Toulouse/Montpellier : la polémique enfle après la proposition de Carole Delga

L'annonce a l'effet d'une bombe. Dans le cadre de la fusion des régions, la candidate PS aux régionales, Carole Delga, se montre favorable à un futur Hôtel de Région divisé entre Toulouse et Montpellier. Les candidats Dominique Reynié, Louis Aliot, Gérard Onesta, mais aussi Damien Alary, Philippe Saurel et Martin Malvy, réagissent à cette proposition inattendue. Alors qu'en Languedoc-Roussillon les élus s'alarment haut et fort d'un "tout Toulouse", la socialiste nie avoir cédé à des pressions.
Carole Delga a jeté un pavé dans la marre

Deux hôtels de régions. Un à Montpellier pour accueillir "tout ce qui concerne les assemblées plénières" et un à Toulouse pour "les directions des services, afin de travailler en toute efficacité avec la préfecture". Le Ceser aussi devrait être à Montpellier. Voilà la position officielle de Carole Delga, candidate PS aux régionales de 2015 en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, en ce qui concerne l'implantation du futur Conseil régional, exprimée lors d'un entretien accordé à Midi Libre et publié le 21 mai.

"Ce qui compte, c'est l'équilibre des territoires et l'efficacité des pouvoirs publics, confirme-t-elle à Objectif News. Je rappelle que Toulouse et Montpellier sont séparées par plus de deux heures de route. En toute logique, la préfecture sera à Toulouse car c'est la ville la plus importante, donc il faut équilibrer. Cela ne veut pas dire qu'il y aura de la mobilité forcée. Sur ce point, Martin Malvy et Damien Alary ont été très clairs."

Cette position qui sème le trouble s'inscrit dans un débat plus large sur la répartition future des services de l'État et des collectivités entre Toulouse et Montpellier. Échaudés par les récentes nominations des personnalités "préfiguratrices" de la nouvelle région (toutes toulousaines), le ton monte chez les élus de Montpellier. Dernier événement en date : le président du Conseil régional de Languedoc-Roussillon a demandé à François Hollande (en déplacement à Carcassonne le 19 mai) d'obtenir le Conseil régional à Montpellier.

Aujourd'hui, Damien Alary se dit à 100 % en phase avec les déclarations de Carole Delga, mais ne souhaite pas en dire plus pour l'instant. Au sein de son cabinet, on rend néanmoins hommage "au vrai courage" de la future ex-secrétaire d'État, celle-ci paraissant s'affranchir de ses amis politiques toulousains pas forcément convaincus à ce jour. On se félicite surtout du travail accompli dans l'ombre depuis trois mois, en lien avec le cabinet de Martin Malvy : "Damien Alary est parti seul, en faisant le choix de tout argumenter et tout expliquer, sans pour autant faire de déclarations tous les deux jours."

"Je ne cède à aucune pression"

Néanmoins, l'actuelle secrétaire d'État au Commerce nie avoir cédé à une opération de lobbying.

"Je ne cède à aucune pression. Il n'y a pas eu de négociations mais des discussions et des concertations, avec Martin Malvy et Damien Alary. Je n'obéis à personne", se défend la candidate.

"La position de Carole Delga ne relève pas de petits calculs, appuie Martin Malvy, président du Conseil régional de Midi-Pyrénées. Elle confirme le discours d'équilibre que nous avons depuis des mois. Il n'y a d'ailleurs pas d'autres solutions équilibrées. Je savais qu'on allait dans cette direction, Carole Delga en avait discuté avec Damien Alary. Elle a bien fait de clarifier la situation, pour que nous puissions passer à des choses plus sérieuses."

Autre réaction beaucoup moins mesurée, celle de Gérard Onesta, le vice-président du Conseil régional de Midi-Pyrénées EE-LV et tête de liste pour les régionales.

"Carole Delga souhaite calmer je ne sais quelle angoisse populiste, mais cette guéguerre d'égo encombre le débat au-delà du raisonnable."

Également conseiller régional de Midi-Pyrénées, mais côté UMP, Sacha Briand (par ailleurs adjoint aux Finances à la mairie de Toulouse) confirme :

"C'est un débat qui est très en dessous des enjeux de la future région. Selon moi, l'enjeu essentiel est l'harmonisation des politiques publiques entre les deux régions. Pour ce qui concerne le siège de la future assemblée, je n'ai pas de préférence personnelle. Il faut certes trouver un équilibre entre les deux capitales régionales et je comprends les intérêts de Damien Alary, mais attention à la surenchère."

Opposante de longue date de Carole Delga, la députée socialiste Monique Iborra a réagit sur sa page facebook pour dénoncer la méthode :

"Aucun débat n'a été organisé ni à la fédération du PS31, ni avec les élus. Au-delà de cet aspect, il est particulièrement choquant que les pouvoirs se distribuent dans le cadre d'un binôme Delga-Alary qui n'existe pas en réalité, puisque la loi prévoit un ou une présidente de Région. Dans l'organisation qui se profile en cas de victoire, dans les faits, il y aura toujours deux Régions, deux Hôtels de Région, et vraisemblablement deux présidents de Région. Je ne reconnais pas là la loi qui a été votée à l'Assemblée nationale..."

Le maire et président de la Métropole de Montpellier Philippe Saurel, quant à lui, est intervenu lors du conseil métropolitain extraordinaire tenu au soir, et a accueilli avec une certaine bienveillance, et beaucoup d'ironie, les déclarations de Carole Delga :

"L'administration de la future région, selon Carole Delga, devrait se trouver à Toulouse. Elle estime même qu'il ne faut pas répéter ici la répartition des rôles entre Strasbourg et Bruxelles, c'est-à-dire le pouvoir politique dans une ville et l'assemblée dans une autre. Elle condamne cette méthode et pourtant, est-elle en train d'admettre que l'administration centrale de la future région soit à Toulouse, et qu'une petite réunion se tienne à Montpellier ?"

Le "deal" présenté à Hollande

Le "deal" pour installer la future assemblée délibérante à Montpellier aurait été obtenu après un accord provisoire entre Carole Delga et Damien Alary, trois jours avant le déplacement du président de la République à Carcassonne le 19 mai. Un accord que François Hollande aurait alors validé.

Carole Delga confirme :

"Nous avons vu François Hollande. Alors oui, bien sûr, nous lui en avons parlé. Je pense qu'il est favorable à cette position car il est favorable à tout ce qui préserve l'égalité des territoires. Le président ne donne pas de consignes."

Dans les éléments ayant fait pencher la balance, le cabinet de Damien Alary cite les arguments abondamment repris par le président de Languedoc-Roussillon depuis les 1ères Rencontres de la nouvelle région (les conditions d'une relation équilibrée entre les deux villes, les enjeux économiques et symboliques) mais aussi "l'incroyable maladresse" de l'État, qui a confié trois missions de préfiguration d'affilée au Rectorat, au Pôle Emploi et à l'Agence régionale de santé Midi-Pyrénées.

Montpellier, une coquille vide ?

Mais peut-on vraiment, à Montpellier, se satisfaire de l'annonce de Carole Delga ? C'est Gérard Onesta qui pose la question. En fait, il pointe carrément le "foutage de gueule" que subirait Montpellier :

"On va donner à Montpellier le même statut que celui de Strasbourg au niveau européen : celui d'une boîte aux lettres, d'une coquille vide. Les élus ne vont s'y déplacer que pour les séances plénières et tout va se passer à Toulouse, comme tout se passe à Bruxelles au niveau européen."

Et d'ajouter : "Montpellier ne peut pas se laisser berner par une telle proposition !"

Le débat est lancé. Nadia Pellefigue, vice-présidente du Conseil régional de Midi-Pyrénées en charge des Finances et de l'enseignement supérieur, prend fait et cause pour Carole Delga :

"Les citoyens votent pour des élus qui siègent à l'assemblée. C'est l'assemblée qui prend les décisions. C'est important. En tant qu'élue, je serais vexée que l'on considère l'assemblée comme une coquille vide ! C'est une répartition qui fait honneur à Montpellier."

La proposition trouve un écho également au Conseil régional de Languedoc-Roussillon. Pour la PS Anne-Yvonne Le Dain, vice-présidente, Carole Delga est déjà sur un siège de présidente :

"Annoncer que le Conseil régional sera à Montpellier est symboliquement fort. En tout cas, ce qui est important, c'est que les choses commencent à se dire, et donc à se construire. Carole Delga prend ses responsabilités de future présidente de Région. Elle affirme des choses, et ça, c'est nouveau. Ça peut rassurer les gens d'ici. On n'est pas en train de rattacher une région à une autre, on construit quelque chose de nouveau ! Carole Delga enclenche le processus de négociation, et c'est bien que ce soit elle qui le dise. Et elle le dit aux gens de Midi-Pyrénées ! Ça veut dire que Damien Alary s'est fait comprendre !"

Pour sa part, le président de Pays de l'Or Agglomération et président du groupe UMP au Conseil régional Languedoc-Roussillon, Stéphan Rossignol, déplore que tout se décide "dans la précipitation".

"Carole Delga, qui a défendu la réforme et a participé à son élaboration, vient dénoncer aujourd'hui cette réforme en ménageant les uns et les autres entre Toulouse et Montpellier parce qu'elle est en campagne électorale... Elle pense encore que les Montpelliérains vont se contenter d'accueillir le siège du Conseil Régional et du Ceser, et accepter l'idée que le Languedoc Roussillon puisse être réduite à apparaître comme la région « agricole ». Et ce, alors que nous sommes la façade maritime de la nouvelle région et que nombre de filières d'avenir mériteraient d'être des marqueurs de ce territoire. Visiblement, elle méconnait ce territoire et ses habitants. Elle ne se contente que d'acter les choses sur le papier et bien loin de toute réalité de terrain."

De son côté le FN Louis Aliot, également candidat aux régionales, s'interroge :

"Delga et Alary veulent ménager la chèvre et le chou, mais où vont être les économies d'échelle ? Toulouse a tous les atouts pour accueillir le Conseil régional."

Une idée déjà évoquée...par l'UMP

Autre candidat à ne pas tellement apprécier la sortie de Carole Delga : Dominique Reynié. Le candidat investit par l'UMP explique :

"Cette proposition, je l'ai déjà faite il y a 18 jours, ce n'est donc pas très imaginatif. Mais ce n'est pas une réponse au problème car il y a un gros déséquilibre entre les deux régions. Mais ce qui m'interpelle surtout, c'est le manque de préparation de cette fusion des régions. Le contenu de la réforme est connu depuis 2012 et, maintenant, en mai 2015, la secrétaire d'État et le président de Languedoc-Roussillon cherchent une solution à ce déséquilibre. C'est la cacophonie et le chaos complet !"

Une position qui fait le jeu de Gérard Onesta : "Je relève que Carole Delga s'aligne sur la position de l'UMP !"

Décision finale en 2016

C'est la nouvelle assemblée élue en décembre 2015 qui décidera, dans les premiers mois de 2016, où sera le Conseil régional. D'ici là, Carole Delga aura quitté le gouvernement "mi-juin" pour se lancer dans la campagne. Car, elle l'affirme : "Non, je ne suis pas encore en campagne."

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Commentaire 1
à écrit le 18/06/2015 à 10:22
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Fusion Languedoc-Roussillon / Midi-Pyrénées. L'Hôtel de Région de Montpellier dans tous ses états : http://www.pixandlove.com/index.php/bd-illustration-photo/photos-libres-gratuites-voyages-art-graph/graphiste-montpellier/insolite-et-humour/l-hotel-d...

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