Un vin en jarre comme au temps des Romains

Après 2000 ans d’absence, l’amphore est de retour dans les chais. À Castelnaudary (11), un fabricant de jarres d’élevage fournit les domaines viticoles qui cherchent dans ce procédé propice à une meilleure oxygénation du vin, un nouveau Graal pour leurs vins.

Alignées dans cette usine de Mas Saintes Puelles, un village à quelques kilomètres de Castelnaudary, elles évoquent la cargaison d'un chaland romain ou une dolia, ces navires à grandes jarres comme l'archéologie subaquatique en a sorties du lit du Rhône, à Arles (13).

S'il n'est pas question ici d'Antiquité, les procédés de fabrication à l'œuvre dans cet ancien atelier de poterie ornementative utilisant la terre de Castelnaudary, sont hors du temps. Ici, on tourne encore à la main ces amphores destinées à l'élevage des vins, dont la forme pansue rappelle les grands vases d'ornement des jardins à la Française.

« Chaque pièce est un combat. Il faut de la puissance et du nerf, accepter la souffrance... Et la récompense quand on a fini une pièce », apprécie Denis, 58 ans, tourneur depuis 41 ans, qui manie chaque jour cette terre souple et robuste, un peu chamottée, et réalise avec son assistant Rachid, le montage en trois pièces de ces grandes pièces de forme ovoïdale : 98 cm de hauteur, 70 cm de diamètre sur la partie la plus large, une voûte fermée tournée à la main selon un procédé inégalé.

10 ans d'expérimentation

Les jarres seront ensuite séchées doucement comme un long affinage, entre trois semaines et un mois et demi, dans un couloir d'air aménagé entre deux bâches.

« À ce stade, elles perdent 7 % de leur poids et de leur volume, pour atteindre leur contenant final, de 160 litres », observe Olivier Beliveau.

Avec son associé Robert Guiraud, cet ancien journaliste a œuvré une décennie pour mettre en place ce procédé innovant qui puise sa source dans de lointaines origines.

« Les Romains l'utilisaient déjà au VIIIe siècle av. J.-C. pour transporter le vin sur de longues distances. Des jarres similaires existent en Géorgie, les Kvevri. Contenant plus de 1000 litres, elles sont traditionnellement enterrées et utilisées pour la macération », détaille Olivier Beliveau.

Vin d'amphore

Archéologue par passion, il a misé sur la terre de Castelnaudary et sur l'expertise d'un couple de vignerons pour bâtir son projet : Véronique et Stéphane Azémar du Clos d'un Jour à Cahors, qui commercialisent avec succès leur cuvée Un Jour sur Terre vieillie en amphores, depuis le millésime 2004. Les premiers essais, une jarre tournée à goulot étroit contenant environ 130 litres, ont été expérimentés pour l'élevage du cépage vedette de l'appellation : le malbec, très puissant et tannique, qui a besoin de beaucoup d'oxygénation.

« Mais la jarre devait évoluer pour recevoir d'autres cépages, poursuit Olivier Beliveau. Il a fallu soigner les cuissons, monter en température pour fermer les pores de l'argile sans les obstruer, soigner la hauteur, les épaisseurs de terre et le goulot pour qu'il puisse recevoir les bondes et les cannes pour le pigeage ; et surtout, il a fallu faire le vide », jusqu'à ce que la jarre trouve sa forme définitive.

Aujourd'hui, l'atelier Terre d'Autan commercialise ses jarres sur l'ensemble des régions viticoles de France, de la Champagne à la Bourgogne, du Bordelais à l'Alsace, en passant par le Jura, la Provence ou le Languedoc-Roussillon. Les jarres, sans y remplacer les fûts, ont trouvé leur place au milieu des cuves, barriques, foudres des domaines, en apportant rondeur et fruité aux vins, la particularité de la terre cuite étant d'offrir un échange d'oxygène utile au vin sans l'apport aromatique inévitable du bois.

« Cela donne des vins extrêmement ronds, qui valorisent le fruit », estime Olivier Beliveau.

Les vignerons, eux, ont trouvé leur Graal dans ces contenants en terre cuite, en quête d'une alchimie nouvelle pour leurs vins.

EN LANGUEDOC-ROUSSILLON, LES VIGNERONS QUI VINIFIENT EN JARRES :

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