Les Français, le travail et l’argent : Cluster17 révèle des clivages de classe ou idéologiques

Inflation, difficultés énergétiques, réforme de l’assurance-chômage ou du RSA… La rentrée sera éminemment sociale. Dans ce contexte chargé, le laboratoire (montpelliérain) d'études et d'opinion Cluster17 révèle les résultats de son enquête « Travail, salaire, assistanat : quels sont les clivages qui traversent l’opinion ? ». Des sujets qui ont fait émerger des clivages de classe ou de nature idéologique.
Cécile Chaigneau
(Crédits : DR)

Alors que le gouvernement prépare une réforme de l'assurance-chômage pour cette rentrée, le laboratoire montpelliérain d'études et d'opinion Cluster17 a interrogé les Français sur leur rapport au travail et à l'argent. Cluster17 est un outil de sondages et une méthode d'analyse, créé par Jean-Yves Dormagen. Ce professeur de science politique au CEPEL à l'Université de Montpellier, spécialiste de la sociologie électorale et de l'abstention, a mis au point une méthodologie originale pour sonder ses concitoyens : la segmentation de la société française en 16 groupes homogènes, qu'il appelle les clusters (pour comprendre les clusters).

  • Le travail nécessité VS liberté : clivage de classe

Selon l'étude de Cluster17, « le rapport au travail est fortement déterminé par la situation économique des répondants » et la question fait ressortir un clivage de classe.

Ainsi, l'affirmation selon laquelle "le travail est une valeur essentielle permettant aux individus de s'épanouir" est le plus partagée par les clusters les plus aisés : "sociaux-démocrates", "centristes" et "libéraux", qui forment un axe modéré favorable au Président Emmanuel Macron. Les deux clusters de droite conservatrice, les "anti-assistanat" et les "identitaires", partagent également cette idée pour une relative majorité d'entre eux.

A l'opposé, les clusters "multiculturalistes", "révoltés", "eurosceptiques" et "sociaux-patriotes", où l'on retrouve des électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen, affirment majoritairement que "le travail est juste un moyen pour subvenir à ses besoins".

  • Travail VS coût de la vie : urgence sociale

Une question fait quasi l'unanimité : 93% des sondés sont d'accord avec le fait que "le travail ne paie pas assez par rapport au coût de la vie". Un score qui témoigne des difficultés rencontrées par la plupart des Français pour assurer un niveau de vie en lien avec leurs revenus.

« Les clusters populaires, qu'ils votent plutôt Jean-Luc Mélenchon ("multiculturalistes", "révoltés", "solidaires") ou plutôt Marine Le Pen ("réfractaires", "eurosceptiques", "sociaux-patriotes") sont logiquement ceux qui semblent le plus en attente de hausses de salaire, observe Cluster17. On peut parler, pour ces clusters, d'urgence sociale, comme le laissait déjà voir notre étude sur l'inflation au mois de juillet. »

L'enseignement de cet autre sondage estival était est que l'ensemble des Français - quels que soient leurs revenus ou leurs modes de vies - étaient affectés par la crise, avec des changements dans leurs habitudes de consommations. Il faisait émerger trois types de consommateurs-citoyens : les consommateurs populaires (qui vont plus souvent dans les hard-discount, restreignent leurs achats et font des stocks alimentaires), les consommateurs idéologisés (qui fréquentent davantage les petits commerces de proximité, ne vont pas sur Amazon et moins dans les hard-discount, achètent bio) et les consommateurs aisés (moins touchés par la crise, qui fréquentent eux aussi les petits commerces de proximité, et sont plus attentifs aux produits bio et aux labels).

  • Salaire VS allocations : clivage idéologique

L'affirmation "En France, on s'en sort plus facilement avec les revenus des allocations qu'avec un salaire" clive clairement l'opinion en deux blocs : 50% sont d'accord et 50% en désaccord.

« Les électeurs d'Éric Zemmour, de Marine Le Pen et de Valérie Pécresse partagent cette affirmation à plus de 69%., les plus de 75 ans et les retraités également à plus de 60%, analyse Clusteur17. En termes de clusters, on voit se dessiner un clivage de nature idéologique. Les "multiculturalistes", les "sociaux-démocrates", les "progressistes", les "solidaires", les "centristes", les "révoltés", les "apolitiques" sont dans leur majorité en désaccord. En face, les "conservateurs", les "libéraux", les "réfractaires", les "eurosceptiques", les "sociaux-patriotes", les "anti-assistanat" et les "identitaires" sont majoritairement d'accord. »

Dans son analyse, Cluster17 souligne également que « l'électorat du Président de la République est clivé sur cette question : les "centristes", les "sociaux-républicains" et les "sociaux-démocrates", soit le flanc modéré du centre et du centre-gauche, ne partagent pas les mêmes positions que les "libéraux" et les "conservateurs" qui constituent la fraction de droite de sa coalition ».

« L'électorat de Marine Le Pen est, quant à lui, clivé : les trois clusters populaires ("réfractaires", "eurosceptiques" et "sociaux-patriotes"), composés de nombreux ouvriers et d'employés peu diplômés qui votent massivement pour elle, et qui sont une majorité dans nos enquêtes à ne pas se reconnaître dans le clivage gauche/droite, se positionnent ici avec "la droite" mais dans une majorité très relative. Il s'agit sans doute autant d'un manque de reconnaissance du travail par le salaire que d'une forme d'injustice ressentie vis-à-vis des bénéficiaires des allocations, dans des groupes où le niveau de salaire est parfois inférieur à un SMIC à temps plein. »

  • Suppression du RSA sans contrepartie : consensus

Enfin, dans son enquête, Cluster17 a testé deux mesures clivantes. Sur la première, la suppression des allocations chômage au bout de six mois sans activité, la positions est tranchée : 32% des Français interrogés sont d'accord et 68% en désaccord.

Sur la seconde, la suppression du RSA aux allocataires s'ils ne travaillent pas 12 heures par semaine en contrepartie, fait davantage consensus : 56% sont d'accord et 44% en désaccord. Mais selon Cluster17, le clivage qui traverse trois clusters populaires (les "réfractaires" sont d'accord, les "sociaux-patriotes" et les "eurosceptiques" sont clivés, quasiment à 50/50) révèle « un risque pour Emmanuel Macron à cliver fortement sur des mesures qui peuvent paraître impopulaires mais également les difficultés pour Marine Le Pen à se positionner dans la mesure où sa base est profondément clivée sur ces enjeux ».

Sans surprise, les électeurs d'Eric Zemmour et de Valérie Pécresse sont très favorables à un durcissement des conditions d'attribution, tant des allocations que du RSA, et la gauche opposée à de telles mesures...

« Les débats qui s'amorcent au Parlement constituent ainsi l'occasion pour les partis membres de la NUPES de tenter de « récupérer » une partie des "sociaux-démocrates" et des "progressistes" qui continuent d'adhérer sensiblement à l'action du Président de la République mais pourraient se trouver en porte-à-faux si des mesures perçues comme anti-redistributives ou anti-assistanat venaient à être adoptées. », conclut Cluster17

Cécile Chaigneau

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Commentaires 3
à écrit le 06/09/2022 à 9:23
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Souvenir : Présidentielle 2022 : la commission des sondages alerte sur les "insuffisances méthodologiques" de l'institut Cluster 17 "Les méthodes de travail de Cluster 17 et la faiblesse des moyens mis en œuvre font douter de la qualité des sond...

à écrit le 06/09/2022 à 9:10
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Avec Cluster17 ce n'est point un sondage mais une manipulation sociale, mettant chacun dans une case pour le discréditer! Vous penser mal donc on vous met dans ce tiroir, c'est votre faute;-)

à écrit le 05/09/2022 à 22:48
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Avec tous ces organismes et ces fondations qui se penchent sur notre société pour la dissèquer, on peut se demander pourquoi il y a encore autant d'injustices, autant d'inégalités de traitement, ( salaires des travailleurs manuels, mode de calcul de...

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