Agriculture verticale : Futura Gaïa lève 11 millions d’euros pour passer à l’échelle industrielle

La startup gardoise Futura Gaïa, qui conçoit des fermes agricoles verticales équipées d’une solution industrielle innovante de culture en géoponie rotative, boucle une levée de fonds de 11 millions d’euros. Objectif : booster sa R&D et passer à l’échelle industrielle en construisant, en Occitanie ou en région PACA, une ferme de grande taille.
Cécile Chaigneau
Baptisé géoponie rotative, le mode de culture conçu par Futura Gaïa  permet de faire pousser des plantes dans des bacs remplis de terreau et disposés sur une roue.
Baptisé géoponie rotative, le mode de culture conçu par Futura Gaïa permet de faire pousser des plantes dans des bacs remplis de terreau et disposés sur une roue. (Crédits : Futura Gaïa)

Le 10 février, l'entreprise Futura Gaïa, basée à Rodilhan (Gard) et qui conçoit et commercialise des fermes verticales clés en main, annonce avoir bouclé sa levée de fonds. Il s'agit de la deuxième pour l'entreprise, la première, de 2,5 millions d'euros, ayant été conclue au printemps 2020.

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L'entreprise développe de l'agriculture de précision opérée dans des fermes agricoles verticales, en sol vivant et dans un environnement climatique contrôlé. Baptisé géoponie rotative, « ce mode de production n'a pas vocation à remplacer les cultures en plein champ ou en serres, mais à les compléter », répète à l'envi Pascal Thomas, le cofondateur de Futura Gaïa.

Le principe : les plantes (salades, fraises, herbes aromatiques, fleurs, etc.) poussent dans des bacs remplis de terreau et disposés sur une roue. Ils bénéficient d'une ligne d'arrosage par le haut. Un logiciel calcule la quantité de nutriments et d'eau strictement nécessaire à chaque plante, et la culture se fait sans pesticides ni fongicides. Une solution qui, rappelle son fondateur, répond aux enjeux de souveraineté alimentaire des territoires face au dérèglement climatique et à la raréfaction de l'eau.

« La compréhension des cycles industriels »

Cette deuxième levée de fond avait démarré fin 2020. Soit deux années pour la boucler, non sans quelques difficultés.

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« La logique de startups industrielles ou d'industrialisation des territoires passe par le financement et ce que ce temps long dit, c'est qu'il y a là un sujet de compréhension des timing et des cycles industriels, qui sont plus longs qu'un cycle logiciel, analyse Pascal Thomas. Ce qui a changé depuis quelques mois, c'est la prise de position forte de Bpifrance et de la Banque des territoires sur l'intérêt majeur de l'industrie pour l'économie. »

Ce nouveau tour de table est constitué des partenaires historiques de la société (UI Investissement, Sofilaro, Région Sud Investissement, Caap Création (filiale du Crédit Agricole Alpes Provence), le fonds d'entrepreneurs régional Occipac, Elpis et Alain François Raymond) et de nouveaux investisseurs dont la Banque des Territoires, Abeille Impact Investing France (fonds d'investissement à impact créé par Abeille Assurances), Colam Impact (filiale d'investissement à impact du Groupe Colam Entreprendre), InvESS't PACA (fonds d'investissement régional dédié à l'ESS, créé par A Plus Finance en partenariat avec la CRESS PACA), et plusieurs dizaines de particuliers via la plateforme de financement participatif Sowefund (pour un montant de 500.000 euros, l'opération étant toujours ouverte).

« Futura Gaïa apporte une solution unique et novatrice aux défis majeurs que sont l'érosion de la capacité de production de la France et sa dépendance aux importations agroalimentaires, observe Annabelle Viollet, directrice régionale Occitanie de la Banque des Territoires. Convaincue de la nécessaire transformation de nos modèles de production, la Banque des Territoires l'accompagne dans cette nouvelle étape clé de son développement en investissant en fonds propres. »

Futura Gaïa fait par ailleurs partie des 18 lauréats de la première vague de l'appel à projets "Première usine", lancé par Bpifrance dans le cadre du plan d'investissement France 2030.

Logiciel d'analyse et d'alerting

Sa première levée de fonds avait permis à Futura Gaïa de bâtir une ferme-pilote de 1.900 m2 à Tarascon (Bouches-du-Rhône), comportant une cinquantaine de systèmes de culture (roues).

« Nous y cultivons essentiellement du basilic pour Rungis, indique Pascal Thomas. La plupart des herbes aromatiques poussent hors de France et arrivent en avion avec un bilan carbone chargé. Il y a donc une volonté de changer mais aussi de sécuriser le sourcing par rapport au risque de manque d'eau ou de fortes chaleurs. »

L'extension de cette ferme-pilote, qui permettra de monter les équipements à 200 systèmes de culture, devrait être financée par la levée de fonds. Mais les 11 millions d'euros levés ont surtout vocation à permettre à Futura Gaïa de renforcer ses capacités en R&D agronomique et technologique et d'installer une première ferme verticale à l'échelle industrielle. Une dizaine de recrutements en 2023 pourraient venir renforcer les 22 salariés en poste.

« Notre système de culture peut aussi répondre aux besoins des industries pharmaceutique et cosmétique en ingrédients de grande qualité et sans pesticides, détaille le dirigeant. Aujourd'hui, plus de la moitié des plantes testées dans notre laboratoire sont des plantes pour pharmacie et la cosmétique car certaines plantes sont soit sourcées très loin avec une mauvaise empreinte carbone, soit ce sont des plantes dites "ramassées" qui poussent moins bien aujourd'hui et pour lesquelles nous faisons des tests de culture. »

Sur le volet technologique, Futura Gaïa travaille les logiciels et la robotique : « Nous développons notamment un logiciel d'analyse et d'alerting pour le suivi des fermes, par exemple de l'algorithmie pour de l'analyse d'images des plantes. C'est un sujet que nous travaillons avec le CEA. Tout comme le projet Energy management system qui permettra de piloter intelligemment l'usage de l'énergie sur la base d'une source d'énergies renouvelables et de batteries de stockage ».

432 roues sur 5.000 m2

L'autre gros investissement à venir, c'est l'installation d'une première ferme verticale à l'échelle industrielle, soit 432 roues de culture sur 5.000 m2 de superficie. Pascal Thomas cherche des bâtiments disposant d'au moins 9 mètres sous plafond.

« Nous cherchons en Occitanie et en région PACA, et plutôt dans des zones périurbaines de préfectures ou sous-préfectures, mais il existe très peu d'offre, souligne-t-il. Il nous faut aussi un partenaire industriel : soit dans le monde agricole, par exemple de gros producteurs, des coopératives, des agriculteurs indépendants qui voudraient se diversifier. Soit dans la GMS (grandes et moyennes surfaces, NDLR) qui regarde aussi comment sécuriser du sourcing et de la qualité. Soit des industries cosméto-pharmaceutiques. »

Une quête qui pousse le dirigeant à se poser une question qui pourrait faire polémique : « Une terre sans accès à de l'eau doit-elle encore être considérée une terre agricole ? Demain, ça peut être des endroits où mettre des panneaux photovoltaïques. Ou une de nos fermes verticales... ».

Cécile Chaigneau

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