R. Delacour : "Les start-ups américaines courent le 100 m, les nôtres le 110 m haies ! "

Par Anthony Rey  |   |  737  mots
Rachel Delacour, désormais coprésidente de France Digitale, était l'invitée de La Tribune Women's Awards by Objectif Languedoc-Roussillon en 2016
Rachel Delacour, vice-présidente de Zendesk for Startups (Montpellier), vient d'être nommée coprésidente de France Digitale, l'alliance des entrepreneurs et investisseurs du numérique en France, aux côtés de Jean-David Chamboredon. Dans cet entretien, elle oppose, face aux incantations autour d'hypothétiques GAFA français, un discours exigeant sur les moyens de les faire émerger.

Vous étiez déjà impliquée dans France Digitale, pourquoi aller plus loin dans votre engagement ?

Je pense fermement que la France a un leadership à jouer en Europe. Un certain nombre de start-ups tricolores sont beaucoup mieux financées et vont pouvoir revendiquer dans quelques années un leadership européen voire mondial. Le numérique impacte la société à tous les niveaux et dans tous les domaines. Nos champions nationaux ont une carte à jouer pour faire bouger les choses au niveau européen et à l'international. De par mon expérience entrepreneurial, j'ai été prise dans la réalité et j'ai fait face aux différents enjeux que France Digitale adressent, que je souhaite porter pour l'association.

Quelles sont les actions prioritaires à mettre en place ? Et pourquoi ?

Il faut d'abord permettre l'émergence de champions européens, dans un marché unique du digital fort de 500 millions de consommateurs. Les start-ups américaines s'épanouissent aujourd'hui dans un marché de 350 millions de consommateurs, pendant que les start-ups européennes bataillent au milieu de 28 législations différentes, avec 28 standards sur différentes problématiques (data, financement, télécoms). Pendant que les start-ups américaines courent le 100 m, nos start-ups européennes courent le 110 m haies ! Ensuite, il y a un décalage entre la France qui connait un taux de chômage important, et le monde des start-ups qui connait un chômage négatif et a de plus en plus de mal à recruter. On invente de nouveaux métiers, il faut donc que nous soyons capables, le plus tôt possible, d'inculquer une culture au numérique dès le plus jeune âge et d'adresser des solutions efficaces au moment où la formation professionnelle est remodelée. France Digitale a vocation à lutter contre la pénurie des métiers du Numérique. Nous nous investirons dans la réforme de la formation professionnelle et souhaitons être entendus dans le cadre de la réforme de l'assurance chômage. Il y a des milliers de chômeurs de longue durée qui pourraient bénéficier des opportunités dans les start-ups.

Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'État au Numérique, a récemment fait une tournée des écosystèmes French Tech, dont Montpellier et Toulouse, pour faire remonter des idées : qu'en pensez-vous ? L'action de France Digitale s'inscrit-elle dans cette logique de relais ?

Il est nécessaire d'être en prise avec les écosystèmes territoriaux et il faut surtout que les différents acteurs se parlent entre eux. La position de France Digitale, au carrefour des investisseurs et des entrepreneurs, nous permet d'allier nos forces pour aller au-delà des frontières nationales. L'association montre la réalité, ouvre le dialogue et créer des ponts entre chaque partie prenante.

Comment se situe France Digitale par rapport au Conseil National du Numérique ?

France Digitale est une association indépendante portée par les entrepreneurs et les investisseurs, fonctionnant différemment du CNNum qui est, lui, un organisme initié par le gouvernement.

Vous aviez interpellé des politiques lors des campagnes électorales de 2017 : qu'en est-il ressorti ? Allez-vous poursuivre cette action de lobbying ?

Nous essayons plutôt d'être force de proposition. Avec l'amendement BSPCE par exemple, on continue de porter les propositions auprès du gouvernement en fonction des calendriers des projets de loi de finances, des affaires européennes et tout cela s'est traduit par la création du Manifeste des Start-ups et ses 16 propositions. Au delà de ces travaux, nous essayons également d'avoir une visibilité sur les sujets qui vont nous impacter dans l'avenir comme la neutralité du net ou les crypto-monnaies, et ainsi développer des actions et des propositions concrètes.

Quid de votre présence à Montpellier à l'avenir si vous prenez des fonctions nationales ?

Je passe une grande partie de mon temps à Montpellier car ma famille et mon travail sont ici. Il est important pour moi de représenter le potentiel des régions, toutefois, cela ne passe pas par le temps passé à Montpellier mais par les actions menées par l'association. Je resterai connectée aux demandes des entrepreneurs de Montpellier et d'Occitanie mais il ne faut pas oublier que la force de France Digitale est sa prise de réalité dans son ensemble et dans les autres territoires, assurée par un collectif terrain (dont des ambassadeurs), un bureau et une équipe opérationnelle, au contact permanent des entrepreneurs.