Hydrogène : Bulane lève 14 millions d’euros pour déployer sa technologie dans l’industrie et le bâtiment

Inventeur d’électrolyseurs innovants dédiés aux applications de combustion hydrogène, la PME héraultaise Bulane boucle une levée de fonds de 14 millions d’euros avec l’ambition de décarboner les procédés de chauffe industriels et des bâtiments. Le fondateur Nicolas Jerez veut déployer sa technologie, désormais mature, en France mais aussi à l’international. Au tour de table financier se sont invités des entrepreneurs emblématiques de l’écosystème régional et national, comme Cédric de Saint-Jouan (Vol-V), Jean-Marc Bouchet (via Captain Watt, également fondateur de Qair) et Patrice Lafargue (IDEC).
Cécile Chaigneau
Nicolas Jerez, fondateur de Bulane.
Nicolas Jerez, fondateur de Bulane. (Crédits : DR)

La PME héraultaise Bulane est créatrice d'une flamme industrielle propre produite à partir de l'hydrogène naturellement présent dans l'eau. Elle conçoit et fabrique des électrolyseurs dédiés aux applications de combustion, permettant de créer une flamme haute température, produite sur site et sans stockage de gaz, à très faible émission de carbone. La PME a fait son chemin auprès de grands comptes industriels et annonce à ce jour près de 1.600 électrolyseurs vendus depuis 2016. Sa technologie propose désormais l'hybridation des procédés de combustion fossile existants avec une combustion hydrogène permettant d'électrifier indirectement les procédés thermiques industriels et du bâtiment.

Le 24 janvier, elle annonce avoir bouclé une levée de fonds de 14 millions d'euros. Il s'agit du 3e tour de table réalisé par Bulane, après une levée de fonds de 2,7 millions d'euros en 2015 et une seconde de 2,8 millions d'euros en 2018. L'opération se fait avec la participation d'investisseurs historiques de Bulane (IRDI Capital Investissement et SOFILARO, ainsi que Bpifrance, le Conseil régional Occitanie et ses partenaires bancaires (Banque Populaire du Sud, BNP Paribas, Caisse d'Epargne Languedoc Roussillon et le Crédit Agricole Languedoc).

Financière et extra-financière

Mais pour cette levée de fonds, la PME a également ouvert le champ des investisseurs. Se sont ainsi invités autour de la table Cédric de Saint-Jouan via sa holding Vol-V, Jean-Marc Bouchet via sa holding d'investissement Captain Watt (qui comprend aussi Qair, producteur d'énergies renouvelables) ou Patrice Lafargue, président du groupe IDEC (intervenant en France et à l'international sur l'ensemble des métiers liés à l'immobilier) via IDEC Invest Innovation.

« Nous avons voulu donner deux dimensions à cette opération : financière et extra-financière, explique Nicolas Jerez, le président-fondateur de Bulane. Elle nous permet de fédérer un véritable pool d'expertises. Notre volonté, c'est de traiter toute la chaîne de valeur entre l'électron et l'usage final, et pour ça, nous réunissons les compétences sur cette chaîne de valeur, en lien avec les applicatifs industrie et bâtiment que nous ciblons. Les actionnaires historiques de Bulane restent majoritaires, notamment IRDI et Sofilaro, ainsi que les fondateurs de Bulane, Pierre-Yves Urvoy, Henri et Serge Champseix et moi-même. Quant à UI Gestion, qui axe ses investissements sur les phases d'amorçage, ils sont logiquement sortis. »

Cédric de Saint-Jouan déclare que « Vol-V a choisi de s'investir pour permettre à Bulane, pionnière dans les applications liées à la flamme hydrogène, de faire évoluer son modèle économique de la vente de produits technologiques à la vente d'énergie, sous forme de molécules d'hydrogène ».

« À l'image de nos derniers investissements dans des startups innovantes, notre prise de participation dans Bulane revêt un caractère stratégique pour former un écosystème complet autour des énergies vertes et viser la décarbonation, commente Patrice Lafargue.
Nous voyons déjà une multitude d'applications dans nos métiers, et surtout dans les usages possibles auprès de nos clients et partenaires pour concilier croissance et responsabilité environnementale. »

De nouveaux modèles économiques

Bulane veut aujourd'hui déployer sa flamme hydrogène dans la décarbonation des procédés de chauffe industriels et des bâtiments (par hybridation des chaudières).

« L'industrie, plus que jamais, veut s'affranchir des bouteilles de gaz, précise Nicolas Jerez. Nous développons des projets partenariaux comme avec la Maison Hennessy (filiale du groupe LVMH et producteur de cognac, NDLR), avec qui nous sommes en phase de validation, et la distillation est clairement une filière qui s'intéresse à notre technologie pour se décarboner. Les autres filières cibles sont entre autres l'agroalimentaire, la micro-électronique, l'industrie du verre ou le traitement thermique des métaux. »

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Dans le génie climatique, l'envolée du prix du gaz et les problèmes d'approvisionnement en bouteilles de gaz sont venus booster l'activité historique de Bulane sur le marché des équipements oxy-flamme. Alors que la PME avait signé, en 2017, un partenariat commercial avec Castolin (filiale du groupe international Messer, leader mondial des solutions pour l'assemblage et la maintenance par soudage, brasage et techniques connexes), « en 2022, nous avons signé avec un nouveau partenaire majeur, Bizline (filiale de Rexel, NDLR), équipementier du génie climatique qui compte 800 magasins », déclare Nicolas Jerez.

International, innovation, structuration

Selon le dirigeant de Bulane, cette levée de fonds de 14 millions d'euros a trois objectifs.

« Tout d'abord, soutenir le développement commercial des activités historiques de Bulane, c'est à dire la flamme industrielle propre, à l'international, et établir de nouveaux modèles économiques orientés vers la vente d'énergie. Ensuite, développer des programmes innovation pour créer de nouveaux produits et adresser les usages thermiques industriels et des bâtiments : nous avons notamment besoin de scaler la taille de nos électrolyseurs pour les passer de 20 kW à 500 kW et ensuite à 1 MW. Enfin, pour soutenir cette croissance, Bulane va devoir structurer son organisation avec le recrutement d'une trentaine de nouveaux collaborateurs et l'extension de nos capacités industrielles. »


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Alors que Bulane compte aujourd'hui une vingtaine de collaborateurs, pour un chiffre d'affaires 2022 de 2,3 millions d'euros, le dirigeant cherche donc, pour 2023, des profils très diversifiés, de la production à la R&D, en passant par la finance ou le marketing. Quant à l'extension, elle se fera sur un foncier « de la métropole de Montpellier », indique-t-il sans être plus précis, au moins 2.000 m2 supplémentaires pour y loger la production d'électrolyseurs.

Hybridation

L'Europe doit rapidement réduire ses combustibles et intrants fossiles pour réduire ses émissions de CO2 ainsi que sa dépendance géopolitique et économique au gaz importé. Dans ce contexte, l'hydrogène produit par électrolyse à partir d'électricité renouvelable peut jouer un rôle majeur en remplaçant les combustibles fossiles dans les procédés industriels ou le chauffage des bâtiments. Le dirigeant de Bulane rappelle qu'ils représentent en France plus de 400 TWh par an, « et dans l'industrie, 70% d'entre eux ne sont pas facilement électrifiables », précise Nicolas Jerez.

Dans cet écosystème "hydrogène" émergent, la PME héraultaise s'applique à tracer sa route tranquillement mais sûrement. Une trajectoire pragmatique, issue des convictions de Nicolas Jerez sur les réalités et perspectives du marché hydrogène, et qui tient en un mot : hybridation.

« Les évolutions ne se font pas par des sauts francs : tout est lié à une adaptation à l'environnement, donc on s'hybride, analyse le dirigeant. Chez Bulane, notre crédo, c'est de trouver des usages qui existent, qui soient fortement générateurs de CO2 et sur lesquels on aura un gros impact. Et notre sujet, c'est de faire un gaz électrique (à base d'hydrogène par électrolyse donc, NDLR) : entrer dans les applicatifs qui sont faits pour brûler du gaz en les hybridant avec de l'hydrogène. Car dans l'industrie, il y a un enjeu de process, et si on ne soutient pas cette hybridation, le risque, c'est que les industries délocalisent ou restent au gaz pendant les trente prochaines années. L'implémentation de ces systèmes peut se réaliser sans modification des infrastructures, de façon sécurisée et progressive. »

Cécile Chaigneau

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