 2021.
Enfin, le dirigeant annonce que Poligma vient d'être retenue par le programme d'incubation Microsoft for Startups.
« Nous allons bénéficier d'un accompagnement technique et marketing, de crédits d'utilisation de la plateforme Microsoft Azure, des softs professionnels de Microsoft gratuits, d'une meilleure visibilité, d'un accompagnement futur en vue d'une 2e levée de fonds, et du dispositif de ventes croisées puisque les commerciaux de Microsoft vont présenter notre solution aux collectivités partout dans le monde. On espère décrocher un contrat à l'international d'ici un an. »
Fin de course pour Neocean : pourquoi la startup sétoise a été liquidée
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !