Arrêt des réacteurs de Fessenheim : quelles solutions pour les déchets radioactifs induits ?

La fermeture du réacteur de Fessenheim, le 22 février dernier, et bientôt des autres plus vieux réacteurs du parc nucléaire français, pose notamment la question de la gestion des déchets nucléaires radioactifs qui seront produits par les différentes opérations de démantèlement. Les filières de gestion existantes pourront-elles apporter des solutions à la fois durables et respectueuses de l’environnement ? Analyse d’Isabelle Techer, Professeur des universités en géosciences de l’environnement et responsable de la licence professionnelle « Métiers du démantèlement, du désamiantage, de la dépollution et des déchets (3D+) » à l'Université de Nîmes.
(Crédits : Reuters)

Le 22 février dernier, le premier des deux réacteurs nucléaires de la centrale de Fessenheim a été mis à l'arrêt définitif. Cette décision politique marque le début d'une nouvelle phase de vie pour l'installation, celle du « démantèlement ». Il s'agit alors de prévoir le retour à l'état initial du site et de le préparer à d'éventuelles nouvelles activités. Comprenant l'évacuation du combustible, la décontamination et le démontage des équipements mais aussi la déconstruction éventuelle du génie civil, cette phase s'échelonnera sur une période longue, estimée entre vingt et trente ans (sans compter d'éventuels aléas techniques ou financiers).

Au-delà des conséquences sur le bassin d'emploi, la fermeture du réacteur de Fessenheim pose la question de la gestion des déchets nucléaires radioactifs qui seront indéniablement produits par les différentes opérations de démantèlement (vidange, rinçage, découpe des équipements et structures).

D'autant que cette fermeture fait partie d'une stratégie plus globale de mise à l'arrêt définitif des plus vieux réacteurs du parc nucléaire français, dont ceux de la centrale de Tricastin dans notre environnement local. Face aux déchets induits, les filières de gestion existantes pourront-elles apporter des solutions à la fois durables et respectueuses de l'environnement ?

Stockés ou entreposés

Ces filières reposent sur le niveau d'activité radiologique du déchet et sur la période de temps pendant laquelle ce déchet restera radioactif. Après avoir été triés, traités et conditionnés en fonction de ces critères, les déchets seront stockés ou entreposés. La majorité des déchets produits lors des opérations de démantèlement auront une activité dite très faible à moyenne, qui aura totalement disparu au bout de quelques dizaines d'années, 300 ans au maximum.

Ces déchets sont aujourd'hui stockés dans des installations dimensionnées pour garantir leur intégrité sur cette période de temps. Si les déchets de très faible activité (TFA) sont les moins radiotoxiques, la saturation de leur seul site de stockage actuellement opérationnel en France (CIRES de l'Andra, Agence chargée de la gestion des déchets radioactifs) pourrait se révéler problématique.

Une piste serait la valorisation de certains TFA, les déchets métalliques à très faible activité, qui ne seraient alors plus considérés comme des déchets. Les annonces récentes de la ministre de la Transition écologique et du président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) y semblaient favorables tout en précisant bien que cette valorisation se ferait « au cas par cas » et « après fusion et décontamination », des procédés aujourd'hui à préciser.

D'autres déchets, dont les volumes seront certes très faibles, seront par opposition caractérisés par une radioactivité élevée qui persistera sur des périodes de plusieurs milliers à dizaines de milliers d'années. Ces déchets ne disposent à l'heure actuelle pas de filière opérationnelle de gestion et sont entreposés sur les sites de production.

Entreposage, stockage ou transmutation de ces déchets dits « à vie longue », telles étaient déjà les pistes proposées en 1991 par la loi Bataille pour proposer une gestion respectueuse pour l'homme et l'environnement.

Sans coût humain, environnemental et économique

La transmutation désigne la transformation des noyaux radioactifs contenus dans les déchets, en éléments moins nocifs, voire plus du tout radioactifs. Les procédés mis en œuvre imposent l'utilisation de réacteurs à neutrons rapides, tous mis à l'arrêt définitif sur le territoire. Le récent abandon dans notre région du projet de création d'un nouveau prototype de cette filière (projet Astrid sur Marcoule) a mis fin aux espoirs portés par cette voie.

L'entreposage ne constitue qu'une solution « temporaire » de gestion des colis de déchets sur une durée limitée. Sur cette période, de plusieurs dizaines d'années, les déchets voient leur activité diminuer.

Le stockage suppose, quant à lui, le dépôt définitif des colis. C'est notamment la solution retenue en France et proposée au travers de la création du Centre Industriel de Stockage Géologique, Cigeo, dont le décret d'autorisation de création devrait paraître en 2020. Mais les contestations autour de son installation montrent à quel point la question de l'impact environnemental et sanitaire est cruciale et inquiète les populations.

Si l'arrêt du réacteur de Fessenheim constitue une décision politique majeure, elle n'est qu'une première étape vers une éventuelle « sortie du nucléaire ». Pour que celle-ci soit envisageable sans coût humain, environnemental et économique, nous devons entamer une réflexion collective mobilisant les scientifiques et entreprises concernées autour de la manière de gérer les déchets issus des démantèlements. La consultation organisée en 2019 pour établir un Plan National de Gestion des Déchets Radioactifs est une première approche dans cette démarche d'échanges.

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