A l’heure du ZAN, les recettes de Geolink pour conquérir les friches

Optimiser les ressources foncières existantes et inexploitées plutôt qu’artificialiser de l’espace. C’est le mot d’ordre de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) en 2050, qui oblige les collectivités à inventorier leur potentiel foncier et déployer de l’ingénierie pour transformer les friches en tout genre. A Montpellier, Geolink Expansion identifie les freins et propose une méthode.
Cécile Chaigneau
La Ville de Montpellier s'est réapproprié l'ancienne friche militaire de l'EAI avec un projet de Cité créative, tournée vers les industries cultuelles et créatives.
La Ville de Montpellier s'est réapproprié l'ancienne friche militaire de l'EAI avec un projet de Cité créative, tournée vers les industries cultuelles et créatives. (Crédits : DR)

A l'heure de la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN) en 2050, dont l'objectif est de limiter l'étalement urbain et d'optimiser l'utilisation des ressources foncières existantes, les collectivités, urbaines comme rurales, doivent repenser leur développement, que ce soit en matière de logements ou d'activités économiques. Un défi stratégique aux enjeux multiples qui relance l'intérêt des collectivités pour les « dents creuses » et autres friches industrielles, tertiaires ou commerciales, logistiques ou ferroviaires. C'est le moment de les recenser et d'évaluer les sites à l'abandon et leurs potentiels.

C'est dans ce contexte que l'entreprise héraultaise Geolink Expansion, désormais filiale du groupe SOS, en partenariat avec deux autres entités du groupe, Auxilia (qui accompagne collectivités et entreprises dans leur transition écologique et solidaire) et Set by Setec (spécialisée dans l'aide à la décision foncière et territoriale), vient de lancer un appel à manifestation d'intérêt (AMI) baptisé « Territoires à Haut Potentiel Foncier Inexploité » (THPFI). Geolink Expansion s'est spécialisée dans l'accompagnement des territoires et des entreprises privées dans leurs projets d'implantation. Le programme proposé par l'AMI, à destination des collectivités locales, vise à transformer friches et bâtiments sous-utilisés en moteurs de développement économique, tout en respectant les principes de sobriété foncière.

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33.682 friches

Le Cerema (établissement public relevant du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires) estimait, en décembre 2023, à 170.000 hectares les surfaces en friches au niveau national. Selon les derniers chiffres (mars 2024) de son outil Cartofriches, près de 11.000 sites en friches (industrielles, commerciales, d'habitat,...) ont été répertoriés et caractérisés.

Gwenael Le Guennec, directeur associé de Geolink Expansion, avance quant à lui le chiffre de « 33.682 friches industrielles, tertiaires, commerciales, logistiques, ferroviaires réparties sur le territoire français alors que plus de 20.000 hectares de terrains sont encore artificialisés chaque année ». Un chiffre qu'il tire des études réalisées par Geolink Expansion sur la base des éléments du Cerema mais aussi « de notre expérience terrain, car il y a les friches qu'on voit à l'œil nu, mais aussi, dans les cœurs de ville, des bâtiments laissés à l'abandon dont on ne connaît pas les propriétaires ou qui sont bloqués par une indivision, que l'on recense et que l'on qualifie également ».

Le fonds Friches lancé en 2021 dans le cadre du plan France Relance a permis de financer 1.382 projets pour le recyclage de 3.375 hectares de friches (voir encadré). Mais changer le statut d'une friche et la réinvestir est un projet au long cours, avec des procédures qui peuvent prendre plusieurs années (compréhension des enjeux fonciers, identification et priorisation des potentiels, définition des projets de valorisation ou transformation, positionnement marché, commercialisation), parfois émaillées d'obligations de dépollution notamment.

« Le premier frein, c'est le manque de vision »

« La prise en compte des enjeux de lutte contre l'artificialisation des sols et de renouvellement des sites repose maintenant sur la capacité des territoires à développer et maîtriser des stratégies foncières et immobilières à 360°, décrypte Gwenael Le Guennec. Or les premiers freins que l'on observe sur le traitement des friches, c'est le manque de vision : la collectivité ne sait pas quoi faire d'une friche, celle-ci devient transparente, on ne se projette plus dessus et il finit par ne plus y avoir de devenir possible... Par ailleurs, les collectivités n'ont pas forcément cartographié les friches, même si elles commencent à accéder à ces données grâce au Cerema. Il y a aussi des enjeux de maîtrise foncière, un travail méthodologique difficile, une question d'ingénierie et bien sûr de financement. »

La démarche se veut « globale et non sectorielle », pour révéler les meilleurs usages possibles propres à un territoire. Il peut s'agir d'apporter à la friche une vocation nouvelle, ou de faire cohabiter plusieurs usages en intégrant du tourisme, des loisirs, des commerces, une micro-usine, des projets agricoles ou écologiques, une ressourcerie, un espace santé ou culturel, un incubateur social, etc.

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Faire baisser le coût de 30%

Les territoires qui rejoindront le programme THPFI bénéficieront d'un soutien sur-mesure avec des outils d'intelligence artificielle et d'intelligence territoriale et foncières, ainsi qu'une palette d'expertises de bout en bout du processus, de la qualification des friches à l'émergence de projets.

« L'intérêt pour les collectivités, c'est une démarche d'accélération grâce à une méthodologie que nous avons rodée et qui peut faire gagner un an à la collectivité, assure Gwenael Le Guennec. On crée un effet de mutualisation car on mobilise des outils technologiques et des bases de données qu'on a travaillées au préalable, ce qui fait baisser le coût d'analyse et de traitement de la donnée. On considère que la démarche fait baisser le prix de 30% pour la collectivité. »

L'AMI a vocation à retenir une vingtaine de territoires en 2024 et 2025, sur plusieurs vagues. Les premières sélections interviendront en octobre pour un accompagnement qui démarrera en fin d'année. Selon Gwenael Le Guennec, « une centaine de manifestations d'intérêt ont déjà été émises, parmi lesquelles 60% de collectivités de moins de 100.000 habitants comme le Pays du Haut Languedoc, la Communauté de communes du Pays viganais, Decazeville Communauté ou le Grand Cahors, et 40% de collectivités de plus de 100.000 habitants comme Sophia Antipolis, la Communauté d'agglomération de Niort, Pau ou Poitiers ».

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Le fonds Friches

En 2021, le gouvernement a lancé l'appel à projets du Fonds friches pour appuyer les démarches complexes de réhabilitation des friches. L'enveloppe dédiée à ce fonds s'élevait initialement à 300 millions d'euros et a été abondée une première fois de 350 millions d'euros en mai 2021, puis de 100 millions d'euros supplémentaires en janvier 2022. Le dispositif est aujourd'hui pérennisé dans le cadre du Fonds vert.

Selon le Cerema, « 2.999 projets ont candidaté au Fonds friches sur les trois éditions et 1.382 projets ont été soutenus par le fonds pour un total de 750 millions d'euros. Ces projets devraient permettre le recyclage de 3.375 hectares de friches et la production de près de 6,7 millions de m² de surfaces de logements (dont plus d'un tiers de logements sociaux), plus de 5 millions de m² de surfaces économiques (bureaux, commerces, industrie...) et plus de 4 millions de m² d'équipements publics ».

Cécile Chaigneau

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