« Michelin s’intéresse à Montpellier, ce qui est de bon augure » (Jacques Pourcel, Le Jardin des Sens)

SERIE (3/3) - À Montpellier, les frères Pourcel se lancent un nouveau défi en investissant le palace Richer de Belleval pour ressusciter leur mythique Jardin des Sens. Entretien avec Jacques Pourcel.
Les frères Pourcel, ressuscite leur mythique Jardin des Sens, dans l'Hôtel Richer de Belleval.
Les frères Pourcel, ressuscite leur mythique Jardin des Sens, dans l'Hôtel Richer de Belleval. (Crédits : A.Robert)

Le 26 juin dernier, Jacques et Laurent Pourcel ouvraient les portes de l'établissement de luxe Richer de Belleval qui accueille désormais leur restaurant gastronomique Le Jardin des Sens, une table bistronomique et un bar.

LA TRIBUNE - Après les trois années de travaux nécessaires pour redonner son lustre à l'hôtel particulier Richer de Belleval, la pression retombe-t-elle un peu ?

JACQUES POURCEL - Avec les travaux, les problèmes d'approvisionnement de matériaux, puis l'organisation du vernissage des artistes, c'est vrai que nous avons été pas mal sous pression. Mais personne n'a rien vu. Nous sommes un peu magiciens.

Suite à la fermeture, il y a cinq ans, de votre restaurant Le Jardin des Sens, quelles raisons vous ont conduits à vous lancer dans cette nouvelle aventure ?

Nous avons créé en 1988 le Jardin des sens et sommes restés 28 ans à la même adresse, rue Saint Lazare. Au fil du temps, le Corum (Palais des congrès de Montpellier, NDLR) a perdu de son prestige et le quartier s'est métamorphosé avec de vastes programmes immobiliers. Nous cherchions alors un autre endroit. Le projet Richer de Belleval nous donnait la possibilité d'installer un hôtel et surtout de passer du béton à la vieille pierre. Ce lieu historique, situé dans l'Ecusson montpelliérain, se présentait comme le prolongement de notre parcours. À 57 ans, c'est un challenge unique d'avoir entre les mains un lieu aussi prestigieux pour en faire notre nouvelle maison.

Ce nouveau projet a été mené avec le groupe GGL Helenis. Quel montant avez-vous investi ?

Vu l'ampleur des travaux et des investissements à faire, nous nous sommes rapprochés de Helenis. Le groupe Château-Pourcel a investi près de 3 millions d'euros dans le bar, le bistrot et le restaurant gastronomique. Une somme élevée du fait de la configuration des lieux avec plafonds voûtés, nombreux couloirs et pièces. Tout a été réalisé sur mesure. Rien que pour les cuisines, nous avons investi 800.000 euros.

Vous avez repris ici le nom de votre ancienne table gastronomique, le Jardin des sens. Êtes-vous sur la même démarche ?

Il fallait bien sûr que ce nom subsiste car nous avons créé notre histoire avec le Jardin des sens. Depuis cinq ans, l'offre montpelliéraine a beaucoup évolué avec l'arrivée de nouveaux étoilés : j'ai l'impression que Michelin s'est bien intéressé à Montpellier, ce qui est de bon augure car il est important que la ville redevienne une destination culinaire appréciée, à même de tenir la comparaison avec des villes comme Nîmes (cinq étoilés, NDLR). Pour ce qui est de la signature des Pourcel, elle reste la même : faire plaisir. Nous sommes toujours dans l'exigence et l'excellence avec l'ambition de nous positionner parmi les meilleurs.

Concrètement, visez-vous les trois étoiles Michelin ?

Nous avons déjà eu trois étoiles, avons été chefs de l'année Gault & Millau et avons reçu toutes les médailles possibles. Aujourd'hui, nous sommes totalement libres dans nos têtes. Bien sûr, il y a une volonté de nos équipes de décrocher les étoiles mais ce n'est pas obsessionnel. La gastronomie s'est beaucoup décomplexée, il faut que ces étoiles soient du plaisir. Le plus important : nous positionner sur un établissement hautement qualitatif.

Quelle est aujourd'hui l'identité culinaire des Pourcel ?

Je dirais qu'elle est toujours tournée vers le sud, côté mer et terre. Notre premier menu se nomme d'ailleurs "Dialogue avec notre Méditerranée". Nous avons accentué la recherche de fournisseurs régionaux, privilégiant les circuits courts. Notre cuisine se veut lisible, ancrée dans le terroir et bien de son temps.

Vous avez opté pour un rythme d'ouverture hebdomadaire de cinq soirs et deux midis. Pour quelles raisons ?

Nous ne pouvions proposer une formule gastronomique à prix élevé (premier menu à 120 euros pour le déjeuner, 190 euros le soir et une formule à 240 euros, NDLR) sept jours sur sept. Il nous aurait fallu deux équipes dédiées, impliquant à la fois des niveaux de charges trop importants et des difficultés de recrutement. Nous avions d'ailleurs réalisé une étude de marché révélant que la plupart des restaurants gastronomiques ne sont ouverts que trois à quatre jours par semaine.

A Paris, la Bourse de Commerce accueillant la collection Pinault côtoie le restaurant des Bras. Peut-on y voir une source d'inspiration pour vous ?

Non. Ici, l'art s'est naturellement imposé à ce lieu historique. Le bâtiment ne pouvait accueillir de piscine, de spa ou d'espace bien-être, très prisés de notre clientèle. Or, faire vivre économiquement un lieu sans ces prestations est compliqué. La fondation représente un attrait supplémentaire. Nous travaillons d'ailleurs à proposer des offres spécifiques intégrant gastronomie et culture.

L'aventure promet d'être chronophage. Comment avez-vous prévu de vous organiser ?

Nous avons la chance d'être deux ! Olivier (Château, NDLR) participe également beaucoup. Notre trio fonctionne bien et nous nous sommes entourés d'une belle équipe dirigée par le chef executive Romain Montalva qui a fait sa carrière chez Ducasse puis
nous a rejoint au Terminal (table gastronomique montpelliéraine ouverte par les frères Pourcel après la fermeture du premier Jardin des sens, NDLR).

Et vous avez mis à la tête de l'établissement deux femmes...

C'est un hasard. Mae Monnet, directrice générale, travaillait avec nous au Vietnam. Quant à Marie Chabas, nommée directrice, elle était responsable des ventes au sein de l'Intercontinental de Marseille. Nous avons pas mal de filles dans l'équipe et il n'y a pas
à faire de différence. Longtemps, le métier a été macho mais ça se calme, et c'est très bien.

Quelles sont vos ambitions chiffrées ?

Pour l'hôtel, notre équilibre économique tenait compte pour beaucoup de la clientèle étrangère venant d'Asie et des USA. Mais la pandémie est passée par là. Donc nous profitons de la plateforme de réservation Relais & Châteaux, et compensons avec
une clientèle française, suisse, belge... en attendant que les frontières s'ouvrent. En termes de restauration, nous sommes réservés sur un mois et demi, avec essentiellement des clients français. Il faut s'adapter à la période qui n'est pas facile mais les clients sont là. Si nous pouvions, sur l'année d'ouverture, atteindre les 7 ou 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, nous serions dans les clous.

Le groupe Château Pourcel emploie aujourd'hui 180 personnes dans le monde, dont 75 pour l'hôtel Richer de Belleval. Quels sont vos projets ?

À Montpellier, le Terminal va continuer : nous y avons mis une nouvelle équipe et mon frère fait régulièrement le service le midi. Le concept Mama Sens (épicerie et restauration, NDLR), lancé au Vietnam, va être décliné en France. Le premier ouvrira ses portes à Paris, à l'espace luxe des Galeries Lafayette, Boulevard Haussmann. Nous aimerions ensuite le dupliquer sur d'autres destinations représentatives du patrimoine français.

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