Référendum en Catalogne : les patrons retiennent leur souffle

Par Aurélie Chamerois  |   |  437  mots
Alors que les séparatistes assurent qu’ils organiseront dimanche 1er octobre un référendum d’autodétermination, non autorisé par Madrid, les chefs d'entreprise catalans appellent au dialogue.

"Cela fait quarante ans que je vis ici, je n'ai jamais vu cela", répète avec une certaine inquiétude Philippe Saman, directeur de la Chambre de Commerce française à Barcelone. Dans son bureau avec vue sur l'emblématique Place Catalunya, il ne pensait pas que la situation pouvait en arriver jusque là. "C'est à se demander s'il y a une réelle envie politique de dialogue", regrette-t-il.

Les indépendantistes catalans, forts de leur victoire aux dernières élections régionales de septembre 2015, défient Madrid et comptent bien organiser le référendum promis à leurs électeurs mais interdit par la justice espagnole. Si le oui gagne, dimanche 1er octobre, ils assurent qu'ils déclareront l'indépendance et entreprendront les démarches pour se séparer de l'Espagne.

Insécurité juridique et incertitudes

La Catalogne, qui représente 16 % de la population espagnole, 20 % du PIB et 30 % des exportations, est un véritable moteur économique, affichant une croissance de 2,5%. Alors que la commission européenne a expliqué à plusieurs reprises qu'une Catalogne indépendante sortirait de facto de l'UE, Philippe Saman n'y crois pas trop.

"Personne n'y aurait intérêt, pour le poids économique de la région, mais aussi parce que c'est une zone de passage", juge-t-il.

Mais le monde de l'entreprise n'aime pas les situations d'instabilité politique.

"L'insécurité juridique effraie les décideurs, explique Manuel Rossillo, président du syndicat de patrons AEBALL. Ce référendum non négocié et sans garanties démocratiques n'est pas une solution."

Les entreprises ont-elles tout de même un plan B en cas de déclaration d'indépendance? "Les grandes entreprises ont un plan B et même un plan C et D pour tout type d'éventualité, assure Manuel Rossillo, mais le problème se posera pour les PME".

Vers "un nouveau pays" ?

Lluis Baró, chef d'une entreprise de construction avec 12 employés, n'est pas de cet avis. Indépendantiste depuis son adolescence, il pense qu'une séparation de l'Espagne serait bénéfique aux petites entreprises.

"Si nous construisons un nouveau pays, il y aura beaucoup de nouveaux bâtiments officiels ou sièges d'entreprises à créer et je pourrai les construire, confie-t-il. Nous pourrons aussi développer nos infrastructures pour faciliter les échanges commerciaux alors que l'État espagnol privilégie d'autres régions."

En attendant le dénouement de ce référendum interdit, la plupart des chefs d'entreprises et investisseurs suspendent leurs décisions les plus importantes. "Les entreprises attendent, réfléchissent, constate Philippe Saman. Il faut maintenant que les politiques, qui nous ont menés là, prennent leurs responsabilités."