L’emploi, l’Europe, les normes, l’accès au financement : les priorités de Samuel Hervé, nouveau président du Medef Occitanie

INTERVIEW - Depuis le 9 novembre dernier, l’Héraultais Samuel Hervé, directeur général du groupe AKTE Services (restauration collective), est le nouveau président du Medef Occitanie. Il succède à la Toulousaine Sophie Garcia pour la mandature 2023-2026. Celui qui a déjà été président du Medef Hérault Montpellier se dit inquiet pour les entreprises confrontées à un contexte économique inédit, en particulier dans le bâtiment. Son analyse, ses ambitions, ses projets pour ce début de mandat.
Cécile Chaigneau
Samuel Hervé, directeur général du groupe AKTE Services (restauration collective), est le nouveau président régional du Medef Occitanie.
Samuel Hervé, directeur général du groupe AKTE Services (restauration collective), est le nouveau président régional du Medef Occitanie. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous prenez la tête du Medef Occitanie dans un contexte économique chahuté qui place certaines entreprises dans une mauvaise passe... Quelles sont vos points d'inquiétude ?

Samuel HERVÉ, président du Medef Occitanie - Nous sommes en effet dans une sorte de marasme généralisé : la hausse des taux d'intérêt réduit la capacité d'investissement des entreprises, l'inflation pousse à des coûts de revient galopants souvent difficiles à répercuter sur les prix, ce qui impacte les marges des entreprises. Et il faut absorber les soubresauts de la crise de l'énergie, car les boucliers tarifaires ne font pas tout. On se retrouve donc face à des forces contraires dans des proportions inédites et avec une brutalité qu'on n'avait pas connue depuis longtemps. S'ajoutent à tout ça les effets de la nécessaire décarbonation, de la transformation des entreprises à marche forcée, même si on a tous conscience des enjeux sociétaux et environnementaux... Par ailleurs, les entreprises ont de réelles difficultés de recrutement et mais aussi des problèmes de fidélisation de leurs salariés, ce qui rend le marché plus « liquide ». Espérons que la réforme de l'Unedic permettra au travail d'être plus rémunérateur que le non-travail, redonnant ainsi de l'allant au marché de l'emploi.

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Certains secteurs sont plus fragiles que d'autres, comme l'immobilier et le bâtiment, et le modèle économique des entreprises est pas mal secoué par les différentes transitions en cours (numérique, écologique, énergétique). Quelle observation faites-vous en Occitanie ?

Je suis très inquiet pour le secteur de l'immobilier. L'acte de bâtir est en danger en raison de tous les éléments évoqués, mais aussi en raison de l'effacement de disposition fiscale incitative sur le neuf qui fait fuir les investisseurs. On produit donc moins de logements, ce qui crée de la tension sur le marché et tout un pan d'activité est à l'arrêt. Beaucoup de promoteurs et d'entreprises du bâtiment se posent des questions sur le maintien des effectifs. Et le 3e élément, c'est que localement, les permis de construire se sont raréfiés tandis que les exigences environnementales étaient accrues et les fonciers encore trop chers. L'équation ne marche plus et c'est inquiétant ! Dans le bâtiment, tous les métiers du gros œuvre et de second œuvre vont voir leurs carnets de commandes s'assécher. Et quand l'activité repartira, ils auront perdu les compétences internes... Quant à la restauration, aujourd'hui, c'est compliqué pour les petits comme pour les gros !

Sur l'emploi justement, dans la nouvelle mouture du projet de loi immigration, remanié par le Sénat, les travailleurs sans-papiers exerçant dans des métiers en tension, comme dans le bâtiment ou la restauration, pourront obtenir un titre de séjour d'un an « à titre exceptionnel ». Le Medef a été assez discret sur le sujet... Comment vous positionnez-vous ?

Le Medef n'était pas contre... Ce que l'on cherche surtout, c'est de la main d'œuvre opérationnelle qu'on peut qualifier et garder sur du long terme. On ne peut pas écarter qu'une partie de la population française n'aspire plus à occuper certains postes dans des métiers pénibles et qu'aujourd'hui, l'immigration permet à ces secteurs de continuer. Nous avons des besoins non couverts et il faut fluidifier le marché du travail, ce qui veut dire également adresser les sujets du logement des saisonniers, de la mobilité et de la formation.

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Le projet de loi pour le plein emploi, qui vient d'être voté, acte notamment la réforme de Pôle Emploi qui devient France Travail, au plus tard d'ici le 1er janvier 2025, visant à mieux coordonner les acteurs du service public de l'emploi...

Le vrai sujet de France Travail sera celui de la gouvernance. L'Etat et la Région veulent faire leur place, mais les organisations syndicales des salariés et patronales sont au plus proche des sujets de formation donc nous devrons être entendus.

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Dans ce contexte, quelles sont vos priorités ?

Le Medef régional est une fédération de Medef territoriaux. Il est en quelques sortes une courroie de distribution entre les entreprises et les pouvoirs publics pour porter la voix des territoires et pour faire passer les messages sur les mesures qu'on estime prioritaires... J'ai l'ambition d'emmener des entreprises à Bruxelles pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement de l'Europe et leur permettre de ne plus la subir, pour mieux comprendre les mécaniques du lobbying. Autre sujet important : la norme. Parfois, les entreprises sont innovantes mais elles subissent des normes européennes... Enfin, il est important de parler des sujets de financements, à l'échelle de l'Europe ou en France, car l'accès au financement reste complexe. L'enjeu est de faire sur le financement ce qu'on a déjà fait sur le volet des ressources humaines, c'est à dire des experts au sein du Medef Occitanie qui peuvent accompagner les entreprises dans la jungle des RH et demain du financement.

On entend beaucoup que l'école et les entreprises doivent travailler davantage ensemble. Pour la première fois, un ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, est intervenu lors du rendez-vous mensuel du Medef le 14 novembre dernier. Tout un symbole... Quelles sont vos ambitions sur le sujet à l'échelle de l'Occitanie ?

Je suis fils d'un instituteur dans le public, donc j'ai beaucoup aimé ce que le ministre a dit le 14 novembre. Il a notamment évoqué le système PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves, NDLR) qui montre que le niveau des élèves est en baisse, la décision de former les professeurs du collège et du lycée en dehors des heures de cours pour éviter leur absence, ou encore le dispositif qui permettra aux professeurs de proposer des enseignements renforcés quinze jours avant la rentrée pour les élèves en difficulté... Tout cela m'a redonné confiance dans l'ambition du gouvernement de redonner des lettres de noblesse à l'Education Nationale... Mais Gabriel Attal dit aussi "j'ai besoin de vous pour accueillir les jeunes en stages, en particulier les jeunes des quartiers prioritaires. A vous de susciter les appétences des jeunes pour vos métiers".

Du 27 novembre au 1er décembre, ce sera justement « La semaine école-entreprise ». Le Medef Hérault Montpellier porte le projet « Un an à l'école » qui vise à installer, de manière expérimentale, dans un lycée montpelliérain une équipe de dirigeants d'entreprises qui pourraient intervenir et participer aux événements de la vie scolaire. Qu'en pensez-vous ?

Il faut favoriser une ouverture de l'Education Nationale sur les entreprises et que chacun respectivement ne reste pas dans la caricature, qu'on apprenne à se connaître. Cette opération « Un an à l'école » vise à construire un parcours d'intervention de quelques chefs d'entreprises au Lycée Champollion de Montpellier. Ce sera un vrai programme de découverte et d'acculturation par un dirigeant d'entreprise auprès des lycéens. On entre dans un bastion !

Qui va composer votre garde rapprochée au Medef Occitanie ?

Je ne peux pas le dire avant l'assemblée générale du 14 décembre prochain, mais j'ai déjà préfiguré une composition qui sera proposée pour validation...

Cécile Chaigneau

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