
De quelle manière et pour quelle importance les budgets des collectivités locales ont-ils été « déformés » consécutivement à cette crise ? Quelles conséquences sur l'équilibre budgétaire de l'année 2020 et sur le niveau d'investissement ? Quelles conséquences possibles sur les réserves budgétaires de la collectivité mobilisables postérieurement à 2020 ? Telles sont les questions que la Cour des comptes est allée poser à 322 collectivités en France, celles dont les dépenses de fonctionnement de leur budget principal sont supérieures à 60 millions d'euros et qui ont contractualisé avec l'État (contrat de Cahors) afin de limiter leurs dépenses de fonctionnement à + 1,2% par an entre 2018 et 2020.
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27 collectivités à la loupe en Occitanie et une situation de départ saine
Elles sont 27 en Occitanie, à avoir vu leurs comptes passer au crible de la Chambre régionale des comptes (CRC) Occitanie entre juin et octobre : la Région Occitanie, les 13 départements de la région, les métropoles de Montpellier et Toulouse, les agglomérations d'Alès et du Muretain, la communauté urbaine de Perpignan, ainsi que les villes de Béziers, Montauban, Montpellier, Narbonne, Nîmes, Perpignan, Sète et Toulouse.
« Le fait d'avoir été soumises au Contrat de Cahors a fait qu'elles ont abordé la crise dans de bonnes et saines situations financières, contrairement à ce qui s'était passé pour la crise de 2008, observe Émilie Bret, première conseillère à la Chambre régionale des comptes d'Occitanie. Les collectivités ont contenu leurs dépenses de fonctionnement et respecté les seuils d'endettement. »
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Deux secteurs stratégiques touchés
Le gendarmes des comptes publics souligne au préalable à quel point l'économie régionale a été touchée par la crise dans ses fondamentaux, les deux secteurs les plus stratégiques étant l'aéronautique et le tourisme (respectivement 100.000 et 110.000 emplois).
« La CRC fera une étude spécifique l'an prochain avec les CRC Pays de la Loire et Nouvelle Aquitaine sur le secteur aéronautique », annonce Émilie Bret.
Ces deux secteurs ont mobilisé des dispositifs exceptionnels de soutien de la part de diverses entités publiques : les PGE accordés à 20.000 entreprises en Occitanie (8,5 milliards d'euros à fin novembre) et le fonds de solidarité de l'Etat (6,5 milliards d'euros), mais aussi le Fonds L'OCCAL créé par la Région et ses partenaires (notamment les collectivités locales) à hauteur de 75 millions d'euros. Et bien sûr le plan de relance de 100 milliards d'euros lancé par l'Etat, dont 90 millions pour l'Occitanie.
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Action, réaction
Face à la crise, la CRC observe « une réaction rapide des collectivités qui sont intervenues dans leur champ de compétences, voire au-delà, et selon des stratégies différentes » de manière massive et sans dégrader leur équilibre financier 2020 en raison de la situation saine de départ.
« Les Départements sont intervenus dans le champ des solidarités humaines, souligne Émilie Bret. Par exemple, le Département de l'Aveyron a agi de manière la plus large : il a utilisé plusieurs leviers : il a ainsi créé un fonds exceptionnel de 1 million d'euros pour soutenir les associations, et un fonds de 2 millions d'euros pour soutenir les établissements sanitaires et médico-sociaux. Et il a abondé son budget RSA à hauteur de 900.000 euros en anticipant une progression des bénéficiaires de 5% à 10%. »
Les Départements du Gard, de l'Hérault et de l'Aude ont choisi de bénéficier du dispositif d'avances sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO, impôts dus au moment d'une transaction immobilière). Les deux premiers l'ont anticipé dès juillet, à hauteur de 32 millions d'euros pour l'Hérault et de 38 millions d'euros pour le Gard. Le Département de l'Aude l'a sollicité en septembre après avoir observé une réelle inflexion durant l'été.
Les communes et intercommunalités, elles, se sont mobilisées en soutien de leurs personnels afin d'assurer la continuité de service public, en protection des populations en fournissant des équipements de protection, et en soutien du secteur économique.
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Quels moyens mobilisés ?
Forte d'une situation financière saine (capacité de désendettement de 4 ans), la Région Occitanie a pu absorber les effets de la crise en utilisant son excédent de clôture 2019 pour financer son fonctionnement 2020. La CRC précise « qu'elle conserve en outre une marge d'endettement conséquente pour préparer l'avenir ».
Même chose pour le bloc communal : « La Ville Nîmes a procédé à un ajustement de son plan pluriannuel d'investissement en concentrant 18 millions d'euros d'investissement sur les deux premières années, centrés sur les activités du BTP », cite à titre d'exemple Émilie Bret.
A Sète, le budget d'investissement prévisionnel a été porté de 31,4 millions d'euros à 35,2 millions d'euros cet été. La Ville de Béziers a augmenté son budget d'investissement de 57 millions d'euros à près de 70 millions d'euros, « sans recourir à l'emprunt mais en mobilisant son fonds de roulement » précise la CRC Occitanie.
Du côté des intercommunalités, « la Communauté urbaine de Perpignan a augmenté son budget d'investissement de 9,6 millions d'euros par le recours à l'emprunt ». Le budget d'investissement du 1e semestre 2020 de la Métropole de Montpellier est passé de 237 millions d'euros à 300 millions d'euros, celui de la Métropole de Toulouse de près de 582 millions à près de 667 millions d'euros.
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L'effet de ciseaux redouté en 2021
Si la situation des finances locales est plutôt satisfaisante quand se termine cette année de crise, avec des équilibres budgétaires qui ne sont pas remis en cause, il y a fort à parier que l'impact de cette crise se fera davantage sentir en 2021 et même au-delà.
La CRC Occitanie met en garde la Région et les treize Conseils départementaux sur ce qu'on appelle l'effet de ciseaux entre recettes - qui risquent de s'effondrer, notamment pour ce qui est des DMTO et des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) - et dépenses en matière sociale et économique.
Les situations s'annoncent là aussi diverses : tout dépendra des conditions de départ pour chaque collectivité et de la façon dont elles font face au choc, mais aussi bien sûr de ce qu'il reste à traverser du point de vue sanitaire et des conséquences économiques qui en découleront.
La CRC note un point commun à tous les niveaux de collectivités : « l'incertitude sur la souscription effective des emprunts prévus en 2020 pour l'investissement, qui a pu être ralenti à l'automne 2020 du fait du second confinement, et des conséquences à venir sur la capacité à investir en 2021, au détriment du désendettement. »
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