Montpellier 2020 : la bataille des programmes est engagée

Dépouillée du titre de capitale régionale depuis le mariage avec Toulouse, fébrile au terme d'une mandature agitée, la ville voit s'affronter les candidats sur les moyens de restaurer un climat économique apaisé.
L'hôtel de ville de Montpellier.
L'hôtel de ville de Montpellier. (Crédits : Ville et Métropole de Montpellier)

Philippe Saurel y croit dur comme fer. L'analyse politique qui l'a vu prendre la mairie de Montpellier sans moyens ni parti en 2014, en jouant sur une équation « Citoyens, divers gauche, écologie », gardera toute sa pertinence en 2020. « Les partis ne font plus recette. Il faut appliquer une forme de démocratie directe. Je l'ai fait dans ce mandat, avec 320 réunions de concertation qui ont permis de co-construire la ville avec les habitants », assure le maire sortant.

Mais si les candidats déclarés aux élections se retrouvent sur un point, c'est la critique de la méthode Saurel. Alex Larue (LR), citant les rapports exécrables avec la Région ­Occitanie et le transfert laborieux de quatre compétences (voirie, solidarité logement, aide aux jeunes, culture) du Département de l'Hérault vers la Métropole en 2016, annonce « la fin des grands élus omniscients comme Georges Frêche, dont ­Saurel se réclame » :

« Je défends l'idée de l'élu facilitateur, qui doit laisser les initiatives émerger et les accompagner. La French Tech a permis de faire naître de nombreuses startups, mais les meilleures se font racheter ou quittent la métropole faute de foncier : c'est la fin d'un cycle. Nous n'avons pas su créer de grands champions. Avec mes réseaux d'avocats d'affaires, je veux mettre en place les outils pour porter nos pépites vers les 500 salariés, et attirer les grands groupes qui joueront les locomotives de l'écosystème local. »

Entre traditions et avenir

L'attractivité de la métropole est également liée, pour Michaël Delafosse (PS), à sa capacité à produire une nouvelle image :

« Le conflit avec le Département et la Région fragilise le territoire. Il n'encourage pas les partenaires et porteurs de projets à s'investir, car ils ne sont pas à l'abri d'une foucade. Je veux tout revoir en termes de méthode, créer un climat favorable à l'innovation afin que les entreprises identifient Montpellier comme lieu d'expérimentation. Il faut être attentif au rayonnement de la ville. Quelle idée d'arrêter les 12 Folies architecturale (1) ? Je veux les relancer pour dire que c'est ici que ça se passe. Tout le monde en profite, habitants comme entreprises. »

De son côté, Mohed Altrad (sans étiquette) vient de se lancer dans la course :

« Avant d'être un énième prétendant au titre de nouvelle Silicon Valley, il serait judicieux de s'appuyer sur le savoir-­faire hérité. »

Dans un livre-programme de 50 pages, l'entrepreneur montpelliérain évoque quatre axes d'action : l'environnement, le cadre de vie, le pouvoir d'achat et l'emploi, qu'il veut stimuler en s'appuyant sur « des traditions, universitaire et agronomique, qui permettent à Montpellier d'être dynamique dans la santé et l'agrobiologie », ou le tourisme, « une niche inexploitée qui pourrait créer une économie à part entière... Mais pour y parvenir il faut penser à l'échelle de la région, non de la ville ou de la métropole, et créer des synergies. »

Candidat du RN, Olaf Rokvam veut insuffler une nouvelle inflexion pour l'emploi et l'attractivité:

« Avec 12,8 % de chômage contre 10,7 % en France, il nous faut une dynamique économique plus forte. Aucune nouvelle industrie ne s'est installée ici dans les cinq dernières années. Il est bon d'attirer les étudiants et les seniors, mais il faut se soucier d'abord de convaincre plus d'entreprises. »

Le fléau de la congestion urbaine

La croissance démographique de Montpellier conditionne ses politiques d'aménagement. Avec 282 243 habitants, elle s'est hissée au 7e rang des villes de France, en 2017. Comment gérer ce flux de 4 000 nouveaux arrivants par an et la congestion urbaine qui en découle ? La réalisation, en 2017, d'une « deuxième autoroute » A9 découplant les trafics locaux et longue distance n'a rien changé aux embouteillages en entrée de ville (164 heures par an). 36 lignes de bus et quatre lignes de tramway n'ont guère fluidifié le centre ou les parcs d'activité comme le Millénaire ou Euromédecine, admet l'entourage de Philippe Saurel.

« Montpellier devient une gare de triage, estime Anne Brissaud (Nouveau Centre). Le nombre de tramways crée des contraintes aux habitants qui perdent une heure en ville dès qu'ils prennent la voiture. Je veux revoir le plan de circulation et l'urbanisation. Il faut créer des "centre-quartiers" où il fait bon vivre : des espaces de mobilité avec des transports en commun qui ne seraient pas perturbés en permanence, des points de reforestation en ville, etc. Cela ramènera de l'activité et redonnera des revenus aux gens pour des activités qu'ils choisissent, et non pas qu'ils subissent. »

Il est vrai que ­Montpellier, dépourvue de périphérique, attend toujours le bouclage d'une ceinture routière formée de trois tronçons : la liaison d'évitement nord, la déviation est, et le contournement ouest de Montpellier (COM).

Sur ce dernier sujet, porté par l'État, Philippe Saurel souligne le financement des études (25 millions d'euros) et les achats de foncier qui ont permis de débloquer le dossier, avec une première pierre prévue fin 2019 : « Tout le monde espère le COM depuis trente ans, et c'est moi qui l'ai fait », assène-t-il. De même, le maire vient de publier un guide face à « l'urgence climatique », revoyant la politique des ZAC, écoquartiers ou zones diffuses à l'aune des 17 objectifs de développement durable de l'ONU.

Ce qui n'émeut guère le député Patrick Vignal (LREM) :

« Quand on a un projet, on le fait. On n'attend pas la campagne électorale pour annoncer qu'on investit 80 millions d'euros sur le vélo et les mobilités douces. Pour ma part, je veux créer une autorité économique, écologique et touristique pour redonner la parole aux experts. Il faut arrêter de bâtir des ZAC et repeupler le centre-ville. ­Montpellier connaît un taux de 14 % de vacances commerciales, contre 8 à 10 % en France. Toute ma réflexion part de là : lancer une fiscalité propre au tourisme, créer un observatoire du commerce, revoir les flux de voitures entrantes, investir sur le bus à hydrogène... »

Face aux attaques, Philippe Saurel invoque le mouvement mondial de métropolisation : « Il faut revoir le rôle des Régions, qui ne lèvent pas l'impôt et redistribuent les dotations d'État en faisant du clientélisme. Ce sont les Métropoles qui se parlent entre elles dans la mondialisation. Après le Brexit, les gouvernements britannique et français veulent passer par elles pour maintenir le dialogue. C'est le sens de mon déplacement récent à Manchester : nous travaillons sur un contrat de coopération car cette ville est intéressée par notre expertise en gériatrie et bien-vieillir. La stratégie que nous lançons avec l'écosystème montpelliérain autour de l'industrie positive, sur des sujets comme le BTP, la métallurgie, le commerce ou la mobilité pourrait être ainsi déployée vers les autres villes avec qui nous sommes jumelés, comme Obninsk en Russie ou Chengdu au Chine. »

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Infographie, Domaines, Sondage, Montpellier, H302

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(1) Un programme de 12 édifices hors normes, lancé par la précédente équipe municipale en 2013 et stoppé au bout de deux réalisations, dont l'immeuble L'Arbre Blanc inauguré en juin 2019.

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