Alès, une ville moyenne face à la crise (sanitaire et financière)

Dans le Gard, la ville et l’agglomération d’Alès (72 communes) oscillent entre territoire d’industrie et territoire rural. Une dynamique qu’il faut sans cesse entretenir pour préserver son économie. Mais la crise Covid est venue y mettre un sacré coup de frein. Les deux collectivités s’appuient encore sur une santé financière plutôt saine mais des inquiétudes pointent à l’horizon 2021 ou 2022. Entretien avec Christophe Rivenq, premier adjoint à la mairie d’Alès et président d’Alès Agglomération.
Cécile Chaigneau
Christophe Rivenq, premier adjoint à la mairie d’Alès et président d’Alès Agglomération.
Christophe Rivenq, premier adjoint à la mairie d’Alès et président d’Alès Agglomération. (Crédits : DR)

Alès, sous-préfecture du Gard, compte 41 000 habitants sur la ville et 133 000 sur l'agglomération. Max Roustan (LR) en est le maire depuis 1995, sans discontinuer. Christophe Rivenq est premier adjoint à la mairie d'Alès et président d'Alès Agglomération (72 communes) depuis juillet 2020. Il est également conseiller régional à la Région Occitanie et président du groupe Union des élus de la droite et du centre. Depuis le début de la pandémie, l'élu est sur le pont...

Sur le front sanitaire : « en hypertension »

Où en est la situation sanitaire à Alès (entretien réalisé le 13 novembre) ?

Christophe Rivenq : « Depuis le début de la 2e vague 29 patients, plutôt des personnes âgées, atteints du Covid sont décédés au centre hospitalier. Normalement, nous avons 8 lits de réanimation, avec la possibilité de monter facilement à 12, et nous avons réussi à monter à 18. Mais nous sommes aujourd'hui à 14 lits occupés. Le système de santé du bassin d'Alès est saturé, nous sommes en hypertension... Le positif, c'est que les malades restent moins longtemps qu'en mars. »

Une drôle de rumeur, que vous démentez, a couru concernant la patinoire d'Alès qui aurait été réquisitionnée par la ville pour servir de chambre funéraire... Comment est-elle née ?

C. R. : « Évidemment ce n'est pas le cas ! En mars dernier, alors qu'on ne savait pas où on allait, nous avions pris la décision de maintenir la patinoire en glace malgré sa fermeture au cas où nous aurions à faire face à un afflux de décès. Nous avons fait de même pour cette 2e période de confinement. Mais nous n'avons pas eu besoin d'y recourir. Heureusement, la capacité des chambres funéraires est utilisée à 15 % seulement. »

Sur le front de la gestion territoriale : « continuité du service public assurée »

Les effectifs de la Ville et de l'Agglomération ont-ils été touchés massivement par le virus ?

C. R. : « Alès avait été peu touchée lors de la 1e vague mais aujourd'hui, nous sommes un des territoires les plus touchés en Occitanie. Une cinquantaine de personnes sont testées chaque semaine, avec une trentaine de cas positifs qui restent chez eux. Mais à ce jour, grâce à la mutualisation des services entre Ville et Agglomération et au sein des pôles de politique publique (regroupements de services entre Ville, Agglomération et syndicaux intercommunaux, NDLR) nous avons pu remplacer les agents pour assurer la continuité du service public dans des conditions pas optimales mais acceptables. »

Comment se passe ce 2e confinement pour les 2 300 agents des deux collectivités ?

C. R. : « A la différence du premier confinement, tous les agents sont présents à leur poste de travail car le service public territorial - ramassage d'ordures ménagères, entretien d'espaces verts, assainissement, maintien à domicile, service du cimetière ou police municipale - se fait majoritairement en présentiel. Mais là aussi, à la différence du mois de mars où certains étaient dans une peur presque panique et préféraient être confinés chez eux, les agents sont très volontaires. Nous n'avons donc pas de difficulté à conserver les effectifs. »

Qu'est-ce qui est le plus compliqué à gérer ?

C. R. : « De ne plus pouvoir organiser de réunion de travail en présentiel, ce qui génère de la difficulté à faire passer des informations. Or plus on est en crise, plus il faut échanger. L'une des principales difficultés se situe dans la gestion des écoles : nous avons 400 agents dans plus de 100 établissements sur toute l'agglomération, qui sont potentiellement en contact avec beaucoup de publics différents et pour lesquels il est parfois compliqué de respecter scrupuleusement le décret ministériel de distanciation sociale. L'autre difficulté majeure à gérer, c'est l'administration des soins à domicile. Nous employons une centaine d'agents sur cette activité, et nous devons être vigilants sur leur santé pour qu'ils ne risquent pas de transmettre le virus. Nous avons mis un protocole en place, avec des points quotidiens sur les éventuels cas contacts ou l'apparition de symptômes pour vite les isoler. »

Sur le front des finances : « inquiétude pour 2021 et 2022 »

La Ville et l'Agglomération ont contribué financièrement pour soutenir l'économie locale. La situation financière des deux collectivités pourrait-elle être problématique à court, moyen ou long terme ?

C. R. : « A court terme, non. En 2020, nous allons pouvoir boucler l'année malgré une perte estimée à un peu moins d'1 M€ pour chacune des deux collectivités en raison des mesures de soutien économique : plan de relance de plus de 3,5 M€ en soutien au tissu économique, culturel et associatif, achat de masques pour la population, 1,5 M€ de plus au fonds L'Occal, etc.  En 2020, l'impact porte surtout sur nos régies - marchés, parkings, loyers -, soit 700 000 € de recettes qui ne seront pas compensées. Le Pôle mécanique a été fermé pendant plus de 2 mois alors qu'il ne vit que sur les ressources des utilisateurs et locataires, ce qui représente plusieurs centaines de milliers d'euros. Quant au personnel, il n'a pas pu travailler mais a continué d'être payé. Résultat : le pôle mécanique allait bien mais nous allons devoir passer par l'étalement ou l'isolement de certaines dépenses pour les amortir sur plusieurs années... Heureusement, l'année 2019 avait été bonne pour l'agglomération, avec une capacité d'endettement à trois ans (le taux d'endettement de l'agglomération plafonne à 3,1 ans pour 2020 et le poids de la dette sur l'ensemble des finances de la collectivité n'est plus que de 1,3%, NDLR) et une épargne nette suffisante (lors de son conseil communautaire du 30 juillet 2020, Alès Agglomération annonçait "mettre de côté près de 8 M€ en 2020, soit autant qu'en 2019, en raison d'un excédent des recettes de fonctionnement grâce à une gestion économe", NDLR). »

Où sont vos craintes sur l'avenir financier des collectivités ?

C. R. : « Je suis plus inquiet pour 2021 ou 2022 car nos recettes dynamiques, les impôts économiques CFE et CVAE (cotisation foncière des entreprises et cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, NDLR) principalement, risquent d'être impactées. Mais nous avons pris la décision de renforcer le budget d'investissement (le 30 juillet 2020, le conseil d'agglomération a validé son premier budget : 141,6 M€ dont 112,9 M€ de fonctionnement et 28,7 M€ d'investissement, NDLR). Nous rajoutons une année d'investissement répartie sur la durée du mandat, ce qui revient à augmenter d'1/6e la capacité d'investissement de la collectivité. Par exemple, nous créons une ligne supplémentaire de fonds de concours de 1 M€ pour aider les 72 communes de l'agglomération si elles ont un projet d'investissement immédiat. Cela permet de donner du travail aux entreprises du territoire. Ce qui est dommage, ce sont les procédures qui sont complexes et longues, et qui parfois rendent difficile de dépenser l'argent ! »

Sur le front des commerces : « des mesures inefficaces »

Comment se portent les commerces d'Alès ?

C. R. : « Les situations sont bien sûr très diverses selon le type de commerces. Certains étaient résignés au 1e confinement mais avaient réussi à se relancer et même s'étaient bien remontés pendant l'été. Mais aujourd'hui, la situation est difficile car beaucoup ont des charges fixes incompressibles. Certaines mesures annoncées depuis Paris sont éloignées des réalités : par exemple, le crédit d'impôt sur les loyers pour les bailleurs, c'est ignoré que la plupart des bailleurs sont de petits propriétaires qui ont besoin de ces loyers de vivre ou qui ont des emprunts bancaires à honorer. Ça n'a aucun sens ! J'avais demandé au Premier ministre d'aller jusqu'à 100 % de crédit d'impôt pour certains petits propriétaires... De la même manière, le gouvernement prend des mesures de chômage partiel mais beaucoup de commerçants n'ont pas de salariés. Les commerçants veulent travailler et savent qu'il faut arrêter la propagation du virus... J'ai fait une proposition à M. Castex : plutôt que donner de l'argent à des gens qui ne peuvent plus travailler, pourquoi ne pas remettre une partie du financement du chômage partiel aux entreprises pour qu'elles permettent aux salariés de continuer à travailler, par exemple pour organiser le click & collect ? Ces mesures qui ne sont pas coordonnées dans une action publique sont des mesures inefficaces... Si encore les commerces peuvent rouvrir le 1e décembre, on limitera la casse. J'ai expliqué à M. Castex que le cœur de ville d'Alès, c'est 113 M€ par an de consommation. Si on estime que novembre et décembre représentent 30 % du chiffre d'affaires et qu'on enlève les commerces qui restent ouverts, cela fait environ 20 M€ de manque à encaisser. Comment compenser ? »

Cécile Chaigneau

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