Ce n'est pas fréquent dans ce secteur d'activité : l'entreprise gardoise Handiwork, spécialisée dans l'accompagnement, la formation et l'insertion professionnelle de personnes en situation de handicap, annonce à la mi-juillet sa première levée de fonds d'un montant de 1,3 million d'euros. Une opération réalisée auprès de la Banque des Territoires, Federal Finance Gestion (filiale du Groupe Crédit Mutuel Arkea), France Active Airdie Occitanie et IRDI Capital Investissement.
L'obligation d'emploi des travailleurs handicapés (OETH) prévoit que toute entreprise de 20 salariés ou plus compte au moins 6% de salariés ayant une reconnaissance de handicap, l'employeur ne respectant pas cette obligation étant contraint de verser une contribution annuelle. Selon les chiffres de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiés à l'automne 2023, « en 2022, 38% des personnes reconnues handicapées étaient en emploi, soit près de deux fois moins que dans l'ensemble de la population. Parmi les actifs, le taux de chômage est plus élevé (12% contre un peu plus de 7%), et le chômage plus souvent de longue durée (5% contre 2%) ». La Dares rappelle également qu'en 2022, « un peu plus de 2,9 millions des personnes âgées de 15 à 64 ans et vivant en ménage ordinaire disposent d'une reconnaissance administrative d'un handicap ». Soit 7,1% de la population en âge de travailler mais seulement 4% des personnes en emploi. En 2022, 657.400 travailleurs handicapés étaient employés dans les 111.300 entreprises assujetties à l'obligation d'emploi les travailleurs handicapés (OETH). Alors que depuis le 1er janvier 2020, l'obligation porte sur le recours à l'emploi direct de ces personnes, l'étude met en lumière « un taux d'emploi direct stable à 3,5% », soit 29% des entreprises qui remplissent intégralement leur obligation par l'emploi direct.
« Le handicap disparaît »
Handiwork, qui bénéficie de l'agrément Entreprise Solidaire d'Utilité Sociale (ESUS), est basée à Bagnols-sur-Cèze depuis sa création en 2017 par Lionel Satouf et Jean-Baptiste Honorin, est aujourd'hui présente dans les régions Occitanie, PACA, Auvergne Rhône-Alpes, Ile-de-France et Normandie (avec des agences à Bagnols-sur-Cèze, Toulouse, Marseille, Villefranche-sur-Saône et Vanves). Cette levée de fonds a vocation à accélérer son développement par le déploiement de ses activités sur l'ensemble du territoire.
Depuis sa création en 2017, Handiwork annonce avoir permis à 500 personnes en situation de handicap de signer un contrat de travail durable au sein d'entreprises de la grande distribution, de la restauration (rapide, collective et brasserie) et de la logistique. Elle a également formé près de 2.000 personnes issues d'établissements du milieu protégé. Tout en travaillant en complémentarité avec les partenaires du monde du handicap, Handiwork revendique l'apport de la brique métier et une spécificité dans la démarche d'inclusion : l'accompagnement et la formation en situation de travail.
« On ne laisse pas les personnes à la porte de l'entreprise, revendique Lionel Satouf. Notre angle d'attaque se fait par une approche très opérationnelle, simple et duplicable. Nous amenons un élément peu présent dans le parcours d'inclusion habituellement : la brique métier, grâce à des formateurs experts-métier que nous formons à l'accompagnement du handicap. Ils travaillent en groupe, en milieu ordinaire sur leur lieu de travail, pour former à la maîtrise du métier et créer un vrai lien de confiance entre le stagiaire et l'employeur. Les formateurs créent des duos dans l'entreprise entre un salarié et le stagiaire en situation de handicap, et l'effet positif, c'est que le handicap disparaît. »
60% de personnes recrutées à l'issue
Plusieurs formats sont proposés selon les situations, les profils et les objectifs de l'entreprise : « Le format Handiwork Découverte d'une ½ journée par semaine pendant dix mois pour personnes qui viennent du milieu protégé et adapté. Le format Handiwork Recrutement adresse les entreprises qui veulent employer des personnes en situation de handicap et se traduit par un stage de huit semaines à temps plein pour des demandeurs d'emploi avec une RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, NDLR), pour un taux de 60% de personnes recrutées à l'issue. Et le format Alternance et apprentissage que nous avons créé en 2022 car beaucoup de personnes en situation de handicap sont peu diplômées et il y a un besoin des entreprises à recruter en apprentissage : en 2022, sur 800.000 contrats d'apprentissage signés, seulement 10.000 concernaient des personnes handicapées... Autre chiffre désarmant : 120.000 personnes travaillent dans les 1.500 ESAT en France, en France, avec un taux de sortie de 2% seulement alors que 15 à 20% le pourraient ! ».
Le modèle économique d'Handiwork est celui d'un organisme de formation, s'appuyant sur différents dispositifs selon les formats déployés : le format Découverte est financé pour moitié par l'établissement d'où vient le candidat et pour l'autre moitié par l'entreprise qui l'accueille (soutenus la première années par l'Agence régionale de santé, la Région et la DREETS), Handiwork Recrutement par le dispositif de formation POEI (préparation opérationnelle à l'emploi individuelle) auprès de France Travail, et le format Alternance et apprentissage par les opérateurs de compétences (OPCO).
Former 5.000 personnes par an
Aujourd'hui, Handiwork annonce travailler avec une quarantaine d'entreprises qui accueillent les candidats à l'emploi, parmi lesquelles Métro, Castorama, Lidl, McDonald, Burger King et KFC, l'entreprise de logistique CT International, Mondial Tissu, ou des centres de tri de La Poste.
« Nous travaillons sur tous les types de handicaps dès lors qu'ils sont compatibles avec le métier visé, en sachant que 80% des handicaps sont des handicaps invisibles, précise Lionel Satouf. A notre connaissance, nous sommes les seuls à travailler de cette façon. D'où notre ambition de couvrir le territoire national dans trois ans, notamment Lille et Bordeaux début 2025, et d'ici cinq ans, de former 5.000 personnes chaque année. D'autant que les entreprises avec lesquelles nous travaillons aimeraient développer la démarche dans d'autres régions, mais nous sommes parvenus à un plafond en termes de développement, d'où la nécessité de lever des fonds. »
Une croissance qui passera aussi par l'ouverture, avant la fin de l'année 2024, à d'autres métiers en tension : ceux de l'hôtellerie-restauration. Le dirigeant prévoit ainsi de passer de 38 salariés aujourd'hui (pour un chiffre d'affaires d'un peu plus de 2 millions d'euros) à 100 salariés en 2029 ou 2030.
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