« Le début de saison est positif mais on sent que le marché de l’hôtellerie de plein air se tend » (B. Sauvaire, Yelloh Village)

INTERVIEW - Le groupe de campings franchisés Yelloh Village poursuit son expansion en franchissant la barre des 100 campings : dès cet automne, la marque commercialisera douze nouvelles destinations, dont deux en Occitanie. En progression constante, le groupe gardois, qui a enregistré l’an dernier 8,1 millions de nuitées, reste néanmoins plus réservé sur les perspectives 2025. Explications avec Bernard Sauvaire, président du directoire de Yelloh Village.
Bernard Sauvaire, cofondateur et président du directoire du groupe de campings franchisés Yelloh Village.
Bernard Sauvaire, cofondateur et président du directoire du groupe de campings franchisés Yelloh Village. (Crédits : Yelloh Village)

Avec un chiffre d'affaires qui est passé de 800 millions d'euros il y a trente ans à quasiment 3 milliards d'euros aujourd'hui, le marché de l'hôtellerie de plein air connaît une belle dynamique en France (source : cabinet Xerfi). L'an dernier, près de 142 millions de nuitées ont été enregistrées, soit une hausse de 4,4 % par rapport à 2022. En progression régulière, le groupe gardois Yelloh Village (282 millions d'euros de chiffre d'affaires en hébergement sec) vient d'annoncer l'intégration de douze nouvelles destinations* qui seront commercialisées pour la saison 2025.

LA TRIBUNE - Yelloh Village compte aujourd'hui 105 établissements contre quatre en 2000. Que vous inspire ce record pour la marque ?

Bernard SAUVAIRE, président du directoire de Yelloh Village - Nous aurions pu franchir depuis un moment la barre des 100 franchisés mais faire du volume pour du volume ne présente aucun intérêt. Lorsqu'avec trois associés, nous avons créé la marque Yelloh Village en 2000, notre ambition était de mailler progressivement le territoire et d'atteindre les 60 à 80 campings. Nous sommes aujourd'hui implantés dans les plus beaux sites de France à l'exception de l'Est, en Espagne et au Portugal. Mais surtout, nous avons gardé un niveau de qualité élevé. A l'avenir, nous allons d'ailleurs freiner l'intégration de nouvelles franchises.

Nous n'acceptons aucun camping appartenant à des fonds d'investissement.

60% des campings en France appartiennent à des groupes intégrés ou à des réseaux de franchise comme le vôtre, et 40% sont des indépendants. Quels sont vos critères de sélection ?

Nous sommes dans une logique entrepreneuriale où priment les valeurs patrimoniales. Aussi nous n'acceptons aucun camping appartenant à des fonds d'investissement. Tous nos franchisés sont des propriétaires familiaux et nous prenons beaucoup en compte la personnalité des dirigeants, que nous voulons très impliqués au quotidien, et notre exigence de niveau de qualité est également très élevée. En ce moment d'ailleurs, nous avons quatre franchisés qui ne sont pas au niveau dont nous allons amicalement nous séparer. Je le dis modestement, nous ne voulons pas être les plus gros mais les meilleurs !

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Parmi les nouveaux entrants, cinq ont retrouvé la marque après l'avoir quittée à l'occasion de rachats. Comment sécurisez-vous vos contrats ?

Avec des contrats de franchise contractuels sur six ans de manière à pouvoir inscrire des relations dans la durée. Nous avons eu quelques expériences malheureuses avec des dirigeants qui, après avoir augmenté conséquemment leur chiffre d'affaires grâce à la marque Yelloh Village, ont revendu à prix d'or ! Depuis, nous sommes très vigilants mais je suis ravi de voir revenir d'anciennes structures qui nous avaient fait confiance.

La côte autour de San Sébastian en Espagne pourrait être une prochaine piste, et nous sommes également en train de signer un contrat important en Italie.

Avec un sixième emplacement à Tarragone, la marque Yelloh Village est bien représentée en Espagne. Quelles sont vos prochaines cibles ?

Il est vrai que nous avons bien progressé en Espagne mais la côte autour de San Sébastian pourrait être une prochaine piste. Nous sommes également en train de signer un contrat important en Italie. Et puis nous n'avons jamais pensé auparavant à prospecter au Benelux mais peut-être à tort, nous allons nous y pencher.

En 2015, Yelloh Village segmentait son offre en lançant les villages Club et Authentic, deux gammes que vous avez fini par abandonner il y a deux ans. Pour quelles raisons ?

Nous avons effectivement souhaité nous orienter sur une seule gamme car de nombreux établissements étaient à la marge entre les deux et les clients ne s'y retrouvaient pas. Aujourd'hui, notre gamme unique est soumise aux mêmes cahiers des charges qualitatifs, avec un distinguo : certains campings affichent « All season service », c'est-à-dire qu'en haute ou basse saison, ils tiennent la promesse d'une même qualité de services en termes d'animations, d'épicerie, de club enfants, etc.

Quelle est votre politique en termes d'investissement ?

Nous avons investi l'an dernier 56 millions d'euros dans l'amélioration qualitative et structurelle de nos campings : agrandissement des parcs aquatiques, électrification de l'ensemble des emplacements, fibre wifi à chaque emplacement locatif, remplacement du gaz par de l'électrique, modernisation des infrastructures de restauration pour être à un niveau élevé de qualité... Nos 38 collaborateurs du siège social passent tout au peigne fin et sont capables de donner des ratios au centime d'euro près sur le chiffre d'affaires réalisé sur tel type de locatif, à telle date et tel endroit. C'est aussi cela notre force.

Vous enregistrez une progression de 8% de votre chiffre d'affaires par rapport à 2022. Comment vous positionnez-vous face à la concurrence ?

Yelloh Village se positionne sur le haut de gamme français de l'hôtellerie de plein air. Nous proposons énormément de services et contrairement aux groupes intégrés (Trigano, Sandaya, etc., NDLR), notre offre n'est pas standardisée et notre politique commerciale non agressive : les ventes flash, ou les deux semaines pour le prix d'une, nous les laissons à d'autres. En revanche, nous continuons de monter en gamme  sur nos locatifs avec 35% de 4 étoiles et 19% en premium. Cela représente des investissements conséquents : un mobil-home premium coûte en moyenne 40.000 euros livré mais avec terrasse, alimentation, climatisation et végétation, c'est le double.

Avec cette modernisation des bungalows et une offre de loisirs et services enrichie qui attirent les CSP+, ne craignez-vous pas une désertion de la clientèle historique ?

Notre challenge est d'augmenter le chiffre d'affaire global par la fréquentation et non par le tarif. Or cette année, malgré un chiffre d'affaires en hausse, le nombre de nuitées a diminué. Cela ne nous plaît pas, nous préférons avoir de nouveaux clients et des séjours plus longs. Donc le challenge est d'augmenter encore la qualité.

Solidarité et orientation professionnelle sont dans notre ADN, cela peut paraître très boyscout, mais je n'ai pas honte de mon humanisme.

Yelloh Village compte 4.400 salariés. Comment faites-vous face aux problèmes de recrutement ?

Nous rencontrons moins de difficultés que les autres professions car nous avons la capacité, dans nos établissements, de mettre à disposition des solutions d'hébergement. Pour séduire les candidats en CDD, nous essayons d'allonger les saisons en proposant des contrats de six mois et nos salaires sont très corrects. Solidarité et orientation professionnelle sont dans notre ADN, cela peut paraître très boyscout, mais je n'ai pas honte de mon humanisme.

Quels sont les principaux freins rencontrés à votre expansion ?

Les agrandissements. Tout est figé par la réglementation et on perd beaucoup de temps avec des normes parfois tatillonnes. Et puis en second lieu, il y toute une génération, à l'origine des plus beaux campings de France, qui arrive en bout de carrière. Il est tentant, pour les nouvelles générations, de se laisser griser par les montant proposées par les fonds d'investissement.

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Comment se présente la saison 2024 ?

La tendance est positive, principalement grâce à nos différents marchés européens, en premier lieu les Pays-Bas et l'Allemagne qui représentant 50% de la clientèle Yelloh Village. Le marché France reste stable par rapport à l'année dernière. Le mois de juillet est au même niveau que 2023, mais les mois d'août et septembre enregistrent à date une progression des réservations de 9%, grâce à une anticipation de cette même clientèle étrangère. L'Occitanie, qui rassemble 19 campings Yelloh Village, reste la première région en volume de séjours. Mais on sent que le marché de l'hôtellerie de plein air se tend. Les indices sont à la prudence pour 2025... Depuis le Covid, nous avons atteint des taux d'occupation qui ne progressent plus. Les tarifs de séjours ont également augmenté, même si c'est moins net que dans l'hôtellerie traditionnelle. Notre grille tarifaire 2025 (séjours commercialisés dès octobre prochain, NDLR) enregistre une augmentation moyenne des prix de 3%. Mais même dans ce contexte généralisé de hausse de prix, le camping continuera de rester leader français du tourisme.

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* Les 12 nouveaux entrants : La Rive à Biscarrosse (Landes), Eurosol à Vielle Saint Girons (Landes), Au Lac de Biscarrosse à Parentis-en-Born (Landes), Les Bois du Châtelas  à Bourdeaux (Drôme), La Ravoire à Doussard (Haute-Savoie), Les Fontaines à Lathuile (Haute-Savoie), Le Verger Fleuri à Lathuile (Haute Savoie), Avignon Parc à Vedène (Vaucluse), Domaine des Bans à Corcieux (Vosges), Castel Rose à Anduze (Gard), L'Oasis et California au Barcarès (Pyrénées-Orientales), Alfacs à Alcanar (Tarragone-Espagne).

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Commentaire 1
à écrit le 24/07/2024 à 10:12
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Il y a 20 an je prenais un mobile home sur l'île de Ré, la version méga confort pour 500 balles par mois. Un mobile plus petit et plus usé de nos jours au même camping c'est 2000 euros. Or les salaires n'ont pas été multipliés par 4 en 20 ans. Combie...

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