Sécheresse : en Occitanie, un été sous haute surveillance

Après une saison estivale 2023 sous le signe de la sécheresse, l’été 2024 est sous haute surveillance en Occitanie, notamment dans les Pyrénées-Orientales, département le plus sec de France depuis deux ans. Quel est l’état des ressources en eau dans la région, après un printemps relativement pluvieux ? Les acteurs économiques de l’agriculture et du tourisme sont-ils plus sereins ? Rien n’est moins sûr...
Cécile Chaigneau
Dans les Pyrénées-Orientales, les barrages notamment restent sous surveillance pointue après une année 2023 (photo) très sèche.
Dans les Pyrénées-Orientales, les barrages notamment restent sous surveillance pointue après une année 2023 (photo) très sèche. (Crédits : Yann Kerveno)

Un printemps plutôt pluvieux comme celui de 2024 promet-il un été plus serein du point de vue de la ressource en eau, après la sécheresse préoccupante vécue en 2023 ? Rien n'est moins sûr. En Occitanie, l'une des régions les plus affectées par la sécheresse en France, la situation est hétérogène.

Régis Ingouf, responsable du service Eau de la Région Occitanie, rappelle qu'en Occitanie, « 1,6 milliards de m3 sont prélevés chaque années dans les ressources souterraines ou superficielles, dont 42% pour l'irrigation, 38% pour l'eau potable et 20% pour l'industrie, avec une large part prélevée par la centrale nucléaire de Golfech ». Ce qui renvoie aux deux principales activités économiques de la région : l'agriculture, qui a déjà perdu des arbres fruitiers et des vignes l'an passé, et le tourisme, qui affiche quelque 222 millions de nuitées au compteur en 2023 dans une région aux 6 millions d'habitants, probablement 7 en 2050...

Alors que la saison estivale démarre, avec son lot de touristes attendus sur le littoral méditerranéen notamment, la Cleantech Vallée (association publique-privée initiée en 2019 par EDF après la fermeture de la centrale thermique Aramon dans le Gard, qui accompagne le développement des éco-industries sur le territoire), faisait le point, le 16 juillet, sur la situation hydrique et hydrologique de la région.

Lire aussiSécheresse : dans les Pyrénées-Orientales, une quête de solutions pour « passer le cap de la crise avec le moins de dégâts possibles »

Il a plu, mais de façon « normale » en Occitanie

Marjorie Bertrand, hydrogéologue et responsable du développement France d'ImagEau, filiale du groupe SAUR et spécialiste du numérique au service de l'eau, dégaine les cartes du service Info Sécheresse développé par ImagEau, alimentées par des données liées à l'eau (météo, eaux de surface et souterraines).

« Sur les trois derniers mois, entre le 10 avril et le 10 juillet, les températures en France ont été proches des normales de saison, selon Météo France, décrypte-t-elle. En Occitanie, dans les départements de l'Aude, des Pyrénées-Orientales, de l'Hérault et du Gard, la situation est homogène avec des normales de saison. Il n'a donc pas fait aussi frais que ce qu'on pourrait penser en ce début d'été. »

Concernant les précipitations, l'observation porte cette fois sur les six derniers mois et non pas sur le seul printemps jugé pluvieux... L'hydrogéologue confirme la perception des Français : « En France, on observe une majorité de territoires en situation de cumuls de pluies plus importants, mais en Occitanie, on est plutôt sur une situation normale, y compris dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales, où le cumul de pluie est conforme aux cinquante dernières années. Dans l'Hérault, il a un peu plus plu, et dans le Gard, c'est plus hétérogène avec l'Est du département plus arrosé que la moyenne et d'autres endroits qui sont dans la moyenne ».

Marjorie Bertrand rappelle toutefois que toutes les pluies n'ont pas la même efficacité pour les ressources en eau : les phénomènes de ruissellement n'ont ainsi pas de réel intérêts pour les cours d'eau, et les pluies qui tombent à partir du mois d'avril sont captées par la végétation et non par les nappes...

Lire aussi« On observe une vraie prise de conscience et une quête de solutions sur la ressource en eau » (O. Depraz, ImaGeau)

Un retard qui n'a pas été rattrapé

L'hydrogéologue évoque, pour l'Occitanie, des eaux de surface et des barrages avec des taux de remplissage « relativement bons au 1er juin, à l'inverse de l'an dernier et de 2022 où c'était encore plus critique ». Pour ce qui est des cours d'eau, observés sur les trois derniers jours, les situations sont contrastées : à peu près normaux dans l'Hérault, hormis certains plus bas dans le Biterrois, les débits moyens montrent quelques faiblesses pour la saison dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales avec quelques points rouges dans le pays catalan. Dans le Gard, la situation est qualifiée de « relativement normale ».

En revanche, même s'il a plu partout en France, la carte des nappes d'eau souterraines est plus nuancée, selon les mesures du BRGM.

« La situation est rouge par endroit en Occitanie pour les nappes phréatiques, c'est-à-dire les nappes proches de la surface, pas les nappes profondes, analyse Marjorie Bertrand. Dans l'Aude et les Pyrénées-Orientales, certaines nappes sont à des niveaux très bas car elles n'ont pas rattrapé leur retard de deux à trois années de sécheresse... Dans le Gard, les niveaux sont relativement hauts ».

Lire aussiSécheresse : le préfet veut préparer les Pyrénées-Orientales à une gestion efficace et durable de l'eau

Restrictions d'eau : peu en France mais quelques-unes en Occitanie

Comment se traduisent ces différentes situations en termes de restrictions d'eau sur les territoires ? A la mi-juillet, selon le site VigiEau, il y en a peu en France, hormis sur le pourtour méditerranéen, et principalement en Occitanie, dans l'Aude, les Pyrénées-Orientales mais aussi l'Hérault. Dans ce département languedocien, le dernier communiqué de la préfecture, le 5 juillet dernier, annonçait « un passage en alerte renforcée sur les bassins versants de l'Orb aval et de l'Aude aval Berre-Rieu » et « une rétrogradation en simple alerte sur la nappe astienne », les pluies de juin, bien que faibles, ayant permis de maintenir de manière hétérogène le niveau de certains cours d'eau (Vidourle, Or, Hérault), voire d'améliorer le niveau de certaines nappes souterraines.

« Le Gard n'a pas de restrictions aujourd'hui, et la préfecture a même reporté à début août le comité de sécheresse où se prennent les décisions de restrictions, fait observer Marjorie Bertrand. On peut conclure que par rapport à 2023, les pluies ont quand même été bénéfiques, on aborde l'été de façon plus sereine, notamment dans le Gard donc, mais ça ne veut pas dire qu'on n'aura pas de restrictions à l'automne ou décembre. »

Dans les Pyrénées-Orientales en revanche, la situation reste observée à la loupe par les autorités. Les deux dernières années ont été une torture pour les ressources en eau, mises à rude épreuve par une sécheresse tenace. Les deux piliers économiques que sont l'agriculture et le tourisme ont dû s'adapter à marche forcée. En janvier 2024 déjà, la préfecture annonçait quelque 42 communes sous tension au regard de l'alimentation en eau potable, dont cinq en rupture totale ou partielle... Une situation suffisamment préoccupante pour qu'en mai dernier, le ministère de la Transition écologique nomme Christine Portero-Espert « Madame Eau », avec pour mission de piloter le dossier en lien avec le préfet des Pyrénées-Orientales (voir encadré).

Carte des restrictions d'eau en Occitanie : comparaison au 12 juillet 2023 et 2024 (© Info Sécheresse).

Carte des restrictions d'eau en Occitanie : comparaison au 12 juillet 2023 et 2024 (© Info Sécheresse).

« Les masses d'eau sont dans un état critique »

Le premier juin dernier, le préfet des Pyrénées-Orientales a rappelé que « l'hiver 2023-2024 est le plus sec jamais enregistré par Météo-France, après celui déjà record de 2022-2023 » et que « les conditions hydrologiques et météorologiques défavorables n'ont pas permis, malgré les dernières pluies, de constater d'amélioration significative, et les tensions sur la ressource en eau se maintiennent », même si les précipitations de la fin mai ont offert un répit temporaire aux eaux superficielles de la vallée du Tech et de remplir le barrage de Vinça sur l'aval de la Têt.

« Malgré de récentes précipitations pluvieuses bénéfiques sur certains secteurs, le déficit hydrique global reste important et le stock de neige, particulièrement déficitaire, et ne permettra pas l'alimentation des cours d'eau durablement, écrit la préfecture le 1er juin. Les masses d'eau sur l'ensemble du département sont dans un état critique, non seulement en raison de la situation météorologique, mais aussi en raison de l'effet de cumul de la sécheresse continue depuis deux ans. »

Le Préfet des Pyrénées-Orientales a ainsi décidé de prolonger les mesures de restrictions provisoires des usages de l'eau jusqu'au 31 juillet.

Un plan de résilience pour les Pyrénées-Orientales

Le 22 mai, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, est venu présenter le plan de résilience « sécheresse ». L'État met sur la table 10 millions d'euros par l'intermédiaire de l'Agence de l'eau, et le plan hydraulique (20 millions d'euros) pourra être sollicité, ainsi que les « Aqua Prêts » de la Caisse des dépôts. Les services du ministère ont retenu trois projets de réutilisation d'eaux de station d'épuration : à Argelès-sur-Mer pour irriguer potentiellement 583 hectares de terres agricoles (objectif : 1,2 million de mètres cubes d'eau de classe B ou C par an), à Saint-Cyprien pour alimenter le golf, les aires de lavage de bateaux et les terres agricoles (objectif : 1 million de mètres cubes d'eau de classe A par an), et à Canet-en-Roussillon pour alimenter les usages techniques comme les voiries et à terme 500 hectares de terres agricoles (objectif : 0,5 million de mètres cubes d'eau de classe B ou C par an). L'État viendra par ailleurs en appui sur trois projets agricoles.

Enfin, trois études sont au programme : celle de la faisabilité du prolongement d'Aqua Domitia, les études pour évaluer les possibilités de valorisation de 6 à 10 millions de mètres cubes d'eau de la station d'épuration de Perpignan ou la création d'un adducteur entre le barrage de Vinça et le lac de Villeneuve-la-Raho, ainsi que celle sur la création du réseau d'irrigation et de deux réservoirs dans les Aspres, dans les tuyaux depuis treize ans.

Cécile Chaigneau

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à écrit le 21/07/2024 à 10:49
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Il est impératif d'abandonner définitivement le modèle agro-industriel dans ces régions condamnées à la désertification bon sang ! Ils ne savent que gaspiller l'eau ! Ils sont payés pour ! Ce n'est même plus pompier-pyromane c'est imposer les pyroman...

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