"Il n’y aurait rien de pire qu’un volontarisme du plan de relance et une inertie administrative" (Michaël Delafosse, maire de Montpellier)

Le nouveau maire (PS) de Montpellier et président de la Métropole Michaël Delafosse est entré dans l’arène politique sans répit depuis sa prise de fonctions début juillet. Outre la gestion quotidienne de la crise sanitaire, l’édile a constitué ses équipes et lance ses premiers chantiers. Le premier d’entre eux, fidèle à ses promesses de campagne : la sécurité. Entretien.
Cécile Chaigneau
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole.
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole. (Crédits : DR)

Il y a embouteillage sur l'agenda de Michaël Delafosse. Depuis sa prise de fonction le 4 juillet dernier, le nouveau maire de Montpellier (7e plus grande ville de France) et président de la Métropole est sollicité de toutes parts. Par les journalistes bien sûr (chaque média veut son interview de rentrée) et par les acteurs institutionnels, économiques ou associatifs en tout genre. Selon son cabinet, Michaël Delafosse aurait quelque 250 demandes de rendez-vous en attente... Au dernier étage du gigantesque cube bleu nuit qui héberge l'Hôtel de Ville de Montpellier, on n'a pas arrêté depuis le 28 juin dernier. Et ça commence à se voir sur certains visages.

L'édile arrive à vélo de son précédent rendez-vous. Pour le moment, il n'a rien changé de ses habitudes de mobilité. Avec un début de mandat placé sous le signe du Covid-19, il a pourtant fait sa rentrée sur les chapeaux de roues. Alors qu'il vient de terminer la constitution de ses équipes, Michaël Delafosse doit gérer la crise sanitaire, tout en amorçant sans tarder la mise en œuvre de son programme.

Vous prenez vos fonctions dans le contexte si particulier de la crise sanitaire...

« Le Covid, c'est 20 % de mon temps. On a été les premiers à délivrer un plan salué par Matignon et qui fait référence. Dans l'Hérault aujourd'hui*, on est à un taux de contamination de 85 cas pour 100 000 habitants (le seuil d'alerte est de 50 pour 100 000, ce qui explique le passage de l'Hérault en zone active du virus dite zone rouge, NDLR), on a atteint un plateau, 98 % des enfants sont à l'école, ce qui est bien pour eux et pour les entreprises du territoire. »

L'autorité républicaine

La sécurité est l'un de vos tout premiers chantiers, une thématique qu'on a souvent reproché à la gauche de délaisser. Quel signal voulez-vous envoyer ?

« Je tiens mes engagements de campagne. J'avais mesuré que la situation à Montpellier était dégradée à un point inadmissible. Le discours de l'autruche, c'est fini. La gauche doit s'occuper de ces questions sinon l'extrême-droite instrumentalise la détresse des victimes mais ne règle rien. Ma conception de la sécurité est très claire : je crois à l'autorité républicaine. Je me porterai donc partie civile à chaque fois qu'un agent dépositaire d'une autorité publique se fera agresser pour dire de quel côté on est... On a commencé à redéployer la police municipale et à la positionner comme police de proximité, par exemple sur la Comédie ou avec des patrouilles de nuit dans l'Écusson. Police municipale et police nationale doivent faire bloc. Je me suis adjoint les services d'un "Monsieur Sécurité" en recrutant François Villette. Je l'ai choisi notamment parce que sur l'un de ses précédents postes, il a fait jouer l'article 40 du code de procédure pénale** pour dénoncer la corruption de ses élus ! Il est important que celui qui me conseille soit d'une exemplarité totale. »

Vous avez écrit (25 août) au ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, pour lui demander des moyens de police supplémentaires. Une réponse ?

« Le 28 septembre, je serai reçu avec les parlementaires de l'Hérault au ministère de l'Intérieur pour évoquer ça. Je suppose que c'est pour nous apporter des réponses. »

Identifier les forces communes

Vous avez nommé Hind Emad, jeune dirigeante de la start-up Faciligo, comme vice-présidente au développement économique. Pourquoi elle ?

« Le rôle des socialistes est de faire la place aux énergies de la ville dans la représentation politique. Je crois aux gens qui créent, aux entrepreneurs, aux artistes. Hind Emad a cette énergie. Le modèle de son entreprise (économie sociale et solidaire, NDLR) dit beaucoup de choses, et elle traduit le changement de génération dans l'économie. »

Vous portez l'ambition de créer une agence de développement économique à l'échelle métropolitain et même au-delà. Quel est le projet ?

« Je ne crois pas une usine à gaz supplémentaire. Elle sera dirigée par une personnalité de la société civile (il ne confirme ni n'infirme le nom d'Alex Larue, qui circule depuis quelques semaines, NDLR). Notre métropole est ouverte sur la Méditerranée, le bassin de vie, c'est 200 communes, c'est un port, des aéroports, etc. L'agence doit d'abord créer un esprit de coopération entre les territoires institutionnels et qu'on ne perde plus de temps dans les rivalités de voisinage. Il faut identifier les forces communes du territoire, nous devons être forts ensemble pour attirer des entreprises chez les uns ou les autres. »

Vous parlez d'un périmètre métropolitain « de Sète à Alès ». Et Béziers, dont l'agglomération est aujourd'hui dirigée par Robert Ménard ?

« Les entrepreneurs de Béziers comptent. Je ne partage pas les idées de M. Ménard, mais nous allons être confrontés à une très grave crise sociale et économique et il est urgent qu'on avance. L'agence doit travailler sur cette coopération. Avec la crise sanitaire, on ne peut plus faire l'économie d'avant... Nous présenterons les contours de cette agence fin septembre, début octobre. »

L'un de vos projets économiques phares pour la métropole est la création de la Med'Vallée, un pôle d'activité couvrant la santé, l'environnement, l'alimentation et le bien-être. Quel est le calendrier ?

« Je souhaiterais une déclaration commune de l'ensemble des acteurs d'ici la fin de l'année. J'entends beaucoup d'enthousiasme autour de ce projet, qui répond à une réelle demande... Il y a sur le nord de la ville du foncier qui a vocation à être repensé, la ligne 5 du tramway qui arrive, l'entreprise Medincell à Jacou, etc. Il faut mettre tout ça en cohérence. »

« Montpellier ne peut pas croître à l'infini »

En matière d'aménagement du territoire, vous annoncez un virage, avec l'ambition de faire émerger « un modèle d'innovation écologique et architecturale »...

« Il est clair que mettre tous les moyens publics pour étendre la ville vers la mer, c'est non. Terminé. Montpellier a une culture de l'étalement, il faut changer ça. La ville ne peut pas croître à l'infini. Il ne faut pas construire pour construire, et on ne construit pas n'importe comment, on arrête de balafrer Montpellier ! Mais faire différemment, ce n'est pas faire n'importe comment. Il va falloir être très innovant là où on veut encore un peu artificialiser. On a besoin du bois, de co-construction. Il existe des gisements fonciers sur la hauteur, dans l'Écusson, qu'il faut interroger... Les acteurs de l'immobiliers ont un boulot colossal en réhabilitation de l'ancien. Je veux les aider autour d'une régulation Airbnb que je prépare, pour qu'ils participent à requalifier des logements et que les familles viennent vivre dans l'Écusson. Il faut organiser la concertation sur ce type d'approches nouvelles d'habitat plus dense. La facilité d'aller tartiner du foncier, c'est non ! C'est pour ça que je dis stop à Cambacérès : plus de logement, que du tertiaire, la halle French Tech, Montpellier Business School et une partie qui ne sera pas urbanisée (le maire souhaite que le stade de foot soit construit sur Ode à la Mer et en discute avec les dirigeants du club et le préfet, NDLR). Il faut rééquilibrer la ville et construire dans les villes de la Métropole, tout en réfléchissant également à l'implantation d'activité économique. »

Les procédures administratives étant très longues, comment répondre aux attentes des acteurs de l'immobilier en matière de tempo ?

« J'ai dit à la ministre du Logement (Emmanuelle Wargon, NDLR) que les intentions de soutiens au logement sont louables mais on ne peut pas autant s'égarer en procédure. Il faut retrouver la temporalité du projet. J'aurai un dialogue rapide avec l'État, pour mettre le droit au service du projet. Il n'y aurait rien de pire qu'un volontarisme du plan de relance, une volonté des maires d'agir en rénovation et de recycler des espaces urbains, et en même temps, une inertie administrative qui nous empêcherait d'avancer. Sur la capacité de la France à s'en sortir ou pas, tout va se jouer dans les 18 prochains mois. »

« J'ai un rapport exigeant à la démocratie »

Quelle démocratie participative souhaitez-vous mettre en place ?

« La démocratie, c'est d'abord la lisibilité dans la parole de candidat puis d'élu. Je suis frappé que M. Altrad (chef d'entreprise candidat aux élections municipales, NDLR) se soit égaré sur ce chemin du populisme durant la campagne... Moi, je n'ai pris personne en traître. C'est pour ça qu'on a fait tout de suite la gratuité des transports. Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis, c'est une des premières conditions de la qualité du dialogue démocratique pour essayer d'en finir avec la défiance. J'ai choisi une élue en charge du renouveau démocratique, Séverine Saint-Martin. Il faut aussi digitaliser la démarche. On dévoilera bientôt les feuilles de route. Mais attention, la concertation ne doit pas conduire à l'impuissance de l'action publique. Par exemple, sur la stratégie zéro déchet, on mettra en œuvre une redevance incitative. C'était dans mon programme : on va concerter la mise en œuvre mais l'orientation est donnée. J'ai un rapport exigeant à la démocratie. Je souhaite qu'on ait des expérimentations car c'est une valeur conquise qui est menacée aujourd'hui par les populistes. »

« Il faut que la gauche arrête d'être dans l'invective et l'outrance »

Vous incarnez, avec quelques autres maires en France, le rapprochement réussi entre le PS et les Verts. D'importantes échéances électorales se profilent. Quelles sont vos ambitions nationales pour la gauche et quel rôle pensez-vous y jouer ?

« Il faut se rassembler dans la clarté et le respect ! Ce n'est pas qu'un vœu pieux, à Montpellier, on y est arrivé. Je me suis ouvert aux formations qui contribuent au débat démocratique et à ceux qui ont des engagements, qui apportent une expertise. Je suis socialiste et fier d'appartenir à ce grand courant d'idées. Mon rôle a été, dans cette campagne, de le faire entrer dans la modernité. Le PS est dans un moment de renouvellement et ça se voit. Par exemple avec Carole Delga (présidente PS de la Région Occitanie, NDLR), dont je suis le premier supporter ! Il y a un péril RN en Occitanie et, pour les acteurs économiques, il n'y aurait rien de pire qu'un message de repli et de populisme ! Au niveau national, il faut que la gauche arrête d'être dans l'invective et l'outrance, qu'elle ne s'égare pas pour faire un bon mot sur Twitter, qu'elle parle projets sur des questions essentielles. Personnellement, ma priorité, c'est Montpellier. Je contribuerai au débat de la gauche et j'ai l'impression que, quand je fais la gratuité des transports, j'y contribue. Il faut porter un récit écologique positif, optimiste, conquérant. La mobilité décarbonée doit compter plus que tout le reste, et doit se faire en lien avec la justice sociale. Nous sommes le clan du progrès. Chez les socialistes, j'en appelle à un "nouvel Épinay" (officiellement qualifié de congrès d'unification des socialistes, en juin 1971, NDLR) quand François Mitterrand a offert une nouvelle synthèse politique. Mes amis d'EELV et de la gauche auront des choix à faire, de clarté, face à la violence, sur la laïcité... J'ai envie de dire aux jeunes que le monde n'est pas fichu, que ça dépend de nous. Osons des solutions volontaires ! Il y a une nouvelle génération de leaders qui arrivent, autour de la RSE, de l'entreprise à mission. Une mutation peut s'opérer sur des modèles nouveaux d'entrepreneuriat et Montpellier doit être ce phare. Il faut s'appuyer sur les forces de la jeunesse, de l'innovation. Je n'ai pas envie que la France devienne un pays de rabougris ! Je ne participe pas aux manœuvres d'appareil, c'est par les idées qu'on se remettra en mouvement. Je ne suis candidat à rien, j'ai suffisamment à faire à Montpellier, mais je suis fier quand on cite Montpellier en exemple pour la gauche. »

* Entretiens réalisés les 4 et 11septembre septembre 2020.

** "Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République."

Cécile Chaigneau

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Commentaires 6
à écrit le 16/09/2020 à 7:15
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''une inertie administrative'' qui perdure depuis des années pour le résultat catastrophique que l'on a aujourd'hui....plus confiance dans tout ce beau monde...et c'est pour ça que ça va si bien en France

à écrit le 15/09/2020 à 22:19
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Mr le maire. Qaund allez vous nous débarrasser de ces mineurs isolés afin de retrouver une vie plus apaiser à Montpellier. Depuis Plusieurs mois nius sommes confrontés aux pillages, incivilités, vols et agressions à l'armes blanches ? Doit on comme a...

à écrit le 15/09/2020 à 11:42
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aller vite !!!! maire PS !!!! = augmentation des IMPOTS

à écrit le 15/09/2020 à 9:00
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tiens, il decouvre qu'il y a des pbs de securite au petit bard? quand son parti se rend compte qu'il y a des pbs de securite c'est que c'est largement trop tard voila ce que c'est de faire de la demagogie pendant 50 ans et ca sera pareil pour les ...

le 15/09/2020 à 18:40
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Bien vu, on paye très cher les erreurs des municipalités depuis 1962, et le vouloir faire grossir les villes artificiellement. Il n'y a que quelques villes de l'ouest un peu moins touchées car se sont croisées au moment des immigrations de folie l'e...

à écrit le 14/09/2020 à 20:30
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Rien ne change ! Avec mon amie, nous avions l'habitude de nous rendre le soir, casser la graine dans 1 guinguette ou 1 brasserie sur la Place de la Comédie : nous n'y venons plus, moi j'ai peur de me faire agresser, elle a peur de pas retrouver sa vo...

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