Stratégie zéro déchets pour la Métropole de Montpellier : ambitions et critiques

Le 22 mars, la Métropole de Montpellier présentait sa stratégie zéro déchet lors de son conseil métropolitain. La collectivité veut changer de logiciel et promet une stratégie de rupture. Objectifs annoncés : contrôle des coûts, redéfinition des outils industriels existants, nouvelle dynamique de captation de flux de tri, forte sensibilisation des habitants, mais aussi responsabilisation des acteurs économiques dans la gestion de leurs propres déchets. Décryptage.
Cécile Chaigneau
La stratégie de la Métropole de Montpellier s'articule autour de l'engagement dans la réduction des déchets et prévoit notamment de mieux collecter et valoriser les biodéchets.
La stratégie de la Métropole de Montpellier s'articule autour de l'engagement dans la réduction des déchets et prévoit notamment de mieux collecter et valoriser les biodéchets. (Crédits : DR)

Dossier sensible à gros enjeux s'il en faut, la stratégie de gestion des déchets des collectivités déchaîne souvent les passions... C'est un des sujets majeurs du mandat du président de la Métropole de Montpellier, Michaël Delafosse. En place depuis 2020, l'exécutif montpelliérain promet une politique zéro déchet « en rupture avec les précédentes ». Le 22 mars, il présentait sa stratégie zéro déchet lors du conseil métropolitain.

A ce jour, la collecte est effectuée en régie pour 14 communes (80.000 habitants) et dans le cadre de marchés de prestations de service auprès de sociétés privées pour 17 communes (410.000 habitants). La Métropole dispose également de 20 déchetteries. Quant au traitement des déchets, il s'appuie sur le centre de tri DEMETER (capacité de 35.000 tonnes) et sur l'unité de méthanisation Amétyst (capacité technique de 140.000 tonnes d'ordures ménagères résiduelles et 33.000 tonnes de biodéchets). Par ailleurs, depuis la fermeture de la décharge de Castries, la Métropole exporte une partie de ses déchets non recyclables et non compostables (notamment vers l'usine de retraitement des déchets de Calce, dans les Pyrénées-Orientales), ce qui lui coûte près de 11 millions d'euros par an.

En 2021, les dépenses prévisionnelles consacrées au Service public de gestion des déchets étaient de 96 millions d'euros, tandis que les recettes globales atteignaient les 95,5 millions d'euros, notamment en raison de la progression du taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

« Pas de plan B », « tsunami »

« Une stratégie zéro déchet est d'une absolue nécessité, lance François Vasquez, vice-président de la Métropole, délégué à la Collecte, tri, valorisation des déchets et Politique zéro déchet. Il s'agit d'une politique de rupture qui n'a pas de plan B. Car nous avons une succession d'épées de Damoclès au-dessus de nos têtes et les enjeux environnement sont à l'échelle de ce mandat. Il y a, dès ce mandat, une équation économique intenable : une flambée des tonnages, car nous accueillerons 25.0000 nouveaux habitants d'ici la fin du mandat, ce qui représente 12 à 15.000 tonnes de déchets en plus. Nous aurons la réforme du "socle commun", et donc l'addition de l'échec de l'usine de méthanisation Amétys, soit 40.000 tonnes de compost d'ordures ménagères résiduelles qui devra aller en décharge. La flambée des coûts, c'est l'augmentation des coûts des exutoires - la décharge et l'incinération - et des contrats de collecte, ou encore de la taxe générale sur les activités polluantes à coup de millions d'euros de surplus pour brûler et enfouir ! C'est aussi la ZFE qui impose des changements de motorisation. Et nous aurons une mutualisation sur la collecte de nettoiement qui va créer un surcoût de 2,5 millions d'euros par an. Nous allons faire face à un véritable tsunami ! »

Pour illustrer ce qu'il appelle le « niveau de gabegie », l'élu donne l'exemple du verre et indique qu'aujourd'hui, 12.000 tonnes de verre sont encore déposés dans les poubelles grises au lieu des points d'apport volontaire : « Si seulement 5.000 tonnes, sur ces 12.000, étaient déposées dans les points d'apport volontaire, on économiserait 2 millions d'euros chaque année sur le traitement ! ».

Outre un effet ciseau entre dépenses et recettes, François Vasquez évoque des raisons environnementales - « pollution de l'eau, du sol, de l'air, impact climat, préservation des ressources naturelles » - ainsi qu'une équation solidaire et sociale - « ce sont toujours les plus modestes qui sont les plus impactés par les hausses des taxes qu'il nous faudrait augmenter si nous ne changeons pas de politique ».

L'axe déchets verts

Cette stratégie zéro déchet se décline au travers quatre objectifs (et 100 mesures), qu'énonce François Vasquez : « optimisation de la collecte et de la captation des flux valorisables, amélioration des performances de valorisation de la filière de traitement, politique de prévention, de sensibilisation et d'incitation adaptée aux changements de comportement, et dynamique d'économie circulaire à stimuler et à structurer ».

« Notre politique est multiple et nous allons changer la donne, promet l'élu. Ametyst était la clé de voute de la politique des déchets de la métropole, mais le mal était incurable car il était dans le remède-même ».

Mauvaises odeurs, optimisation des déchets insuffisante, autoconsommation d'une grande partie de la production d'énergie sensée alimenter le quartier voisin, coûts de fonctionnement trop importants,... L'usine de méthanisation Amétyst a en effet derrière elle quelque quinze années de polémiques. Début 2021, elle s'est dotée d'une nouvelle ligne de tri dédiée au biodéchets, qui pourra être optimisée dès lors que les biodéchets représenteront entre 6.000 et 8.000 tonnes.

Car les déchets verts (biodéchets alimentaires et petit déchet de jardin), encore trop souvent mélangés aux déchets résiduels non triés dans les poubelles grises, sont l'un des axes d'amélioration visés par la métropole. Michaël Delafosse évoque l'ambition de revoir les moyens de collecte de déchets verts et de « travailler avec d'autres territoires pour prendre en charge leurs biodéchets en échange de quoi ils pourraient nous prendre d'autres types de déchets ».

« Notre stratégie, c'est une politique de mutualisation car on ne traite pas les déchets à l'échelle de la métropole de 500.000 habitants mais au minimum à l'échelle d'un million d'habitants, ajoute l'élu en charge de la stratégie zéro déchet. J'ai commencé à prendre contact avec toutes les collectivités nous environnant pour mutualiser nos process. »

La Métropole prévoit également d'actionner deux autres leviers : un vaste plan de prévention et de sensibilisation pour changer les comportements et les habitudes, et une tarification incitative. Sur ce dernier point, Michaël Delafosse, qui ne s'est jamais caché être favorable au principe du "pollueur-payeur", avait annoncée le lancement d'une étude sur ce mécanisme dès novembre 2020.

« Il y aura la mise en place progressive d'une fiscalité incitative avec une dimension sociale, car aujourd'hui, tout le monde paie la même chose, qu'il fasse un effort ou non », justifie-t-il.

Délinquance environnementale

Les acteurs économiques, quant à eux, sont prévenus : la Métropole, qui jusqu'à présent prenait en charge la collecte des déchets des activités économiques sans qu'il s'agisse d'une obligation réglementaire, va redéfinir son périmètre d'intervention.

« Nous étions une des rares métropoles à collecter les déchets dans les zones d'activités économiques et nous allons les inviter à se responsabiliser », souligne Michaël Delafosse.

La filière de traitement de la Métropole ne permettant pas aux entreprises et acteurs économiques producteurs de déchets de répondre aux objectifs réglementaires qui s'imposent à eux, la collectivité indique qu'il convient qu'ils puissent s'orienter vers des opérateurs privés disposant de filières externalisées.

Et le président de la Métropole pousse un coup de gueule : « Il y a un enjeu à agir sur la délinquance environnementale qui est une irresponsabilité et un fléau immense ! Nous avons des déchetteries, avec des agents et des horaires, et pourtant certains déversent leurs déchets dans les vignes, polluant nos cours d'eau, dégradant l'environnement. Cette question nous mobilise déjà et des sanctions ont déjà pu être posées, avec des amendes qui seront de plus en plus élevées. C'est un délit ! Tout comme poser son réfrigérateur sur le trottoir ! On ne peut pas laisser cette impunité être un surcoût dans la gestion des déchets. La Métropole prend sa part mais il faut que certains acteurs se responsabilisent ».

« Un plan sans planification »

La présentation de cette stratégie de gestion des déchets n'aura pas suscité beaucoup de réactions lors du conseil métropolitain... Celle d'Alenka Doulain (groupe Nous Sommes Montpellier) fait un rapport d'étonnement : « Ce sont des objectifs ambitieux que nous partageons, mais après  bientôt  deux  ans, nous avons là un plan sans planification ! Aucune mention des objectifs de diminution de 40% des poubelles grises, ni des moyens humains à mobiliser sur la prévention, aucune précision sur la tarification incitative, rien sur les   déchets du bâtiment, qui représentent pourtant 2/3 de nos déchets ».

« Nous allons créer 20 équivalents temps plein pour accompagner cette stratégie », indique Michaël Delafosse, qui précise que « la Métropole a signé un accord-cadre avec la filière du BTP ».

Alenka Doulain et son groupe proposent notamment la création d'une usine de traitement des déchets avec production de chaleur.

« Une filière CSR (combustibles solides de récupération, NDLR) ne peut être qu'un échec économique et environnemental, et brûler des plastiques, c'est refuser de baisser l'utilisation de plastiques, ça dissuade la politique de tri en amont, répond François Vasquez. D'autant que quand on choisit un outil industriel de traitement des déchets, il est toujours surdimensionné et il faudra alors toujours plus amener de plastiques pour nourrir le monstre... »

« Il n'y a pas beaucoup de candidats à une usine d'incinération... notre stratégie est résolument d'engager la réduction les déchets », single Michaël Delafosse.

Pour le groupe communiste, Clara Gimenez émet « quelques réserves sur la supériorité supposée d'opérateurs privés sur le public » et sa « crainte de l'installation d'une écologie punitive par la tarification incitative des déchets, culpabilisant le citoyen ».

François Vasquez balaie d'une phrase « la supériorité supposée d'opérateurs privés » : « On n'y fait référence nulle part »... Vérification faite, la délibération prévoit bien d'« améliorer la qualité du service en confiant les prestations de collecte des points d'apport volontaire à des opérateurs privés, en leur attribuant également les prestations de nettoiement ».

La délibération était adoptée avec une abstention.

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 24/03/2022 à 7:58
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Chose, rare, les industriels du PAE du Salaison à Vendargues se sont associés il y a plus d'un an avec la Métropole et la Ville de Vendargues pour une démarche vertueuse de gestion des déchets sur le parc. Plusieurs actions ont été proposées et plan...

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