Pas sûr que le terme « figure marquante de l'art singulier » lui ait convenu tant Jean-Joseph Sanfourche refusait d'être catalogué ou associé à un mouvement artistique. Reconnu internationalement, le dessinateur, peintre et sculpteur, décédé en 2010, laisse une œuvre captivante ombrée d'un halo de mystère.

Une vie imaginaire

Biographe et légataire universel de Sanfourche, Jean-Luc Thuillier a écrit plusieurs ouvrages sur le peintre, histoire(s) de rétablir quelques vérités sur cet artiste réservé qui, pour éviter les réponses embarrassantes, s'est construit sa propre légende.

« Contrairement à ce qu'il a affirmé, son père n'a jamais été fusillé pendant la guerre, confiait Jean-Luc Thuillier lors de sa venue, mercredi 25 avril, au Musée d'Art Brut de Montpellier. Il est décédé juste après, de problème pulmonaire. Pour se protéger, Sanfourche s'est inventé une vie imaginaire. »

Originaire de Bordeaux, Jean-Joseph Sanfourche grandit dans une famille ouvrière - son père est mécanicien d'essai en vol mais également dessinateur. Après des études à l'Ecole Nationale Professionnelle, il dirige une manufacture de sous-vêtements puis gagne Paris en 1960 pour travailler dans les assurances. Il découvre alors l'avant-garde artistique de l'époque, notamment Niki de Saint Phalle, Ben...

« Ultra Art », selon Jean Dubuffet

Atteint d'un glaucome, angoissé par la souffrance et la mort, il finit par quitter son travail pour se lancer dans la création artistique. Ses dessins, caricatures vives et acérées, intriguent Dubuffet. Les deux artistes ne se rencontreront jamais mais correspondent.

« Je vois dans votre peinture une charge émotionnelle très forte, une aspiration à un extra-art », lui écrit le pape de l'art brut, qui lui achète peintures et dessins pour sa future Collection, et le recommande à ses amis, Mathey, Picon, Massé et surtout Alain Bourbonnais qui l'expose dans sa galerie Jacob (Paris 6e).

Commence alors une vraie reconnaissance avec des expositions au Musée des Arts décoratifs mais aussi en Italie où le peintre Enzo Pagani accroche ses œuvres aux côtés de Gaston Chaissac. Inspiré par ce moderniste, Sanfourche délaissera le noir et blanc au profit de couleurs, souvent éclatantes.

Faussement naïf

Cernés de noir, les yeux des petits bonhommes souriants de Jean-Joseph Sanfourche fascinent par leur force d'expressivité. L'artiste invente, se régénère, se consacre aux volumes, utilise des planches en forme de totems, des écorces, des outils de fer.

Passionné d'archéologie, il dessine sur des cailloux, des fémurs ou des crânes préhistoriques, intégrant toutes ces mécaniques à une esthétique très personnelle.

« Je ne suis pas un artiste mais un homme qui fabrique des choses à la limite de l'art et de la magie des cavernes », disait-il.

Ses textes en bordure ou au milieu des toiles rendent sa filiation avec Combas ou Ben plus évidente. Mais Sanfourche, qui s'intéresse à l'ésotérisme et au chamanisme, brouille les pistes. Dans ses autoportraits, comme dans Le Cavalier, il se représente en animal.

Homme blessé (homosexuel caché), portant en lui les trahisons d'un corps en souffrance, il n'a cessé de se dérober sous un masque. Sous leurs airs faussement naïfs, que dissimulent derrière leurs sourires les petits personnages de la tribu Sanfourche ?

Sanfourche, Exposition jusqu'en septembre au Musée d'Art brut - 1, rue Beau séjour à Montpellier. Tel. : 04 67 79 62 22.