Michaël Delafosse, un an de mandat à Montpellier : « Ici, il y a une gauche au travail et qui rassemble »

INTERVIEW – En juin 2020, les Montpelliérains ont élu un maire socialiste et jeune (44 ans). L’édile s’est appliqué à tenir ses promesses de campagne avec une énergie décuplée, malgré le contexte de crise sanitaire. Grand entretien avec Michaël Delafosse un an après son élection à la tête de la Ville et de la Métropole de Montpellier.
Cécile Chaigneau
Michaël Delafosse est le maire (PS) de Montpellier et président de la Métropole depuis un an.
Michaël Delafosse est le maire (PS) de Montpellier et président de la Métropole depuis un an. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Un an de mandat à la tête de la 7e ville de France et de sa Métropole. En quelques mots, comment résumeriez-vous cette année, placée sous le sceau d'une crise sanitaire inédite ?

MICHAEL DELAFOSSE - La priorité a été d'assurer la protection de la population, l'économie, la culture, les activités congrès etc. On a dû être sur tous les fronts. Je n'ai pas fait comme les autres : c'était facile de critiquer les mesures nationales. J'ai refusé de rentrer dans ce populisme médical qui a consisté à troubler les messages de sécurité sanitaire. C'est la vie des gens qui était en jeu, on ne se transforme pas en virologue de comptoir ! Ce dont je suis très fier, c'est le lieu de vaccination à la mairie, pour moi qui ai fait campagne sur le thème du maire qui protège, avec plus de 2.000 personnes vaccinées par jour... La crise n'est pas finie, on doit rester vigilants, mais dans mon agenda de maire, ça a été 50% de mon temps.

On sait que la crise aura augmenté la précarité et mis certaines entreprises en difficulté. Mais qu'est-ce qu'elle aura changé dans le bon sens ?

De cette crise, il doit sortir quelque chose. Pour moi, s'il y en a une qui doit nous alerter, qui doit être un point de vigilance et de mobilisation de tous parce qu'il en va de notre pays, c'est que la France n'a pas eu son vaccin. Nous, la nation de Pasteur, nous la nation du CNRS, nous la nation de la R&D. Ça me conforte dans mon ambition de faire la Med Vallée qui doit faire de Montpellier un des territoires de la reconquête de la souveraineté sanitaire et de l'innovation en matière de santé.

« Tout était en silo, sclérosé »

Un an après votre début de mandat, que dit votre rapport d'étonnement sur les deux collectivités que vous présidez ?

Dans mon rapport d'étonnement, il y avait les budgets votés qui n'étaient pas exécutés, les agents qui étaient pour beaucoup démotivés avec une perte de sens dans leur travail. Et puis il y avait des sujets de déficience de l'action publique : tout était en silo, sclérosé. On ne peut pas fonctionner comme ça... J'ai changé de DGS (Olivier Nys a pris ses fonctions en septembre 2020, NDLR) à qui j'ai demandé d'engager une très profonde réforme de l'administration pour qu'elle soit plus efficace, pour que le service rendu à l'usager soit meilleur.

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Quels sont les grands changements impulsés dans les services administratifs des deux exécutifs Ville et Métropole, et où en est la mutualisation des services ?

Je souhaite que l'administration de la 7e ville de France soit l'une des plus novatrices en termes d'organisation territoriale. J'étais sidéré de voir que les systèmes d'information n'étaient pas mutualisés... Durant ma campagne électorale, j'ai souvent dit qu'on n'allait pas empiler des politiques publiques, mais transformer des politiques publiques pour que chaque euro du contribuable versé soit un euro utile. Tout ça, c'est lancé mais il faut être respectueux des agents et on a encore six gros mois de travail qui vont nous permettre de dégager des marges de manœuvre importantes pour financer des mesures.

Souhaitez-vous aussi ouvrir, le temps de votre mandat, le chantier de la mutualisation entre la Métropole et les communes volontaires sur certaines fonctions ressources ?

Plutôt des coopérations. Notre intercommunalité est la plus importante de France en termes de compétences intercommunales. Aujourd'hui la question n'est pas de lui rajouter des compétences, mais de bien les exercer. Ensuite nous proposerons des coopérations comme des achats groupés, sur le juridique, etc. J'ai posé un acte fondateur lors du dernier conseil de Métropole (le 7 juin 2021, NDLR) : la création d'une police métropolitaine des transports. La question de la sécurité est une question fondamentale et nous pensons qu'il faut coordonner nos efforts à l'échelle intercommunale.

« Que Montpellier soit un des points forts sur la carte de notre pays »

Vous avez toujours dit être viscéralement attaché à tenir vos engagements de campagne. Aujourd'hui, où se situe le curseur de ces promesses électorales ?

Je vais plutôt répondre par l'exemple que par le curseur. J'avais promis la gratuité des transports en plusieurs étapes, on a avancé en septembre 2020, on continuera en septembre cette année, et ce sera en place fin 2023. J'avais pris l'engagement d'un effort très important pour l'éducation : toutes les classes viennent d'être équipées de vidéo-projecteurs, toutes les dotations pédagogiques sont là, le soutien scolaire est déployé dans 60 écoles de la ville. J'avais promis une action sur Airbnb, nous venons de la lancer. La police métropolitaine des transports, nous la lançons. L'agence de développement économique, nous avons acté (le 10 juin, NDLR) qu'elle se mettrait en œuvre au 2nd semestre 2021.

Votre action a-t-elle été ralentie par la crise sanitaire ?

J'ai fait un double effort : la crise et mes engagements ! Je voulais que Montpellier soit un des points forts sur la carte de notre pays. Montpellier aura accueilli deux fois dans la même année le Président de la République : il est venu sur la sécurité pour annoncer le renfort de 50 policiers supplémentaires, et il reviendra en octobre pour le Sommet Afrique-France. Montpellier revient sur la carte.

« Je suis de gauche et je crois à la règle »

La sécurité est l'une des préoccupations premières des Français, et sera un thème fort des présidentielles. Elle a été l'une de vos premières actions : êtes-vous le maire de gauche qui ramène la sécurité dans le débat ?

Quand on est de gauche, on a une politique pour l'écologie, une politique sur l'économie, une politique sur l'éducation, et on doit en avoir une sur la sécurité ! Les gens de gauche qui n'ont pas compris ça, c'est qu'ils ont oublié qui ils défendent ! Je suis de gauche et je crois à la règle, à la loi ! Le RN ne règle aucun problème de sécurité ! C'est facile d'instrumentaliser la détresse des victimes, les faits divers, de faire peur... J'essaie de régler les problèmes. Dès le 6 juillet, j'ai demandé un PC mobile sur la place de la Comédie. La police municipale se coordonne avec la police nationale, je veux qu'il n'y ait aucun angle mort ! Nous avons pris un arrêté pour dire stop aux épiceries de nuit qui vendent de l'alcool, ce qui crée des tensions dans l'espace public. Nous travaillons de manière coordonnée sur le quartier Gambetta, nous avons démonté des points de deal en lien avec la police nationale. La mobilisation a été totale : 50 policiers nationaux supplémentaires, 42 dans la police des transports, 30 dans la brigade du logement social... Et nous allons agir sur le harcèlement de rue car c'est un fléau. Les gens ne doivent pas sentir ces discours insupportables qui était ceux de mon prédécesseur "c'est pas moi, c'est l'Etat" ! Si la gauche ne s'occupe pas de ce sujet, elle sera balayée !

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Le 7 juin dernier, l'assemblée métropolitaine a adopté une délibération cadre sur la Med Vallée, un pôle économique autour de la santé, du bien-être, de l'alimentation et de l'environnement. Qu'en sera-t-il de sa mise en œuvre ?

On a à Montpellier la plus ancienne faculté de médecine du monde (800 ans, NDLR), un hôpital ultra innovant, le label I-site grâce à nos universités, l'ICM (Institut du cancer de Montpellier, NDLR), des entreprises comme Horiba et Sanofi, des startups, etc. Il faut fédérer cet écosystème et depuis que je parle de la Med Vallée, tout le monde veut en être ! Le chef de l'État dit qu'il sera à nos côtés symboliquement et financièrement. La présidente de Région Carole Delga dit elle aussi qu'elle aidera Montpellier. Nous ferons d'ailleurs des coopérations entre les CHU de Nîmes, Montpellier et Toulouse parce que les enjeux de santé sont énormes. La prochaine étape pour la Med Vallée, c'est la signature du protocole de création par le Président de la République le 10 octobre.

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Quels sont les autres axes de votre politique sur le développement économique ?

On parle beaucoup du BTP, du tourisme et c'est normal, ce sont des poids lourds. Mais il faut identifier les filières qui peuvent être des dynamiques pour le territoire national : les ICC (industries culturelles et créatives, NDLR), le numérique, les énergies renouvelables. Les ICC par exemple, sont notre 2e point fort, avec un écosystème puissant qui comprend notamment France TV, le studio Dwarf, l'ESMA... On va mettre le paquet ! Nous avons créé un fonds ICC de 600.000 euros pour accompagner les entreprises, en partenariat avec le CNC (Centre national du cinéma et de l'image animée, NDLR). Nous allons organiser un grand événement autour des ICC... Le troisième point fort, ce sont les énergies renouvelables. Je souhaite défendre cette idée qu'à Montpellier, on innove, on entreprend.

« Quand on construit, on ne fait pas n'importe quoi »

Quid des futures agences de développement économique et d'urbanisme ?

L'agence de développement économique, ce sera pour le 2e semestre de cette année, au plus tard début 2022. Car quand il y a 700 entreprises qui veulent s'implanter sur le territoire et qu'on ne peut en accueillir que 200, il faut qu'on s'occupe des 500 autres. C'est pour ça qu'il nous faut aussi une agence d'urbanisme pour coopérer avec nos voisins à l'échelle de l'aire urbaine. Cet été, je vais commencer à réengager les échanges avec les autres intercommunalités.

Où en est le futur plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI) et comment allez-vous répondre à l'impatience des promoteurs immobiliers sur la production de logements ?

Le PLUI sera prêt fin 2023 après toutes les concertations réglementaires et avec un objectif : réduire l'étalement urbain. Les objectifs de zéro artificialisation nette, c'est un engagement, on ne peut plus faire comme avant. Ce PLUI va nous aider à identifier les zones où densifier et celles à conserver. L'urbanisation chaotique a été très contestée... Les promoteurs sont impatients mais je veux leur dire clairement : certains ont fait n'importe quoi ! Aujourd'hui, on remet de la règle : priorité aux ZAC. Et hors ZAC, pour l'instant, pas grand-chose, parce que certains promoteurs ont suffisamment balafré la ville et on en paie les conséquences... Quand on fait de l'argent avec du Pinel et que l'école à côté est pleine à craquer, qu'on dégrade la qualité de vie des habitants, c'est irresponsable. On trompe l'investisseur, on trompe le locataire et on met de la tension dans le tissu urbain. Je suis très frappé qu'on ait accepté autant de dérèglements. Alors je salue tous les promoteurs qui ont pris une position de responsabilité... Quand on construit, c'est pour trente à quarante ans, on ne fait pas n'importe quoi, n'importe où et n'importe comment ! Sinon, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait du contentieux et de la colère.

Sur le volet environnemental, quelles sont vos avancées ?

Le plan climat air énergie a été adopté le 7 juin. Objectif zéro carbone, c'est une cohérence d'ensemble. Je vois des chefs d'entreprises qui font du zéro déchet, de la prime vélo, des flottes de véhicules décarbonés, etc. Je souhaite que tout le monde soit partie prenante car cela aura un effet levier extrêmement puissant et d'image pour le territoire. Concernant les ZFE (zones à faibles émissions, NDLR), on va d'abord essayer de comprendre ce que dit le gouvernement ! La Métropole et la Ville n'achètent que des véhicules décarbonés, des bus à hydrogène, par exemple. On va expliquer que quand un véhicule est trop polluant, il ne pourra plus entrer dans la ville, et on donnera le calendrier aux acteurs économiques pour leur permettre de s'organiser. C'est pour ça qu'on travaille sur les questions de logistique urbaine.

Vous avez un grand plan d'investissement de 2,3 milliards d'euros pour la Métropole. Pouvez-vous en rappeler l'esprit ?

C'est très simple : jamais durant son histoire, la Métropole n'aura autant investi que dans ce mandat. Nous sommes et nous serons au rendez-vous de la relance. Nos investissements seront en hausse de presque 30% parce que nous allons vers des turbulences pour nos entreprises et donc pour l'emploi, et ce à quoi je crois, c'est que le seul moyen de surmonter ces turbulences, c'est que la puissance publique investisse. Ce plan de relance soutiendra massivement les questions de mobilité : 440 millions d'euros pour la 5e ligne de tramway, aux alentours de 70 millions d'euros pour le réseau de bus à haut niveau de service, 50 millions d'euros pour l'extension de la ligne 1 vers la gare Sud de France et le quartier Cambacérès, 150 millions d'euros sur les mobilités actives vélos-piétons...

« Au travail ! »

Des regrets sur cette première année de mandat ?

Ça ne va pas assez vite ! Je ne suis pas à plaindre, j'ai été désigné élu local de l'année par tous vos confrères... Mais ce à quoi je veux m'attaquer, et je pense que j'en parlerai dans le débat national, c'est la question du temps... Carole Delga a fait un super boulot sur la LGV Montpellier-Béziers, mais par exemple, le TGV Paris-Madrid, c'était François Mitterrand et Felipe Gonzalez en 1986, et on l'aura fini au mieux en 2040. On met une vie pour faire un projet ! Il faut re-maîtriser le temps. Le monde change, les autres vont vite, plus vite que nous. Mon regret, c'est ça ! Quand je suis devenu maire, on m'a dit la ligne 5 du tramway, ce sera 2027. Je ne veux même pas l'entendre : ce sera 2025 car les gens ne peuvent pas attendre ! Il faut retrouver de l'agilité, simplifier les procédures.

Quel sera votre leitmotiv pour les cinq années qui viennent ?

Au travail, au travail, au travail ! Cette ville a de l'énergie, de la créativité. Elle a l'envie d'être ville de référence pour la transition écologique et solidaire, d'être un territoire d'innovation. Et moi, je suis le chef d'orchestre de cette belle énergie.

Votre DGS Olivier Nys dit de vous « Michaël Delafosse ne se sent dépositaire de rien et réinterroge tout ». Est-ce une bonne définition de l'élu que vous voulez être ?

En effet, je n'ai aucun dogme. Je réinterroge toutes les politiques publiques, tous les process. Je ne suis pas là pour singer le passé mais pour inventer l'avenir. Il n'y a pas de tabou, je réinterroge mais pour qu'on agisse, pas pour qu'on blablate.

Quel est l'état du débat public au sein des exécutifs municipal et métropolitain ?

J'ai essayé de changer radicalement le style par ce que je suis : je ne suis pas quelqu'un qui aime beaucoup les conflits. Le débat public commande de savoir écouter l'autre même si on n'est pas d'accord, de savoir se répondre. Donc j'essaie d'y apporter une certaine hauteur. Je trouve que mes collègues y participent...

« Je suis maire, je ne ferai rien d'autre »

Vous avez soutenu les candidats socialistes Carole Delga aux régionales et Kléber Mesquida aux départementales dans l'Hérault, et les deux l'ont emporté. Le PS renaît-il de ses cendres ?

Je n'en sais rien... Je suis le maire de Montpellier, je suis socialiste et je ne suis pas quelqu'un qui change de camp en fonction de ses intérêts. J'ai convaincu par les idées et par une démarche, je me suis adressé à l'intelligence des gens. Je veux aussi aérer le paysage politique et dans l'équipe municipale, il y a plein de nouvelles personnalités qui sont arrivées avec leur style, leurs doutes mais aussi avec beaucoup de franchise, et ça fait du bien. J'ai invité à voter pour les équipes socialistes parce que pour la première fois depuis quarante ans, on peut travailler ensemble : Département, Région et Métropole. Et si on travaille ensemble, on met tous les atouts de notre côté. Ce territoire a trop souffert des conflits. J'ai besoin du Département sur la sécurité pour gérer le volet prévention de la délinquance juvénile, ou sur les grandes questions solidarité. J'ai besoin de la Région sur le développement économique. L'enjeu, c'est l'intérêt général... Alors est-ce qu'on va faire renaître le PS ? Je n'en sais rien mais ici, il y a une gauche qui est au travail, qui est respectueuse des gens qui ne sont pas de gauche. C'est la gauche qui rassemble.

Comment vous impliquerez-vous dans les présidentielles ?

Je m'impliquerai dans le débat d'idées bien sûr, et je soutiens Anne Hidalgo*. On se parle... Je suis socialiste, je crois à l'ISF, la question du travail est importante dans le débat. Et la question de concilier justice sociale et écologie, c'est fondamental. Mais aujourd'hui, je suis maire, je ne ferai rien d'autre.

* Michaël Delafosse fait partie des 200 élus locaux qui ont signé, le 30 juin dans la presse quotidienne régionale, une tribune pour encourager Anne Hidalgo à se présenter aux prochaines élections présidentielles.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 01/07/2021 à 10:31
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Il a de bonnes idées, certaines excellentse comme la MedValley, mais il faudra honnêtement un peu plus de temps pour faire son bilan. Néanmoins, je note 3 choses qui me laissent un peu sur la réserve avec cet homme politique : 1- Il se targue d'êtr...

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