L’odyssée spatiale montpelliéraine : des origines au futur proche

En une décennie, le Centre Spatial Universitaire de Montpellier (CSUM), soutenu par la fondation Van Allen, a ouvert la voie à la conquête du nanospatial. Associant étudiants, chercheurs et entreprises, le CSUM, leader dans le développement et le lancement de nanosatellites, a multiplié les projets ambitieux et innovants. Et inscrit aujourd’hui plus que jamais sa démarche au cœur des défis environnementaux.
L'aventure du Centre Spatial Universitaire de Montpellier a démarré il y a dix ans et mobilise la communauté étudiante pour envoyer des nanosatellites dans l'espace.
L'aventure du Centre Spatial Universitaire de Montpellier a démarré il y a dix ans et mobilise la communauté étudiante pour envoyer des nanosatellites dans l'espace. (Crédits : DR)

Il y a tout juste dix ans, Robusta-1A, premier nanosatellite français, était propulsé dans l'espace depuis le centre guyanais Kourou, par la fusée européenne Vega. Cet exploit marquait les premiers pas du Centre Spatial Universitaire de Montpellier (CSUM), soutenu par la fondation Van Allen.

Le CSUM a célébré cette décennie de conquête spatiale le 29 juin, en présence de 200 convives.

Si l'aventure du CSUM a été officialisée il y a une décennie (onze ans exactement), l'activité de nanosatellites a, en réalité, démarré dès 2001 au sein de l'Université de Montpellier.

« A la demande de Michel Courtois (ancien directeur de l'Estec qui deviendra d'ailleurs membre fondateur de la fondation Van Allen, NDLR), nous avions réalisé un instrument pour faire le relais sur un satellite en Arizona mais il a malheureusement explosé au lancement, se souvient Laurent Dusseau, directeur du CSUM et de la fondation Van Allen. En 2006, le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES, ndlr) a lancé l'appel à projets Espresso (Experimentations et Projets EtudiantS dans le domaine des Orbitaux et des ballons, NDLR) et a retenu notre projet Robusta, nanosatellite avec une charge utile visant à étudier l'effet des radiations sur des composants électroniques. Nous étions une dizaine à travailler sur ce projet, sans compétences spatiales, et nous avons mis six ans pour développer le premier nanosatellite français. »

50 étudiants œuvrent au lancement du 2e nanosatellite

De cette mission est née le CSUM, plateforme technologique destinée à développer et rassembler des moyens et compétences en ingénierie, production, opération, test et applications de nanosatellites, ces activités impliquant des étudiants français et internationaux en stages et projets.

En soutien stratégique et financier de cette structure, la Fondation Van Allen a vu le jour en 2012, comptant cinq membres fondateurs (l'Université de Montpellier, 3D Plus, Airbus Defense and Space, Expleo et Latécoère).

Le soutien de la fondation a permis de mobiliser une équipe hautement qualifiée. En 2017, plus de 50 étudiants participent au lancement du deuxième nanosatellite à bord de la fusée indienne PSLV. Les compétences et la progression du CSMU sont exponentielles...

Au sein de la Fondation Van Allen, une nouvelle gouvernance est mise en place avec, à sa présidence, Jean-Claude Gayssot et à sa direction, Laurent Dusseau. Objectifs affichés : prendre une dimension internationale et  proposer de nouvelles missions nanosatellites à utilité sociétale.

Repérer les déchets plastiques en Méditerranée

En 2020, un comité scientifique, rassemblant des chercheurs de haut rang et animé par Jean-Louis Fellous (ancien directeur exécutif du Comité mondial de la recherche spatial) est créé. Sa première mission concerne la Méditerranée.

« Soumis par l'Université de Perpignan, le projet Respogli visant à la détection de signatures spectrales dans le but d'identifier les déchets plastiques en mer a été retenu, raconte Laurent Dusseau. Les premiers résultats sur papier sont très concluants. Du coup, nous sommes en train de développer un satellite 12U mais il nous faut maintenant trouver des partenaires pour pouvoir concevoir cette mission de A à Z. »

Le projet, qui durera deux ou trois ans, devrait démarrer au printemps prochain. Cette mission va ainsi permettre de détecter et de récolter des accumulations de plastique, matière qui pourra par la suite être valorisée par des industriels partenaires tels que le groupe Nicollin. Le concept pourrait concomitamment s'étendre à la détection et aux mesures de feu de forêt.

Nourrir, protéger

En parallèle de cette mission, d'autres expérimentations sont en cours, comme le projet Méditerranée qui vise à améliorer les modèles météorologiques de prévision d'épisodes cévenols causés par l'accumulation d'humidité en mer.

« Pour répondre a cette problématique, nous nous sommes entourés de partenaires - Météo France, IGN, Ensta Bretagne et Port de Sète Sud de France - et nous avons construit un nanosatellite (sept ans de développement, impliquant 140 étudiants NDLR)  qui va être assemblé cet été, confie le directeur du CSUM. Nous avons sécurisé son lancement sur Ariane 6 au printemps prochain et des récepteurs seront embarqués sur un navire de croisière. »

Les données GNSS brutes émises depuis le bateau seront transmises au centre de contrôle en temps quasi réel. La mission devrait être opérationnelle pour les prochaines campagnes d'épisodes cévenols de 2023.

Des projets avec le Sénégal et Djibouti

Autres projets de nanosatellites : les lancement, en juillet prochain, de Celesta et de MTCube-2 (mesure des effets de radiation).

« Soigner, nourrir et protéger les populations » sont désormais les axes forts annoncés par le CSMU et la Fondation Van Allen. Dans cette optique, les projets djiboutiens et sénégalais, permettant de mesurer des données physiques (pluviométrie, climatologie, crue, évapotranspiration) pour évaluer le niveau de précipitations et de vent et calculer la température, sont cruciales.

Dans le cadre d'un programme de compétences, dix étudiants djiboutiens sont accueillis au CSMU pour travailler sur la mission Hydrosat qui prévoit le lancement de deux CubeSats début 2023. De son côté, le projet sénégalais, lancé en 2019 et accueillant dix étudiants, doit conduire à doter le Sénégal de son propre centre spatial.

Transfert de technologie : le bon choix

Collecte de données relatives à la gestion de l'eau, de l'agriculture, de la mer, de la pêche... Les champs d'application possibles des nanosatellites sont multiples et de nouvelles collaborations internationales pourraient voir le jour, en Afrique ou ailleurs. Mais l'heure est plutôt à la stabilité.

Recréant les conditions d'une vraie agence spatiale, les locaux du CSMU sont une fourmilière. En deux ans, l'équipe est passée de 10 à 28 salariés sans compter l'accueil d'étudiants (une vingtaine en ce moment).

« Le bâtiment est plein, constate Laurent Dusseau. Nous avons rempli nos objectifs, à la fois technologiques et pédagogiques. Je suis très heureux de voir l'état d'esprit qui règne avec notre club de partenaires (5 membres fondateurs et 25 entreprises, NDLR) et j'aimerais développer encore plus ces collaborations. Nous avons choisi de travailler par transfert de technologie vers nos partenaires : c'était le bon choix. Aujourd'hui, les entreprises ont envie de nous rejoindre et d'apporter leurs briques. Une centaine d'emplois ont été créées sur Montpellier et cela ne fait que commencer ! »

Doté de 1,5 millions d'euros, financés à 40% par la fondation Van Allen et le reste par des contrats industriels, le CSUM, petite structure parmi les géants, entend bien poursuivre l'aventure.

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