La nouvelle région Occitanie est née

Par Cécile Chaigneau  |   |  1336  mots
Carole Delga s'est exprimée face à la presse après le vote en faveur d'Occitanie en assemblée plénière, le 24 juin
Le 24 juin, au terme de presque trois heures de vifs débats, l’assemblée plénière de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées a adopté à 85 voix « pour » une résolution unique proposant « Occitanie » comme nouveau nom de baptême.

Sans qu'il n'y ait aucun rapport entre l'une et l'autre, l'adoption du nom de baptême de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées aura quelque peu été éclipsée par la surprise générée par le vote des ressortissants britanniques pour la sortie du Royaume-Uni de l'Europe... Les deux événements avaient lieu ce même 24 juin.

L'Assemblée plénière de la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées réunissait ce jour-là les conseillers régionaux (155 sur 158) au Parc des Expositions, à Pérols (34). Le premier sujet inscrit à l'ordre du jour était la résolution comportant avis au gouvernement relatif à la fixation du nom définitif de la région.

Pour rappel, le Conseil régional avait lancé une grande consultation citoyenne durant un mois, jusqu'au 10 juin. Parmi les cinq noms proposés (Languedoc, Languedoc-Pyrénées, Occitanie, Occitanie-Pays catalan, Pyrénées-Méditerranée), c'est « Occitanie » qui était arrivé en tête des classements opérés par les participants.

Un arbitrage délicat

Depuis la fin de cette consultation citoyenne et la préférence affichée pour le nom « Occitanie », les commentaires et désapprobations avaient fleuri de toutes parts, notamment du côté des Catalans qui se sentaient exclus par ce terme. En ardent défenseur de la démarche participative, la présidente de Région Carole Delga devait alors se livrer au délicat exercice d'arbitrer tout en prenant en compte la voix citoyenne exprimée.

Et c'est finalement bien le nom « Occitanie » qui était proposé au vote des conseillers régionaux, la résolution à discuter proposant « au gouvernement que la Région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées soit dénommée définitivement "Occitanie". Ce nom sera enrichi dans la communication institutionnelle de la Région par une référence permanente aux Pyrénées et à la Méditerranée. Ces termes pourront être, dans certaines occasions, traduits en langues catalane et occitane ».

« Cette délibération unique porte en elle les fondements de notre identité régionale et du fonctionnement de notre collectivité, déclare la présidente Carole Delga en préambule. Ce nom sera un message fort envoyé à tous nos voisins. Je souhaite un nom qui dise où nous sommes et qui nous sommes. Un nom pour marquer notre différence. Il sera notre signature, notre étendard. »

L'ajout de Pyrénées et Méditerranée permet notamment de délimiter un territoire occitan qui s'étend normalement au-delà des limites de la nouvelle région, de Bordeaux à l'Italie. Mais aussi de satisfaire un pan de la population, les Catalans, qui se sentent exclus du seul nom d'Occitanie.

La présidente ajoute qu'enrichir Occitanie de ces deux termes, « c'est avoir conscience de ce formidable carrefour de culture ». Les deux noms accolés avaient notamment remporté la préférence du monde économique régional.

Sang et or

En réponse aux inquiétudes et protestations du monde catalan, Carole Delga se veut rassurante.

« Cet ensemble promet de ne laisser aucun territoire, aucune culture sur le bord du chemin. Je n'accepterai pas que l'on dise que la Région abandonne les Pyrénées-Orientales. Ces paroles seront suivies d'actions concrètes : nous mettrons en place un organe de concertation pour la culture catalane, pour mettre en œuvre des politiques de soutien pour l'enseignement et le partage de la culture catalane. Par ailleurs, nous allons créer un office public régional pour la langue catalane. Je souhaite également que l'Euro-Région ait de nouveau son siège à Perpignan. Enfin, les couleurs sang et or seront dans l'emblème de notre région. »

« Le nom Occitanie seule a été considéré comme une provocation au départ, déclare Guy Esclopé, conseiller régional PRG catalan. Les actions annoncées sont de nature à rassurer les Catalans. Nous avons confiance en vous. »

« Ce choix, c'est notre crainte, porte une tentation de repli sur soi, ajoute le Catalan Jacques Cresta, du groupe Socialiste républicain et citoyen. Il nous faudra être vigilants. Les Catalans ont une identité forte. Les plus âgés sont aujourd'hui désorientés, avec un sentiment de perte d'identité. Il faudra aller vite pour apaiser les craintes. Nous unir et nous rassembler, c'est à cette condition que le pays catalan pourra continuer à avoir un avenir. »

La droite saisira le gouvernement

Le sujet faisait bien entendu l'objet d'un vif débat. Et le ton était donné d'entrée par le président du groupe de l'Union des élus de la droite et du centre (UEDC), Christophe Rivenq.

« Je crains que la Région ne sorte pas grandi de cette aventure, vous avez succombé à quelques velléités identitaires. Les conseillers régionaux seraient désormais relégués au rang d'écoliers ! Je dis ma crainte que les règles élémentaires de démocratie locale soient malmenées au sein de notre collectivité territoriale. »

Stephan Rossignol, conseiller régional UEDC, par ailleurs maire LR de La Grande Motte (34) et président de la Communauté d'agglomération du Pays de l'Or, a surenchéri.

« Ce choix aurait dû être un acte fondateur, un acte politique majeur, traduire un engagement solennel, l'occasion de faire triompher le bon sens. Malheureusement, rien de tout cela. Votre proposition d'avis est aux antipodes de ces exigences. Elle traduit une forme d'acception aux travers du populisme, en décidant de laisser les autres décider en lieu et place de cette assemblée... Et ce n'est pas en créant un nouveau machin que vous allez contenter les catalans ! »

L'élu annonce que son groupe a déposé deux amendements et qu'il saisira le gouvernement pour faire valoir sa proposition de nommer la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.

« Nous voulions un vrai référendum, clame quant à elle France Jamet, la conseillère régionale Front National-Rassemblement Bleu Marine. Vous l'avez organisé de manière autocratique. 200 000, c'est peu de clics pour une grande claque. 97 % des électeurs ont boudé votre consultation. Occitanie ne dit rien à personne, ni à l'intérieur, ni à l'extérieur ! »

Quatre amendements

Les élus de la droite et du centre ainsi que du Front National déposaient des amendements, tous rejetés par l'assemblée. Sacha Briand (UEDC) réclamait le vote électronique de l'assemblée sur les 5 noms qui avaient été soumis à la consultation citoyenne. Christophe Rivenq formulait la même demande, et exprimait le souhait de « dénommer la région définitivement Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées pour motifs de lisibilité externe et d'économie ».

« Aucun bâtiment ne porte le nom de Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, répond Carole Delga au chapitre des éventuelles économies à réaliser. Quant aux films promotionnels sur la région, il s'agira juste de quelques images à modifier. »

France Jamet et ensuite Elisabeth Pouchelon (UEDC) demandaient que l'alternance territoriale soit respectée sur la question de la fixation du lieu des assemblées plénières et des commissions permanentes et commissions sectorielles.

 « Nous devons être dans une équité territoriale, répond la présidente. Le chef-lieu de la région et l'hôtel de Région étant fixé à Toulouse, il est normal de partager, comme je l'avais annoncé. L'agrandissement de l'hémicycle à Montpellier impossible car il se trouve en étage, et l'adaptation de celui de Toulouse avait estimé à 8 M€. Nous avons lancé un travail sur d'autres possibilités. »

85 voix « pour »

Au terme de presque trois heures de débats, la résolution unique était adoptée. Les votes traduisaient le partage des convictions : 85 voix « pour », 60 « contre », 9 abstentions et 1 non votant. C'est le Conseil d'État qui aura le dernier mot, puisqu'il devra valider (ou invalider) ce choix au plus tard le 1er octobre prochain.

Comme attendu, la résolution fixe donc également Toulouse comme chef-lieu de la région et l'aire urbaine de Montpellier comme lieu d'organisation des assemblées plénières (au parc des expositions de Pérols) et des commissions permanentes (à l'ancien Hôtel de Région Languedoc-Roussillon). Les commissions sectorielles, quant à elles, se tiendront alternativement à Toulouse et Montpellier, ou par vision-conférence.