Sète, singulièrement culturelle : quels plans B pour les festivals cet été ?

SERIE (1/2) – Comment Sète, exception culturelle par son histoire, son identité et son bouillonnement artistique, encaisse-t-elle le choc de la crise Covid-19 ? La ville méditerranéenne vit en effet beaucoup de sa dynamique culturelle, largement mise à terre par la crise sanitaire qui a fait fermer les musées et se taire les festivals… Malgré une conjoncture incertaine, et bien qu’elle n’ait pas été choisie comme Capitale française de la culture 2022, l’île singulière prépare activement la saison 2021.
Avec une jauge de 1.500 personnes, le Théâtre de la Mer, théâtre de plein air sur le rivage de la Méditerranée et haut lieu des festivités sétoises, en est réduit à accueillir le tiers de son public.
Avec une jauge de 1.500 personnes, le Théâtre de la Mer, théâtre de plein air sur le rivage de la Méditerranée et haut lieu des festivités sétoises, en est réduit à accueillir le tiers de son public. (Crédits : Cécile Chaigneau)

L'annonce, début avril, de la désignation de Villeurbanne comme Capitale française de la culture 2022, a été une douche froide pour Sète qui se voyait déjà en haut de l'affiche... Finaliste, l'île singulière avait pourtant tout pour séduire. Pour la présidente de la Région Occitanie, Carole Delga, « la candidature de la ville était une évidence au regard de sa richesse culturelle et patrimoniale ». L'axe du projet de Villeurbanne, centré sur la jeunesse, aura sans doute été décisif. Malgré cette défaite, Sète reste positive, déjà tournée vers l'avenir.

« La déception est grande, confie Aurélie Pothon, directrice ajointe aux affaires culturelles de la Ville de Sète. Mais nous gardons de cette candidature la synergie et l'investissement des artistes (ils ont été 70 à participer à la co-construction du dossier, NDLR) et des élus sur un projet qui, sous une forme modifiée, verra le jour. Le maire, François Commeinhes, a la volonté de profiter de cette dynamique enclenchée pour construire, sur les dix prochaines années, notre projet culturel. »

Le navire Roquerols : un plan B

Si 40% des touristes disent venir à Sète pour raisons culturelles, ce n'est pas un hasard. La ville consacre en moyenne 6 millions d'euros par an à la culture, soit 20% de son budget total.

Elle concentre à elle seule une quinzaine de festivals, majoritairement organisés pendant la période estivale. Des rendez-vous qui attirent plus de 800.000 spectateurs. Du moins avant la crise...

Aussi, pour éviter les annulations en cascade de l'été 2020, la ville tente d'anticiper. Enjeu majeur : proposer des accueils adaptés aux conditions sanitaires. Avec une jauge de 1.500 personnes, le Théâtre de la Mer, théâtre de plein air sur le rivage de la Méditerranée et haut lieu des festivités sétoise, en est réduit à accueillir le tiers de son public.

« Nous mettons tous les moyens en œuvre pour permettre de nous retrouver cet été, affirme Aurélie Pothon. D'autant plus que cette année, nous célébrons le 100e anniversaire de la naissance de Georges Brassens. Nous avons maintenu la totalité des subventions aux festivals et avons investi 70.000 euros pour la mise aux normes du Roquerols ».

En cours de réaménagement, ce navire, qui porte le nom du phare où Brassens aimait se retrouver avec ses copains, sera amarré le long du quai du Maroc. D'une capacité d'accueil de 500 personnes, il est équipé d'une salle de concert et d'exposition, d'un restaurant et deux espaces bars. En accord avec le port de Sète, des gradins d'une capacité de 1.600 places seront installés sur les quais.

« Nous ne pouvions nous résoudre à une saison blanche commente François Commeinhes. Le Roquerols est un plan B pour s'adapter au contexte. Cela va permettre aux organisateurs de festivals d'avoir l'assurance d'une jauge et de pouvoir réserver leurs artistes. »

« Le lieu n'est pas spécialement adapté à certaines soirées mais c'est une solution alternative », soulignent de concert Louis Martinez, directeur et fondateur du festival Jazz à Sète, et Ivan Halen, coorganisateur du Worldwilde Festival.

« On navigue à vue »

Avec un budget de 550.000 euros (dont des subventions de la Ville de Sète à hauteur de 12%), le festival Jazz à Sète est une institution. Il accueille en moyenne 25.000 spectateurs pendant huit jours en juillet, aussi bien au Théâtre de la Mer en ville, que sur les plages. L'été dernier, il a été l'un des rares à avoir maintenu une programmation.

« Il y a eu une véritable mobilisation des artistes, intermittents, prestataires et institutions pour cette édition revisitée, à l'air libre et entièrement gratuite, se réjouit Louis Martinez. Les sessions de la seconde édition du Marathon Jazz (les artistes sont invités à jouer, déambuler, s'exprimer, débattre et danser sur une journée, du matin jusque tard dans la nuit, NDLR) ont été formidables, tout comme l'hommage à Michel Petrucciani. C'était une prise de risques mais grâce aux aides, l'équilibre financier a été atteint. Je pense que nous avons été le seul festival français de jazz à produire une telle qualité... L'année 2021 est beaucoup plus compliquée car si on veut faire des entrées payantes, on n'a pas droit à l'erreur. »

Le directeur envisage à ce jour une édition, a priori sans Marathon, qui se déroulerait entre le 15 et 21 juillet 2021, mais pas nécessairement sur la semaine complète. Quid des deux soirées se tenant au Théâtre de la Mer ?

« Cela dépendra des aides ou d'un éventuel fonds de compensation, répond le directeur du festival. J'ai déjà fait une quinzaine de projections de budget mais les interrogations sont toujours les mêmes. On navigue à vue. Un point positif : tous les artistes nous ont donné leur accord ! »

Le défi des concerts assis

Avec une clientèle majoritairement internationale - anglaise à 50%, japonaise et américaine 10%, européenne 40% - attirée par les line-up de Gilles Peterson's, le Worldwilde Festival (budget de 800.000 à 900.000 euros) a fini par se résoudre au remboursement des tickets achetés pour les éditions 2020 et 2021.

« L'édition 2020, dont le line-up était conséquent, n'était pas reprogrammable cette année, estime Ivan Halen. Impossible, par exemple, de re-coordonner la rencontre opportune prévue entre Dee Dee Bridgewater et sa fille China Moses... Financièrement, nous venons de rembourser 100.000 euros de billetterie et nous nous sommes séparés de notre seul CDI. Mais la Région Occitanie et le CNM (Centre national de la musique, NDLR) ont permis de nous maintenir à flot (50.000 euros, NDLR) et de payer les artistes émergents qui devaient se produire. »

Alors que Gilles Peterson n'est pas certain de pouvoir quitter l'Angleterre cet été, l'édition 2021 repart à zéro, sous un format écourté, du 9 au 11 juillet, devant un public majoritairement français.

« L'idéal aurait été de faire deux festivals, l'un en Angleterre et l'autre à Sète mais nous n'avions pas le budget, regrette Ivan Halen. Nous travaillons avec Gilles sur la programmation en essayant de proposer des groupes qui ne soient pas trop dansants. C'est d'autant plus frustrant que c'est notre Trademark, avec notamment les soirées clubbing ! » Impensable en effet d'imaginer les soirées habituelles rassemblant 2.500 personnes... Néanmoins, le festival a déjà programmé une soirée prévue avec Pat Kalla & le Super Modjo qui mixera et revisitera Brassens sur le navire Roquerols. Le musicien harmoniseur de bruits Christophe Chassol est, quant à lui, a priori confirmé le 9 juillet, tandis que des pourparlers sont en cours avec Thomas de Pourquery (qui devait ouvrir le festival l'an dernier) pour le 10 juillet.

La dépendance aux frontières

Déterminée, Maïthé Vallès-Bled l'est également pour organiser l'édition 2021 du festival Voix vives en Méditerranée, programmée du 23 au 31 juillet. Malgré les pressions, la directrice n'avait pas baissé les bras l'été dernier.

« En raison de sa forme, de son identité et de son installation en extérieur avec des jauges de moyenne importance, l'édition 2020 a pu avoir lieu, et elle a d'ailleurs été l'une des plus émouvantes en termes de réaction du public venu nombreux, 55.000 spectateurs sur l'ensemble de la manifestation contre 70.000 habituellement. »

Avec habituellement près de 600 manifestations se déployant dans 35 lieux de la ville, ce festival au budget de 500.000 euros a vocation à être une passerelle de cultures et de peuples. Il accueille des poètes (une centaine) venus non seulement de Méditerranée mais du monde entier. Or, qui peut dire si les lignes aériennes et les frontières terrestres seront ouvertes cet été ?

« L'an dernier, nous avons élargi le champ à des poètes venant d'Europe mais représentant toutes les cultures. Cette année nous aviserons », confie Maïthé Vallès-Bled qui n'a pas encore entièrement calé sa programmation.

Des dates mais des incertitudes

Alors qu'il affichait complet les quatre soirs, l'édition 2020 (budget moyen 200.000 euros) du festival Quand je pense à Fernande, organisé par la Ville de Sète, a dû être annulée. Pour l'édition 2021, la jauge de 500 personnes du Théâtre de la Mer risque de poser des problèmes, et le festival devra sans doute se déplacer sur le quai du Maroc. La ville n'a pas encore communiqué sur le line-up mais la billetterie ne devrait pas tarder à ouvrir (dates avancées du 22 avril au 25 juin).

De son côté, Fiest'A Sète vient d'annoncer officiellement sur les réseaux les dates de sa 24e édition, du 24 juillet au 6 août, qui se déroulera au Théâtre de la Mer. K-Live a également fait savoir que le festival reviendrait du 2 au 6 juin, célébrant à sa manière le centenaire Brassens. Ne reste plus qu'à croiser les doigts pour que la situation sanitaire permette leur tenue....

Retrouver le 2e épisde de notre série sur Sète iciSète, singulièrement culturelle : l'attente (et la résilience) des musées

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Commentaire 1
à écrit le 15/04/2021 à 13:51
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D'un autre côté mes meilleurs concerts, et j'en ai fais beaucoup, étaient surtout dans des salles de 3 à 500 personnes et pour les autres c'est parce que j'étais devant, au delà on ne voit rien et on aprécie beaucoup moins. Alors il reste l'ambiance,...

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