Faut-il des éoliennes en Méditerranée ? Décision en mars 2022

C’est la fin du débat public sur le projet d’implantation d’éoliennes flottantes en Méditerranée. Une réunion de clôture avait lieu à Montpellier le 28 octobre. Si ce forum n’a pas délivré de synthèse des échanges, il a toutefois permis de révéler les résultats d’une expertise complémentaire commandée début octobre par la Commission particulière du débat public sur le bilan carbone de l’éolien en mer flottant.
Cécile Chaigneau
Alors que trois fermes-pilotes sont en cours de construction au large des côtes méditerranéennes, le débat public sur l'implantation de deux parcs éoliens flottants commerciaux de 250 MW chacun et de leurs extensions de 500 MW chacune se termine.

Le Forum de synthèse du débat public EOS ("Éoliennes flottantes en Méditerranée") avait lieu ce jeudi soir 28 octobre au Corum à Montpellier et venait clôturer trois mois et demi de débats autour du projet d'implantation de deux parcs éoliens commerciaux dans le golfe du Lion : à savoir la réalisation au large des côtes de la Méditerranée et plus précisément dans une zone située entre la frontière espagnole et Fos-sur-Mer, de deux parcs éoliens flottants commerciaux de 250 MW chacun et de leurs extensions de 500 MW (mégawatt) chacune. Le tout pour une durée de 25 à 30 ans. Soit, à terme, une cinquantaine d'éoliennes au total pour chacun des parcs. Un projet porté par le ministère de la Transition écologique et Réseau de Transport d'Électricité (RTE) pour le volet raccordement.

L'enjeu est de taille comme le rappelait l'invitation au Forum de synthèse, précisant que seraient présentés et débattus les arguments portés par le public sur les grandes questions que le projet pose : faut-il développer l'éolien flottant en Méditerranée, quels autres choix sont possibles, quel est le bilan environnemental de cette technologie, quelles seraient les conséquences sur la biodiversité, peut-on en décider maintenant au regard des connaissances et des retours d'expérience acquis ?

L'événement portait peut-être mal son nom, car ceux qui attendaient de ce dernier rendez-vous la synthèse - nominalement promise - des nombreux échanges qui ont alimenté cette procédure sont probablement restés sur leur faim. De synthèse sur les arguments, il n'y en eut point... Ce n'était pas le lieu, explique-t-on.

Etienne Ballan, le président de la commission particulière du débat public EOS, donnait le ton dès le début de la soirée : « Il s'agit, ce soir, du dernier rendez-vous, une réunion où on continue de discuter, et les contributions en ligne seront encore possibles jusqu'au 31 octobre ».

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Regrets et vertus

Les organisateurs appelaient à discuter sur différents stands installés par la commission particulière du débat public qui arboraient, sur de grands panneaux, les grandes questions qui ont émergé du débat, ainsi que quelques verbatim, sur cinq thématiques principales : énergie, environnement, usages et paysages de la mer, industrie et territoires, et processus de décision. Mais ces discussions se sont résumées à quelques échanges individuels feutrés.

Les efforts de pédagogie et la volonté de diversifier les participations au débat, développés par la commission particulière du débat public EOS, sont indéniables, louables, et ont été ambitieux. Le débat public se traduit en chiffres par 30 points de débats mobiles, 3.000 personnes rencontrées, 900 questionnaires remplis sur stands, 19 réunions publiques de proximité avec 300 participants, 650 élèves entendus, 12 ateliers thématiques en visio-conférence et 950 participants, 20.600 visiteurs uniques sur le site internet dédié avec 203 contributions recueillies en ligne ou 900 participants sur l'outil digital "J'entre dans le débat".

Comme l'a indiqué Etienne Ballan, les participants « ont voulu explorer un très grand nombre de sujets » et les contributions ont été « foisonnantes ».

Mais pour découvrir une synthèse de tous ces contenus, il faudra attendre le mois de janvier 2022. La commission particulière du débat public remettra en effet son compte-rendu au plus tard le 31 décembre prochain, et le présentera en janvier. Les maîtres d'ouvrage, l'État et RTE, auront jusqu'au 31 mars pour faire connaître leur décision.

Le forum de synthèse du 28 octobre aura toutefois permis d'exprimer un point positif et un point négatif sur la tenue de ce débat public : les vertus de reconnecter des publics a priori éloignés d'un tel débat et qui se sont montrés intéressés (par exemple les habitants de quartiers prioritaires de la ville, où se sont tenus des débats mobiles, ou les enfants, collégiens et lycéens, sollicités avec l'aide de leurs professeurs), mais aussi le regret que le débat ait été déconnecté des questions stratégiques autour de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de l'ensemble des choix énergétiques qui seront faits au niveau national...

Quelle empreinte carbone pour l'éolien flottant ?

Enfin, et c'était un contenu bien concret et attendu, la commission particulière du débat public a profité de ce forum pour révéler les résultats d'une expertise complémentaire commandée début octobre sur le bilan carbone de l'éolien flottant.

« C'était l'une des controverses du débat, a souligné Etienne Ballan. A l'issue d'un atelier, on s'est aperçu que les chiffres donnés sur le bilan carbone de fermes-pilote en France et en Ecosse ne pouvaient pas être comparés, et que l'affirmation générale selon laquelle "l'éolien devra avoir un bilan 15 g. de CO2 par kWh" était insuffisante. Nous avons donc demandé une expertise complémentaire, qui nous a été accordée. »

L'analyse a porté sur les données connues de cinq fermes-pilotes, utilisant différentes techniques et technologies, notamment d'ancrage. L'étude conclut à une intensité carbone (rapport entre émissions de CO2 en valeur absolue et quantité d'énergie produite sur 20 ans) de 37,4 g. de CO2/kWh produits en moyenne (cela va de 24 à 47 g. de CO2/kWh).

Des facteurs de variabilité ont été identifiés selon les phases du projet : si l'intensité carbone est à peu près similaire sur l'extraction et la transformation des matériaux nécessaires, elle varie sur les phases d'exploitation et de maintenance des éoliennes, en raison principalement du type de carburant utilisé par les navires.

L'empreinte carbone varie également en fonction des éléments du systèmes de construction choisi (type d'éolienne, de flotteur, d'amarrage, de câble de transmission) : elle est similaire sur la fabrication et l'installation de l'éolienne et du flotteur mais variable selon le système d'amarrage et le câble. Autres facteurs de sensibilité : la technique constructive, la durée de vie et le facteur de charge de l'éolienne, la longueur du câble de raccordement, le type de navires utilisé pour l'installation, la maintenance et le démantèlement des éoliennes.

Selon une extrapolation faite pour l'étude sur une exploitation optimisée des sites pilotes durant 25 ans, l'intensité carbone a été établie à 28,6 g. CO2/kWh. Dans le cadre de projets commerciaux, et en raison de gains qui proviendraient notamment de progrès technologiques et d'un plus grand nombre d'éoliennes raccordées, l'expertise a retenu le chiffre d'une intensité carbone de 19,5 g. CO2/kWh pour l'éolien flottant.

Ce qui placerait ce type d'énergie au-dessus du nucléaire (inférieur à 10 g. CO2/kWh) et de l'éolien terrestre, légèrement au-dessus de l'éolien posé et de l'hydroélectricité, mais en-dessous de l'énergie solaire concentrée, des panneaux solaires sur toit et de la géothermie (environ 40 g. CO2/kWh pour cette dernière).

Cécile Chaigneau

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