Handicap et emploi : pourquoi l’entreprise adaptée GEDEAS pivote sur la qualité de vie au travail

L’emploi des personnes en situation de handicap reste un enjeu. A Montpellier, l’entreprise adaptée GEDEAS qui travaille à l’inclusion des personnes en situation de handicap depuis près de quinze ans, fait un pas de côté et élargit son champ d’intervention : elle fait de la qualité de vie au travail un axe stratégique pour accompagner les entreprises dans le maintien en emploi des personnes fragiles. Son crédo : miser sur l’engagement plutôt que sur l’obligation.
Cécile Chaigneau
12 millions de Français seraient touchés par un handicap, et alors que les représentations que l'on se fait du handicap sont majoritairement associées au handicap physique, ce qui relève du handicap invisible correspond pourtant à 80% des situations.
12 millions de Français seraient touchés par un handicap, et alors que les représentations que l'on se fait du handicap sont majoritairement associées au handicap physique, ce qui relève du handicap invisible correspond pourtant à 80% des situations. (Crédits : DR)

Cela fait près de quinze ans que l'entreprise adaptée héraultaise GEDEAS travaille à l'inclusion des personnes en situation de handicap et accompagne les entreprises dans la mise en place et le pilotage de leur politique handicap... Rappelons que les entreprises de plus de 20 salariés ont pour obligation d'engager des travailleurs handicapés à hauteur de 6% de leur effectif au titre de l'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH, voir encadré). Environ 12 millions de Français seraient touchés par un handicap, et alors que les représentations que l'on se fait du handicap sont majoritairement associées au handicap physique, ce qui relève du handicap invisible correspond pourtant à 80% des situations (troubles sensoriels, psychiques ou cognitifs, douleurs ou fatigue, maladies invalidantes, etc.).

Les entreprises peuvent également se conformer à leurs obligations par de l'emploi indirect, c'est-à-dire des contrats de sous-traitance et prestations de services. C'est ce que propose l'entreprise adaptée GEDEAS (notamment des prestations de services administratifs), créée par Lilian Pitault près de Montpellier et qui emploie 15 salariés dont 12 en situation de handicap, pour un chiffre d'affaires 2023 de 1 million d'euros. Parmi ses clients, Lilian Pitault cite Enedis, GRDF, Engie Green, Groupe BPCE, Neolait, Provimi, le Département de l'Hérault, PSG, l'enseigne L'Occitane ou SOCOTEC.

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L'art pour déconstruire les préjugés

Depuis quelques mois, GEDEAS a eu l'idée de faire entrer l'art dans les entreprises pour changer les regards et combattre les préjugés sur les handicaps invisibles, au travers d'une approche qu'elle a baptisée Ethand'ART. C'est ainsi que pour l'équipe parisienne du cabinet d'avocat international Hogan Lovells, les collaborateurs d'Ubisoft à Montpellier, les visiteurs du salon TAF (organisé par la Région Occitanie) ou encore les étudiants de Montpellier Business School, la découverte des handicaps invisibles s'est faite à travers une exposition de peintures et de sculptures d'un collectif de neuf artistes, suivie d'un atelier participatif où sont évoquées des actions possibles.

« Beaucoup de salariés ou de dirigeants préfèrent se taire par peur des préjugés, de la stigmatisation, voire d'un licenciement pour inaptitude, contextualise Lilian Pitault. J'ai eu l'idée de créer une exposition itinérante d'œuvres d'art pour dispenser en entreprise la culture de la différence, et accompagner les services RH : l'œuvre d'art est un prétexte pour ouvrir le dialogue, une approche décalée pour acculturer les gens au handicap, notamment les manageurs et les recruteurs... D'autant que les handicaps se développent majoritairement avec l'âge, et un salarié en situation de fragilité risque de perdre son emploi, ce qui le rend légitime à demander de l'aide sur son bien-être au travail. Le vieillissement de la population doit donc nous alerter et nous inciter à être attentifs aux autres afin de garantir l'emploi des personnes concernées et la qualité de vie au travail. »

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Privilégier le maintien en emploi

Dès 2019, l'entreprise avait légèrement pivoté pour aller également sur l'aide au recrutement et l'accompagnement des salariés en poste dans la reconnaissance de leur handicap, qui permet notamment d'aménager le poste et les conditions de travail en fonction de la pathologie et, ainsi, de compenser une situation de fragilité.

La qualité de vie au travail (QVT) est désormais un axe stratégique sur lequel GEDEAS veut travailler « parce que les entreprises rempliront plus facilement leurs obligations d'employer des travailleurs handicapés en privilégiant le maintien en emploi ».

« On dézoome, on ne parle plus seulement de handicap mais on propose une approche plus large dont le handicap devient un fil conducteur, il n'est plus l'objectif mais un outil, développe le dirigeant. On analyse la situation de l'entreprise, on accompagne au mouvement. On peut accompagner sur le recrutement d'une personne handicapée, notamment via les CDD Tremplin dans l'entreprise adaptée, mais aujourd'hui, recruter est très difficile et recruter quelqu'un en situation de handicap inquiète. Nous incitons donc à faire l'effort sur le maintien en emploi des salariés en poste qui basculent vers un handicap. Or il faut savoir qu'aujourd'hui, une personne sur cinq est concernée par une fibromyalgie, de l'endométriose, du diabète, un cancer, une neuroatypie, une hypersensibité aux ondes, etc. La reconnaissance administrative du handicap ne repose pas sur la pathologie mais sur la pathologie en lien avec le métier. »

Une démarche qui, espère Lilian Pitault, permet une acculturation progressive au handicap et peut amener l'entreprise, un jour, à recruter une personnes en situation de handicap, car « recruter directement un autiste représente une marche trop haute à franchir »...

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L'engagement plutôt que l'obligation

À ce jour, les prestations de services administratifs pour de grands groupes et des collectivités représentent 50% du chiffre d'affaires de GEDEAS, et le pôle QVT 30%.

« Notre marge de progression repose sur le conseil, et le département QVT peut supplanter le pôle administratif, voire doubler son chiffre d'affaires à moyen terme, ambitionne Lilian Pitault. Nous ciblons les grands groupes, qui ont souvent des accords handicap mais ont besoin qu'on les accompagne, mais aussi les TPE-PME si elles veulent valoriser leur engagement social... Le handicap est l'un des piliers de la RSE, et la RSE est un cheval de Troyes pour aborder les sujets sociaux et sociétaux, dont le handicap, au sein de l'entreprise. On espère obtenir de meilleurs résultats en misant sur l'engagement de l'entreprise plutôt que sur l'obligation. »

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Les entreprises et leurs obligations en chiffres

Selon les chiffres de la Dares publiés en octobre 2023, « en 2022, 38% des personnes reconnues handicapées étaient en emploi, soit près de deux fois moins que dans l'ensemble de la population. Leur taux d'activité (en emploi ou au chômage) est nettement plus bas (44% contre 74%) et, parmi les actifs, le taux de chômage est plus élevé (12% contre un peu plus de 7%), et le chômage plus souvent de longue durée (5% contre 2%) ».

La Dares rappelle également qu'en 2022, un peu plus de 2,9 millions des personnes âgées de 15 à 64 ans et vivant en ménage ordinaire disposent d'une « reconnaissance administrative d'un handicap ». Ces personnes représentent 7,1% de la population en âge de travailler mais seulement 4% des personnes en emploi (1,1 million sur 27,8 millions).

En 2022, 657.400 travailleurs handicapés sont employés dans les 111.300 entreprises assujetties à l'obligation d'emploi les travailleurs handicapés (OETH). Les bénéficiaires de l'OETH en emploi direct représentent 81% des effectifs attendus par la loi, comme en 2021. 29% des entreprises remplissent intégralement leur obligation par l'emploi direct.

Cécile Chaigneau

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