Green IT Day : « Il faut conscientiser davantage la dimension matérielle du numérique »

Numérique responsable et durable, et si nous avions tout faux ? C’est la question qui était posée lors du Green IT Day, organisé par le cluster numérique Digital 113, questionnant les usages du numérique.
Selon l'ADEME, à lui seul, le numérique via les smartphones, ordinateurs, cloud ou mails, génère 2,5% de l'empreinte carbone nationale.
Selon l'ADEME, à lui seul, le numérique via les smartphones, ordinateurs, cloud ou mails, génère 2,5% de l'empreinte carbone nationale. (Crédits : DR)

Le 6 octobre dernier, le gouvernement détaillait les axes du Plan sobriété énergétique dont l'objectif est de réduire de 10% les consommations d'énergie d'ici 2024, et de 40% d'ici à 2050. A lui seul, le numérique via les smartphones, ordinateurs, cloud ou mails, génère 2,5% de l'empreinte carbone nationale (source : ADEME), plus que l'aéronautique...

Volontairement provocatrice, la question "Numérique responsable et durable, et si nous avions tout faux ?" était le thème central du Green IT Day, 8e édition organisée par le cluster numérique d'Occitanie, Digital 113.

« Depuis huit ans, nous échangeons sur le numérique responsable et durable avec des membres engagés pour transformer leurs savoir-faire, démontrant ainsi qu'être innovant et responsable écologiquement n'est pas antinomique », déclare Emmanuel Mouton, président de Digital 113. Cela n'empêche pas non plus de se poser des questions et de progresser. »

« Tout faux, je ne pense pas, estime Jean-François Rezeau, président de la CCI Occitanie. Depuis 2017, nous accompagnons les entreprises dans leur transition énergétique ou numérique. Nous avons d'ailleurs engagé l'action Green Concept qui préconise, dans un Livre blanc, 45 actions concrètes à mener en faveur d'un numérique responsable. »

Une matérialité réelle à conscientiser sociétalement

Le monde du numérique est, par essence, celui de la dématérialisation et du virtuel. Des termes qui font vite oublier que le numérique est pourtant bien réel, engloutissant en France 10% de la consommation d'électricité, avec une tendance toujours à la hausse.

« Accélérer sur la décarbonation, sortir des énergies fossiles, etc., tout cela évoque une électrification massive avec un besoin de cuivre et d'aluminium, ce qui, là encore, va laisser une immense empreinte sur la planète, constate Franck Pramotton, conférencier et cofondateur de The Shifters, association œuvrant pour la décarbonation économique. Il faut conscientiser davantage cette dimension matérielle. »

Maître de conférence en Sciences de la communication, Laurence Allard estime qu'il faut aller encore plus loin en prenant en compte le contexte social : « Il est important de ne pas avoir une approche trop minérale de cette matérialisation : il faut lui donner un visage humain, en référence au travail des enfants dans les mines... Il y a aujourd'hui toute une jeune génération de militants écologiques qui mettent en avant la fracture coloniale du numérique et son cycle mortifère. On parle même de technologie zombie ».

« Ni du bloc américain, ni du bloc asiatique »

Dans un monde toujours plus connecté, les usages des terminaux qui s'empilent sont remis en question. A-t-on besoin de changer de smartphone tous les deux ans - sachant que le garder pendant quatre ans au lieu de deux améliorerait de 50% son bilan environnemental - ou de travailler avec quatre écrans ?

« Il est absolument impératif  de changer de modèle et de reconsidérer notre approche des usages en les modérant, par exemple, reprend Franck Pramotton. La solution ne viendra ni du bloc américain, ni du bloc asiatique, car les GAFA ont des modèles qui soutiennent la perpétuation. »

Allonger la durée de vie des appareils, lutter contre l'obsolescence programmée, réemployer, réparer, modérer ses usages numériques quotidiens, accompagner les entreprises dans l'allongement de la durée de vie de leur parc IT... Autant de leviers pour emprunter la voie d'un numérique responsable.

Chercheur en informatique, Laurent Lefèvre prône l'éco-conception qui vise à réduire les impacts environnementaux des produits tout au long de leurs cycles de vie, avec plus de durabilité et de réparabilité : « Il n'y a pas de catalogue de solutions mais plusieurs leviers et un challenge : influencer les constructeurs ».

Attention aux effets rebonds

Dans le numérique, toute amélioration peut avoir des effets inattendus. C'est le fameux effet rebond appelé aussi paradoxe de Jevons, du nom de l'économiste britannique qui l'a théorisé...

«  Les nouveau réseaux comme la 5G font consommer moins d'énergie mais entraînent une explosion des usages avec des services qui se complexifient, explique Laurence Allard. Lorsqu'on travaille pour un numérique responsable, il est difficile de quantifier ces effets rebonds et de ne pas brider l'innovation. »

Cofondée et dirigée par Antoine Mestrallet, l'organisation Hérétique s'emploie à repenser un monde numérique solidaire, autonomisant, sobre, « un numérique pour et par des flâneurs et des romantiques », revendique Antoine Mestrallet à travers sa solution Marche et rêve. Cette application d'itinéraire est volontairement simplifiée au maximum : une adresse, une direction, une distance et rien de plus, pour se laisser dériver. Une façon de court circuiter Google Maps. Et le dirigeant ajoute : « Nos outils personnalisés ne visent pas l'accélération, ils misent sur l'intuition de chacun, l'épicurisme versus le contrôle de prédictibilité ».

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