Pierre Paulin, designer d’exception en Cévennes

Alors que le domaine cévenol de Pierre et Maia Paulin vient d’être inscrit à l’inventaire des Monuments historiques, le Musée Maison Rouge à Saint-Jean-du-Gard expose un ensemble d’œuvres emblématiques du designer. Un événement.
Maïa et Pierre Paulin ont fondé le domaine Calmette, qui a été inscrit en 2018 aux Monuments historiques
Maïa et Pierre Paulin ont fondé le domaine Calmette, qui a été inscrit en 2018 aux Monuments historiques (Crédits : Valentine Ducrot)

Deux ans après la rétrospective du Centre Pompidou à Paris consacrée à Pierre Paulin, Maison Rouge, le Musée des vallées cévenoles à Saint Jean du Gard présente jusqu'au 21 juillet l'exposition « Maïa et Pierre Paulin, design en Cévennes ». Figurant parmi les collections des plus grands musées (MoMA, Metropolitan Museum of Art, Musée des arts décoratifs à Paris, Victoria et Albert Museum à Londres) et exposées dans le monde entier, les œuvres de Pierre Paulin trouvent dans les Cévennes un écho plus intimiste. D'autant plus que la majorité des œuvres provient du Domaine Calmette à Saint-Roman-de-Codières où Pierre Paulin et son épouse Maïa se sont installés au début des années 90.

« Le musée Maison Rouge est basé sur les traditions et l'histoire des vallées cévenoles jusqu'à nos jours mais les expositions permettent d'élargir les centres d'intérêt, explique la conservatrice Carole Hyza. Née de la rencontre avec Maïa Paulin, cette nouvelle exposition n'est ni exhaustive ni chronologique : elle retrace l'histoire de l'un des plus grands designers français, qui, avec son épouse, a choisi les Cévennes comme nouveau lieu de vie. Elle est aussi concomitante à l'inscription du domaine Calmette à l'inventaire des Monuments historiques. »

Une retraite salutaire

Inventeur de fauteuils iconiques - Ribbon, Mushroom ou Tongue - qui ont fait l'objet de films culte (James Bond...), de clips ou de publicités, aménageur des appartements de Georges Pompidou à l'Elysée, concepteur du bureau de François Mitterrand... Pierre Paulin, disparu en 2009 à Montpellier, est sans aucun doute l'un des designers français les plus influents. Mais étonnamment, il est aussi l'une des personnalités les plus méconnues.

« Même si je m'amuse à dire qu'il a été à une époque le seul permanent de l'Elysée, Pierre n'était ni un communicant, ni un théoricien mais un homme de grande discrétion, très solitaire », confie l'audacieuse Maïa Paulin.

Créatrice d'une agence de design visant à rapprocher créateurs et industriels, elle a rencontré Pierre Paulin en 1970. Ensemble, ils vont, pendant deux décennies, révolutionner le monde du design avant de vendre leur agence (Maia Paulin s'occupe du développement et des relations clients) à un groupe international.

« Pierre était assez désabusé de voir à quel point, dans une grande agence (60 personnes), l'administratif pouvait prendre le pas sur le créatif. Il était à un moment de sa vie très Robinson Crusoë, se souvient Maïa. Notre coup de cœur pour les Cévennes a été très salutaire. Sur le domaine, il n'y avait ni chemin, ni eau, ni électricité : Pierre a tout remodelé. Il a été à la fois architecte, designer et paysagiste. Il a organisé le jardin comme un intérieur : chaque rocher, chaque arbre a sa place, telle une pièce de mobilier. Dans la maison, il a fait dialoguer la modernité avec la tradition cévenole, l'art, la nature et le travail. »

En octobre 2018, le domaine est inscrit à l'inventaire des Monuments historiques comme « œuvre totale mêlant architecture, mobilier et nature ». Il est en attente d'un éventuel classement.

Pièces iconiques rééditées

Du premier fauteuil en bois auto édité en 1952 à la banquette ondulante Amphis (pièce maitresse de l'exposition universelle d'Osaka), du salon noir et blanc du couple (composé du tapis Diwan, de quatre sièges Tongue blanc et d'une table basse Elysée) aux modèles colorés Ribbon Chair ou Orange Slice (nés de la collaboration avec Artifort dans les années 60) ou au fauteuil Butterfly en passant par des pièces uniques en bois, un fer à repasser Calor Jet Line et même un abattant de toilette..., la centaine de pièces exposées a été prêtée par Maïa Paulin - à l'exception du siège de François Mitterrand, prêt exceptionnel du Mobilier National.

En préambule de l'exposition, une pièce accueille quelques pièces emblématiques (dont le daybed et le canapée Elysée) provenant du magasin Ligne Roset Montpellier. Cette collaboration avec l'entreprise familiale Roset a été amorçée dans les années 2000. Un an avant sa disparition, Pierre Paulin dessinait pour Michel Roset le fameux fauteuil Anda. Depuis, Ligne Roset assure la réédition d'une vingtaine de modèles de meubles et tapis.

Protection du patrimoine

Depuis 2009, Maïa Paulin n'a de cesse, à travers ouvrages et expositions, de faire rayonner l'œuvre de son mari, en France mais aussi à l'international. De cette dynamique est née Paulin Paulin Paulin, entreprise familiale ( créé par Benjamin Paulin, le fils de Maia, et son épouse Alice Lemoine) qui s'attache à réaliser, pour des musées ou des palais, des pièces exceptionnelles conçues par le designer.

« Pierre Paulin, c'est tellement autre chose que le Ribbon Chair », exprime Maïa Paulin qui met toute son énergie à faire se rencontrer les générations autour de l'œuvre de son mari. Déjà dans les Cévennes, le couple envisageait de créer une fondation destinée aux étudiants et aux chercheurs. Le projet n'a jamais vu le jour mais Maïa Paulin rêve d'ouvrir un lieu d'expérimentation et d'exposition atypique à Alès.

« J'aimerais montrer aux jeunes Cévenols qu'ici tout n'est pas figé et que le design ouvre des voies. J'espère qu'ils viendront voir cette exposition qui raconte une partie de notre histoire et permet de rendre aux Cévennes ce qu'elles nous ont donné. »

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.