Y’a-t-il trop de festivals dans les Pyrénées-Orientales ?

Les Déferlantes, imposant festival de musique des Pyrénées-Orientales, ont animé la chronique de cet hiver après l’annonce de leur déménagement de Céret à Perpignan puis, après polémique, un atterrissage au Barcarès. En toile de fond, une question : y a-t-il embouteillage de festival dans le département catalan ?
Dans les Pyrénées-Orientales, le paysage des festivals est chargé et les manifestations (comme le Désertival, notre photo) se téléscopent parfois sur les agendas...
Dans les Pyrénées-Orientales, le paysage des festivals est chargé et les manifestations (comme le Désertival, notre photo) se téléscopent parfois sur les agendas... (Crédits : DR)

Déplacer un festival comme les Déferlantes et ses dizaines de milliers de spectateurs n'est pas chose simple ? L'organisateur, La Frontera Production, qui n'a pas répondu à nos demandes d'entretien, en a fait l'expérience cet hiver, la fronde des artistes contre le RN ayant eu raison de la tenue du festival à Perpignan (ville tenue par Louis Aliot).  Au point de se retrouver accolé dans le calendrier à un autre poids lourd du secteur et sur le même lieu, Electrobeach.

L'an dernier, c'est l'organisation du Bacchus festival, créé pour remplacer les Déferlantes au Château de Valmy, qui avait fait grincer les dents. Il était positionné le même week-end que Voix de femmes, le festival de chansons qui se tient à Maury depuis une vingtaine d'années.

Alors, y'a-t-il trop de Festivals dans les Pyrénées-Orientales ?

Logique de profit

« C'est le discours qui est tenu par les plus grosses organisations qui, parfois sous le couvert de structures associatives, sont clairement dans une logique économique de profit », estime Emmanuel Négrier, directeur de recherche au CNRS et directeur du CEPEL, fin connaisseur de ce secteur culturel.

En gros, le secteur doit trouver sa rentabilité, en particulier pour absorber les cachets de plus en plus élevés des têtes d'affiche qui les mettent sous une forte contrainte économique comme résume Raphaël Dumas, organisateur de Vingt sur Vingt : « C'est valable pour toutes les entreprises culturelles, ce sont les têtes d'affiche qui sont dans le moment, sur les réseaux sociaux ou à la télévision, qui drainent le public. Sans elles, c'est très compliqué aujourd'hui ».

Emmanuel Négrier poursuit : « L'ambition de ces festivals, c'est quelque part de limiter le nombre d'événements qui se tiennent autour d'eux pour acquérir une position dominante dans le paysage. Pourtant, le nombre de festivals est toujours plus important et le public suit, ce qui montre bien que l'appétence est là. Mais cette dimension strictement économique ne rend pas compte de la réalité des festivals, ce qu'ils peuvent représenter dans la vie des territoires, leur aspect non-lucratif et le fait que seuls 40% des festivals sont musicaux ».

Pouvoir de régulation

On prend conscience de cette diversité quand on plonge dans les comptes du Conseil départemental des Pyrénées-Orientales pour analyser le soutien qu'il apporte à ces manifestations : au total, ce sont 91 manifestations ou festivals qui sont aidés, pour un montant de 345.000 euros, précise Alexandra Girard au service communication de la collectivité, « mais dans cette liste, on trouve tout autant le festival Pablo Casals de Prades et Poésie en chanson en Fenouillèdes, Courts-Circuit, un festival de courts-métrages, les Ciné-Rencontres, etc. ».

Et il manque surtout les grosses écuries, comme les Déferlantes, qui relèvent d'un autre budget, celui des marchés de communication, soit « une dizaine d'événements supplémentaires qui font monter l'enveloppe globale à 500.000 euros », précise Alexandra Girard.

« C'est un secteur qui est, en effet, très influencé par l'argent public, mais tout de même dans une moindre mesure que les théâtres ou les saisons culturelles des mairies. C'est d'ailleurs sur ce point que l'on pourrait s'attendre à ce que la puissance publique fasse jouer son pouvoir de régulation, comme ce que fait la Région Bretagne, ce qui est rarement le cas », relève Emmanuel Négrier.

« Maintenir l'accès à la culture »

Alors on repose la question : y'a-t-il alors vraiment trop de festivals dans les Pyrénées-Orientales ?

« C'est une question à laquelle il est difficile de répondre, déclare Charles Chivilo, maire de Maury et conseiller départemental en charge de la culture. Mais je crains qu'il se passe pour les festivals ce qu'il s'est passé pour les petits commerçants qui se sont fait déborder par les grandes surfaces... Il est important que nous essayions de conserver un maillage de manifestations dans les territoires ruraux qui souffrent par ailleurs de suffisamment de maux comme cela. Il faut absolument maintenir l'accès à la culture. »

« Trop de festivals, non, je ne crois pas, ajoute Raphaël Dumas chez Vingt sur Vingt. Il faut d'abord se poser la question de ce qu'est un festival. Pour moi, il n'y en a que quatre ou cinq dans les Pyrénées-Orientales : Les Déferlantes, le Greenland festival, Pablo Casals, le Desertival... Tout le reste, ce sont des événements sur plusieurs jours mais pas des festivals. »

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