Philippe Saurel déclare "l’état d’urgence ferroviaire"

Par Cécile Chaigneau  |   |  1177  mots
L'épisode méditerranéen du 23 octobre a causé d'importants dégâts sur les voies entre Montpellier et Béziers. (Crédits : SNCF)
Après les intempéries qui ont mis à mal le réseau ferroviaire et interrompu le trafic entre Sète et Béziers jusqu’au 25 novembre (au moins), le maire de Montpellier et président de la Métropole déclare « l’état d’urgence ferroviaire ». Il interpelle l’État sur les raisons qui l’empêchent de lancer la procédure d’enquête publique de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan, au moins sur le 1e tronçon Montpellier-Béziers.

L'important épisode méditerranéen des 22 et 23 octobre derniers a mis le réseau ferroviaire en berne. Entre Béziers et Sète, des brèches ont été creusées sur la plateforme même de l'infrastructure, affectant directement les fondations de la voie, et les installations caténaires ont été fortement endommagées sur près d'un kilomètre. Selon la SNCF, il faut retirer le ballast, les traverses et les rails, et refaire une sous-couche.

La SNCF avait initialement annoncé une interruption du trafic jusqu'au 4 novembre, mais hier, le secrétaire d'État aux Transports Jean-Baptiste Djebbari a précisé que le trafic ferroviaire entre Sète et Béziers ne serait pas rétabli avant le 25 novembre au mieux. À partir du 31 octobre, le trafic entre Sète et Agde se fera sur une seule voie, générant forcément beaucoup de perturbations. Entre Agde et Béziers, la circulation reprendra sur une voie le 25 novembre et un retour à la normale (sur deux voies) est programmé le 2 décembre...

La SNCF annonce la mise en place de bus de substitution partielle entre Montpellier, Béziers, Narbonne et Perpignan. Le temps des travaux, les trains de fret de marchandises passeront par la façade Atlantique.

Un serpent de mer régional

A Montpellier, il n'en fallait pas plus au maire et président de la Métropole, Philippe Saurel, pour s'agacer et monter au créneau.

« Dès 2016, l'observatoire de la saturation ferroviaire, commandé par l'État au CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable, NDLR), a fait valoir que les voies ferrées entre Montpellier et Béziers étaient dans un état déplorable. Les événements de la semaine dernière illustrent parfaitement cette analyse... Ils nous engagent davantage sur la voie de la réalisation de la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan (LNMP, ndlr). Ce projet date des accords de Madrid en 1995 pour assurer la liaison Montpellier-Barcelone. »

Et l'édile de rappeler la longue liste de dates qui ont émaillé le calendrier de ce serpent de mer régional, ce tronçon ferroviaire, le rappelle-t-il, constituant « un barreau essentiel liant l'Europe du sud et l'Europe du nord ». En 2017, une décision ministérielle avait été prise d'engager la 1e phase de la LNMP sur le tronçon Montpellier-Béziers, pour un coût de 1,8 Md € (sur enveloppe globale de 7 Mds €).

« Mais fin 2017, en prévision des Assises de la mobilité, le ministère des Transports a suspendu le projet, s'indigne Philippe Saurel. Cette décision a mis un coup d'arrêt à la LNMP ! L'intensité des dégradations la semaine dernière souligne l'obsolescence du réseau... L'interruption du trafic pendant un mois entre Sète et Béziers est une aberration économique et écologique. Les villes de Béziers, Sète, Narbonne et Perpignan sont isolées en termes de transports ferroviaires ! La LGV devient une urgence absolue pour l'État, l'Europe. La façade méditerranéenne mérite une politique ferroviaire digne de ses enjeux économiques, de son développement démographique, de son rôle dans les liaisons transfrontalières. Faut-il attendre qu'un train déraille ? »

Un projet finançable

Selon l'élu, les arguments pour défendre l'accélération du projet de cette ligne à grande vitesse ne manquent pas : une future ligne doublement mixte fret-voyageurs et grande vitesse/desserte locale, un des projets les moins chers concernant le tronçon Montpellier-Béziers, une ligne inscrite au réseau prioritaire des lignes européennes, un état de saturation important, et une rentabilité assurée du fait « d'un bilan socio-économique très favorable ».

« La Commission européenne a mis en demeure l'État français de respecter la qualité de l'air des métropoles, ajoute-t-il. Nous avons fait le comptage des poids lourds : 16 000 camions par jour sur l'A750 qui viennent s'engouffre dans la ville. Si on veut dépolluer l'air, il faut mettre les camions sur les trains et donc fabriquer la LNMP. »

L'élu met une dernière couche : « La 1e phase est finançable : 15 à 20 % par l'Union européenne, 40 à 50 % par l'Etat, 5 % par la SNCF, 30 à 40 % par les collectivités locales (Région Occitanie, Départements du Gard, de l'Aude et des Pyrénées-Orientales, Métropole de Montpellier, agglomérations de Nîmes, Narbonne, Béziers, Adge, Carcassonne et Perpignan - NDLR). Il faut créer deux sociétés publiques de financement, une pour la ligne Bordeaux-Toulouse et une pour la ligne Montpellier Perpignan. C'est le message que nous faisons passer à l'État ».

Démonstration faite, Philippe Saurel enfonce alors le clou.

« Je demande à l'État pourquoi cette ligne ne se fait-elle pas ? Alors que toutes les collectivités sont prêtes ! Je veux la réponse... Et je déclare l'état d'urgence ferroviaire ! Je demande à l'État, au Premier ministre, au ministre des Transports, au ministre de la Transition écologique, d'agir au plus vite et de lancer l'enquête publique. »

L'élu assure avoir prévu une saisine du préfet, du Président de la République mais aussi du président de la SNCF, Guillaume Pepy, « traitant de la gare TGV Montpellier Sud de France où les retards des trains ne sont même pas signalés ».

Mobilisation des élus

L'ensemble des élus est mobilisé sur cette problématique de paralysie du territoire par l'interruption du trafic ferroviaire. Dès le 28 octobre, Frédéric Lacas, président de l'Agglomération Béziers Méditerranée, avait lancé un coup de gueule dans le même sens, évoquant « un territoire paralysé, impacté dans sa mobilité et dans son activité économique » : « Nous payons aujourd'hui au prix fort l'absence de la ligne Grande Vitesse Montpellier-Perpignan et l'indifférence qui nous est manifestée depuis plusieurs années. Une priorité oubliée, erreur criante d'aménagement du territoire pour des raisons purement politiques. Que faut-il de plus pour comprendre que le doublement de la ligne ferroviaire est plus qu'une nécessité, c'est une évidence ! Il faut en finir avec autant de tergiversations pour enfin réaliser le maillon manquant de la ligne LGV ».

Et ce 30 octobre, la présidente de la Région Carole Delga, qui annonce que la Région a mis en place des moyens supplémentaires (soit 112 cars du réseau LiO Hérault Transports), déclarait dans un entretien au quotidien régional Midi Libre : « Au-delà de la réparation de la ligne qui doit être une priorité, il faut que les usagers ne soient pas dans le flou et que ceux qui n'ont pas d'autres alternatives ne restent pas à quai ! [...] Depuis le début de mon mandat en 2016, j'ai fait une priorité de la LNMP en mobilisant les acteurs locaux pour créer un rapport de force avec l'État sur ce sujet majeur. En trois ans, il y a eu plus d'avancées que ces vingt dernières années. Mais nous attendons désormais que l'État lance l'enquête publique sur le tronçon Montpellier-Béziers et je ne comprends pas pourquoi les choses trainent ! ».