« L’État devra s’appuyer sur les seuls élus capables de donner une réponse de proximité : les maires »

Le début du déconfinement se profile et le gouvernement présentera son plan le 28 avril. A Montpellier, Philippe Saurel, maire de la Ville et président de la Métropole, grince des dents. Il évoque une crise mal gérée et vante le couple maire-préfet pour garantir la proximité dans le processus de déconfinement. Interview.
Cécile Chaigneau
Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de la Métropole.
Philippe Saurel, maire de Montpellier et président de la Métropole. (Crédits : Anthony Rey)

Le gouvernement s'apprête à présenter un plan de déconfinement. Que pensez-vous de cette perspective de déconfinement à compter du 11 mai ?

Philippe Saurel : « Le déconfinement, on le décrète quand il y a une perte de vitesse conséquente du virus d'après des tests sérologiques fiables... Avant de parler de déconfinement, il faut pouvoir faire des tests, isoler les malades, donner des masques à tous les individus, afin de passer d'un confinement statique à un confinement mobile, c'est à dire se déplacer en conservant les gestes barrière, en respectant les distanciations sociales, en portant des masques. C'est la seule façon de gérer une crise sanitaire ! Tant qu'on n'a pas tout ça, notamment des masques et des tests, on opte pour une méthode connue : le confinement. C'est symptomatique de la gestion de cette crise : avant le 1e tour, on nous a dit de fermer les écoles car ils étaient des foyers de propagation. Une semaine après, le gouvernement nous demande de les rouvrir pour faire voter les gens. Bilan : les élus paient un fort tribut. Aujourd'hui, on nous demande de les rouvrir pour accueillir les enfants tandis que les bars et les restaurants restent fermés ! Ma position est celle du soignant (Philippe Saurel est chirurgien-dentiste de profession, NDLR), diplômé en virologie, en bactériologie et en économie de la santé. Je sais un peu de quoi je parle. C'est la même position que le Conseil national de l'Ordre des médecins, que l'INSERM, que l'association des maires de France, que le président des maires de l'Hérault et d'autres maires comme ceux de Tulle ou de Lille, ou que Martine Vassal, la présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône. »

Faut-il aller dans le sens d'une plus grande décentralisation, et quel rôle et quelles responsabilités souhaitez-vous voir accorder aux intercommunalités et aux villes ?

« L'État n'a plus de services de santé de proximité efficaces. Les ARS (agences régionales de santé, NDLR) sont devenues régionales, avec des territoires monstrueux à couvrir, comme l'Occitanie par exemple, un pays à elle toute seule ! Quand on sera véritablement en période de déconfinement, l'État devra alors s'appuyer sur les seuls élus capables de donner cette réponse de proximité : les maires. C'est la raison pour laquelle le Président de la République a valorisé le couple maire-préfet. En temps de crise sanitaire de cet ordre, c'est le maire qui centralise l'action face à la crise, en liaison avec le préfet. Il faut séparer ce qui est politique du traitement sanitaire de la crise. »

La Métropole de Montpellier a commandé un million de masques. A qui seront-ils distribués, quand et comment ?

« Nous avons en effet commandé un million de masques, que nous recevrons par vagues successives de la mi-mai à fin juin. Je veux que nous ayons des masques homologués. Pour ce qui est de la distribution, c'est en cours de réflexion. C'est un sujet complexe. Qui a la liste de tous les habitants de la ville ? Nous avons listes électorales, dont un tiers environ est faux (notamment car des gens déménagent mais ne changent pas leur domiciliation électorale, NDLR), nous avons la liste des locataires de logements sociaux et le CCAS a la liste des personnes fragiles "canicules"... Ce qui est sûr, c'est que nous servirons en priorité les personnes les plus fragiles. »

Vous avez exprimé votre opposition à rouvrir les écoles à Montpellier le 11 mai. Pourquoi ?

« Il faudrait tester les enfants et les parents ainsi que leurs proches, les enseignants et leurs proches, les personnels municipaux, les agents de transport, les animateurs... Quant à la désinfection des écoles, ça ne peut pas être seulement un coup de serpillère ! Tout ça pour 30 jours de classe, soit 15 jours pour une demi-classe ? Selon moi, il est déraisonnable et prématuré de rouvrir les écoles... Mais le maire ne peut pas s'opposer. Le protocole sanitaire est annoncé pour cette semaine, on verra bien. Si la crise n'est pas gérée, je continuerai à dire que ce n'est pas raisonnable. Et si l'Éducation Nationale décide de rouvrir les écoles, ce sera sa responsabilité. Quant aux agents municipaux qui travaillent dans les écoles, pour le moment, ils ont peur. »

Côté transports, quel est leur niveau d'activité aujourd'hui et comment imaginez-vous la montée en puissance ?

« Nous les avons rendus gratuits avec des horaires spécifiques, permettant aux habitants d'aller travailler ou d'aller chez le médecin. Une fois que le déconfinement sera clairement énoncé, il y aura le problème des gestes barrière. Comment faire ? Qui pour contrôler qu'ils sont bien respectés ? Je demande des explications ! Tout ça parce que nous n'avons pas de véritable gestion de crise, comme d'autres pays... »

Prévoyez-vous d'augmenter les capacités de l'offre vélo pour répondre à de nouveaux besoins si les gens craignent de prendre les transports en commun ?

« Oui, et c'est d'ailleurs pour ça que nous avons mis en place nouvelles pistes cyclables, soit 15 km dont une partie est opérationnelle aujourd'hui. A la mi-mai, on aura commencé la nouvelle piste cyclable du quartier Hôpitaux-Facultés. »

Lors de leur réouverture, les cafés et restaurants devront faire respecter des distanciations sociales. L'augmentation du droit d'occupation du domaine public pour agrandir les terrasses est-elle envisagée ?

« On n'en est pas encore là. Pour le moment, nous avons pris des mesures économiques pour exonérer les droits de terrasse, par trimestre reconductible. »

Les entreprises comptent sur les collectivités pour relancer la commande publique et donc l'activité économique. La Ville et la Métropole ont-elles préservé leurs capacités d'investissement ?

« Face à l'impact économique de la crise sanitaire, nous avons engagé un plan de soutien économique historique de 50 M€ pour soutenir les entreprises et les associations les plus touchées. Si nous avons pu le faire, c'est parce que les finances de la Ville et de la Métropole sont très saines. Nous sommes prêts pour la suite. Le plan pluriannuel d'investissement de la Métropole et de la Ville, c'est 1,3 Md € sur trois ans (2020-2022, NDLR), avec notamment la ligne 5 et l'extension de la ligne 1 de tramway, la station d'épuration Maera, les pistes cyclables pour 100 M€ sur dix ans, le Contournement ouest, de nouvelles écoles, deux Maisons pour tous, etc. »

L'urbanisme est un axe fort de l'économie du territoire. Les services d'urbanisme ont-ils pu maintenir un niveau d'activité minimum et auront-ils les moyens de l'effort attendu du secteur ?

« Pour le moment, les services ont eux aussi à gérer la crise, avec des moyens réduits car des personnes ne sont pas là. Ça ralentit les procédures ou les commissions. Mais nous avons mis en place des mesures pour continuer d'instruire les permis de construire ou traiter les DIA (déclaration d'intention d'aliéner là où existe un droit de préemption urbain, NDLR).

Que préconisez-vous concernant la reprise des événements culturels ?

« J'ai rassemblé les présidents des grands festivals par visioconférence le 23 avril. Je préconise de privilégier le report plutôt que l'annulation quand c'est possible. Mais certains festivals devraient malheureusement être annulés, comme le Festival Radio France Occitanie Montpellier (prévu initialement du 10 au 30 juillet dans 60 communes de l'Occitanie, NDLR)... »

Pensez-vous qu'il faudra recommencer le 1e tour des élections municipales ou seulement tenir le 2nd tour ? En juin, en octobre ?

« Je ne m'occupe absolument pas de ce sujet dans ce contexte ! Toute mon énergie est consacrée à gérer la crise sanitaire, qui heureusement n'a pas été aussi grave à Montpellier que dans d'autres villes. La priorité, c'est la santé des habitants. Les municipales, ce n'est pas le sujet. Je n'ai pas d'idée, pas de souhait, pas de revendication. »

Cécile Chaigneau

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