« Les propos de Zemmour sur le logement social, c’est la remise en cause d’un droit républicain »

INTERVIEW - Les propos d’Éric Zemmour sur le logement social ont fait bondir le président d’Habitat social en Occitanie, Michel Calvo, tout comme l’ensemble du mouvement HLM en France. Stigmatisation, discrimination, procès en islamisation… Le candidat de l’extrême droite en campagne ne cache ni sa vision du logement social ni sa volonté d’en modifier les règles d’accession s’il advenait au pouvoir. Michel Calvo dit sa colère et ses craintes, alors que ce segment peine déjà (et depuis longtemps) à produire les volumes suffisants de logements.
Cécile Chaigneau
(Crédits : DR)

L'Union sociale pour l'habitat (USH) est en colère. Début février sur les ondes de France Inter, le candidat à la présidentielle d'extrême droite Éric Zemmour avait déclaré vouloir supprimer la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain votée en 2000, qui impose un quota de 20 à 25% logements sociaux) et la loi Dalo (qui permettrait, selon lui, « de loger des clandestins et des demandeurs de droit d'asile déboutés ou pas déboutés »), ajoutant que les HLM étaient « des terres d'islamisation de notre pays ». Des propos « indignes », « particulièrement stigmatisants et mensongers », regrette l'USH, porte-parole du mouvement HLM, qui a déposé plainte contre Éric Zemmour.

A Montpellier, Michel Calvo est le président d'ACM Habitat (office public HLM de la Métropole de Montpellier), président d'Occitanie Méditerranée Habitat (29 organismes d'habitat social, 126.500 logements sociaux qui hébergent 400.000 personnes sur le périmètre de l'ex-Languedoc-Roussillon), et le président de l'association régionale Habitat Social en Occitanie (avec notamment pour mission d'achever la fusion des deux associations HLM préexistantes sur les territoires des ex-régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées). Les propos du candidat l'ont fait bondir...

LA TRIBUNE - Comment qualifiez-vous les propos d'Éric Zemmour sur le logement social, notamment son souhait « réserver les logements sociaux aux personnes de nationalité française » ?

Michel CALVO - Ce genre de propos, c'est la remise en cause d'un droit républicain, c'est la République qu'il attaque ! Le logement social est un acquis historique depuis 1945 pour loger des gens aux bas revenus. C'est une politique sociale au sens large auquel l'État consacre du financement. Le logement social, c'est le symétrique de la Sécurité sociale : dès que vous avez un contrat de travail, vous y avez droit sans qu'on vous demande votre nationalité ! Éric Zemmour, tout comme Marine Le Pen, font de la question de la nationalité la question-clé pour accéder au logement social... Je rappelle qu'être en situation régulière est une obligation pour être éligible au logement social, les bailleurs exigent des titres de séjour. Les populations immigrées sont en général parmi les plus fragiles, donc éligibles au logement social. Les bénéficiaires de logements sociaux étrangers doivent représenter 1/5 de l'ensemble des bénéficiaires... Il doit y avoir un petit millier de logements par an  en France pour lesquels les règles n'ont pas été respectées et les bailleurs, qui sont régulièrement contrôlés, sont sanctionnés.

Le candidat qualifie les HLM de « terres d'islamisation de notre pays »...

C'est son moi profond qui parle avec la volonté d'agiter la peur... Venez visiter les résidences de Montpellier construites ces trente dernières années : personne ne peut savoir que ce sont des résidences sociales. Cet homme ne sort jamais de son 16e arrondissement ! Les HLM se sont modernisés depuis les quarante dernières années, on a diversifié les logements sociaux en créant des logements pour les très pauvres, pour les classes moyennes, etc. Et afin d'éviter les inconvénients des grandes concentrations de logements sociaux des années 1960 et 1970, comme ceux de la Mosson par exemple, on ne construit plus de quartiers de logements sociaux, on les dissémine partout dans la ville, on oblige les promoteurs à céder une partie des logements aux bailleurs. A Montpellier aujourd'hui, environ un tiers des logements sociaux sont des VEFA (vente en l'état futur d'achèvement, NDLR)... Éric Zemmour sera condamné pour ces propos ! Mais il s'en fiche ! Il a déjà été condamné pour incitation à la haine raciale, mais il agite ça comme un fait de gloire...

Éric Zemmour dit notamment vouloir supprimer la loi SRU qui impose un quota de 20 à 25% logements sociaux dans les villes. Quelle est la situation du logement social sur le périmètre d'Occitanie Méditerranée Habitat ?

Selon les chiffres les plus récents dont je dispose, en 2017, le nombre des communes carencées en HLM par rapport aux obligations de la loi SRU était d'une trentaine sur l'ex-Languedoc-Roussillon. Aujourd'hui, 46.000 demandent sont en attente sur ce périmètre... A Montpellier, on compte un parc de 36.000 logements sociaux au total, dont 24.000 chez ACM Habitat, et il reste 27.000 demandes non satisfaites, avec des temps d'attente de deux ou trois ans, parfois quatre ans et demi ou cinq pour ceux qui souhaitent un logement dans les quartiers de Port Marianne ou d'Aiguelongue par exemple. Si vous dites "on expulse les étrangers", vous faite rêver 27.000 personnes sans voir les conséquences sociales. C'est une division de la société phénoménale ! Cela masque une réalité, c'est une politique sociale du logement qui nous fait défaut ! Cela fait vingt ans que l'État a levé le pied sur ce sujet, ce qui a entraîné une forte tension dans l'accès au logement...

A ce jour, le logement social a-t-il la place que vous espérez dans la campagne présidentielle ?

Non mais on fait de gros efforts. Le mouvement national des HLM prépare d'ailleurs une journée sur ce sujet le 9 mars prochain (au Palais Brongniart à Paris, NDLR) : nous avons adopté un document de référence regroupant toutes les revendications du mouvement HLM, et l'USH invitera les candidats à la présidentielle à se positionner sur un certain nombre de propositions. Le gouvernement est en partie sensible au sujet car lors de notre congrès de Bordeaux (en septembre 2021, NDLR), le Premier ministre a fait des annonces pour booster la construction de logements sociaux (notamment l'exonération de la taxe foncière sur la propriété bâtie qui fera l'objet d'une compensation de la part de l'État pendant dix ans, NDLR), même si ce n'est pas suffisant.

Cécile Chaigneau

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