Comment le Train de la French Tech connecte une 3e fois Perpignan à Madrid

Connecter les écosystèmes French Tech du sud de la France avec ceux de Gérone, Barcelone et Madrid. Tel est l’objectif de l’opération du « Train de la French Tech », organisé par l’agence de développement économique de Perpignan et qui, pour la 3e année, a embarqué, les 19 et 20 juin, quelque 27 start-ups à son bord depuis Perpignan jusqu’à la capitale espagnole. Cinq d’entre elles ont été distinguées.
Cécile Chaigneau
Les start-ups gagnantes du Train de la French Tech 2019.
Les start-ups gagnantes du Train de la French Tech 2019. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Le 19 juin au petit matin, une soixantaine de personnes se massent sur le quai de la gare de Perpignan pour monter dans le « Train de la French Tech » qui reliera la ville à Madrid dans la journée, après des escales à Gérone et Barcelone.

Parmi elles, 22 start-ups perpignanaises, montpelliéraines et toulousaines. Arrivé à Madrid, le groupe aura récupéré des jeunes pousses géronaises, barcelonaises et madrilènes, et comptera une centaine de personnes.

Il s'agit de la 3e édition de cette opération, montée par l'agence de développement économique Perpignan Méditerranée Invest, et dont la vocation est de mettre en avant les innovations régionales, mais surtout de connecter les écosystèmes French Tech du sud de la France avec ceux de l'Espagne.

« Nous avons la volonté de jouer la carte régionale, euro-région, sud-Europe, et de faire sentir qu'on peut grandir à Perpignan, Alès, Montpellier ou Toulouse et être connecté à un écosystème plus large, souligne Laurent Gauze, le président de l'agence Perpignan Méditerranée Invest, et vice-président de la Communauté urbaine de Perpignan. Le but de ce déplacement est d'apporter un supplément d'âme à l'énergie d'entreprendre. »

« On travaille aujourd'hui à rapprocher les écosystèmes et avec cette opération, on envoie des signaux positifs de collaborations entre les territoires », ajoute Jalil Benabdillah, fondateur et dirigeant de SDTech à Alès (30), président du réseau d'entreprises Leader Occitanie, vice-président d'Alès Agglomération, présent dans le train en tant que coach.

La perpignanaise HelloMyBot vainqueur

A bord du train, les représentants des start-ups affutent leur discours, aidés par 24 coachs issus de divers secteurs économiques régionaux. Elles vont devoir se soumettre l'une après l'autre au désormais incontournable exercice du pitch de trois minutes.

Deux wagons ont été réservés dans le train de la Renfe espagnole, et le voyage permet tout juste à toutes les start-ups de se présenter. Des boîtiers de vote récupèrent les voix et les résultats sont donnés lors de la soirée de networking, sur le roof-top d'un hôtel madrilène.

C'est à la start-up perpignanaise HelloMyBot qu'a été attribué le 1e prix, le Prix du Train, qui lui permettra notamment de participer au CES de Las Vegas en janvier 2020. Fondée en 2017, la société emploie 9 personnes à Perpignan, Barcelone et Paris, où elle est incubée à la Station F. Elle a mis au point une plate-forme omnicanal qui propose de créer des agents conversationnels intelligents de type chatbot (texte), voicebot (enceinte connectée) ou callbot (pour serveurs téléphoniques).

« Nous avons effectué une 1e levée de 300 000 € en début d'année, et nous espérons doubler avec bpifrance et lancer une Série A en fin d'année, déclare Hubert Fisselier, son fondateur et dirigeant. Nos clients sont surtout des grands groupes, comme Accord, Renault, Seloger, Havas Voyage... »

Deux applications « santé » récompensées

Le 2e prix (prix du jury) a été attribué à la start-up madrilène Woom Fertility, qui a mis au point une application aidant les femmes à optimiser leur probabilité de grossesse.

« 25 % des couples connaissent des problèmes de fertilité et Woom Fertility se propose de les aider grâce à l'intelligence artificielle et les data-sciences, explique sa fondatrice Laurence Fontinoy. En Espagne, 5 % de femmes ont déjà utilisé notre application et nous comptons 600 000 utilisatrices au total. Nous détenons aujourd'hui six millions de données, ce qui nous a permis d'établir des modèles pour donner des recommandations aux femmes... Aujourd'hui, nous cherchons à faire une levée de fonds de 3 M€ pour développer l'aspect data-sciences. »

C'est la start-up MonOrdo, installée à Auterive à côté de Toulouse, qui a remporté le 3e prix, prix Coup de cœur du jury. Son fondateur, Sébastien Bonnet, pharmacien de profession, est parti « d'un constat de comptoir ».

« Il y a beaucoup de patients qui perdent leurs ordonnances, oublient de les renouveler ou qui ne peuvent pas se déplacer, explique-t-il. Notre plate-forme MonOrdo permet de recevoir l'ordonnance du médecin, de la stocker sur un smartphone et de l'envoyer à la pharmacie. Elle est couplée à une technologie de blockchain pour tracer et sécuriser le transfert de documents et le transit des ordonnances. Notre technologie est universelle et scalable. Elle peut s'interfacer avec les logiciels des médecins et des pharmaciens, et ce sont ces derniers qui paient un abonnement à MonOrdo. En France, 1 millions d'ordonnances papier sont chaque jour ! Nous sommes aujourd'hui en phase d'expérimentation dans une vingtaine de pharmacies à Toulouse, et nous avons besoin de 150 000 € cette année et 500 000 € l'année suivante. »

Surf volant et maisons-containers

Le 4e prix a été remis à la perpignanaise Redwoodpaddle. Déjà connue pour ses équipements de stand up paddle, l'entreprise, qui emploie six personnes, a orienté depuis deux ans sa R&D sur un nouveau concept baptisé Power Foil.

« C'est un surf électrique volant à 30 ou 40 cm au-dessus de l'eau, explique Christophe Defrance, son inventeur. Nous sommes en phase de production à Perpignan. Les 1e ventes se feront en France, en région d'abord... Nous visons la vente de 200 machines d'ici la fin de l'année, au prix de 5 000 € l'unité, soit trois fois moins que les produits américains ou australiens existants. Nos clients sont essentiellement des loueurs, qui aujourd'hui cherchent des alternatives au jet-ski, et nous faisons aussi de la vente en direct aux particuliers. Nous ambitionnons à terme des ventes à l'international, et nous avons envie de faire évoluer notre produit en ajoutant par exemple une montre connectée... Nous devrions recruter au moins 2 ou 3 personnes d'ici fin 2019. »

Quant au 5e prix, c'est Everlia qui l'a emporté. L'entreprise, installée à Saint-Thibéry près de Béziers (34), a été créée il y a une dizaine d'années par Alain Krzyzanowski. Labellisée Pass French Tech, elle a mis au point un système de construction à base de containers recyclés.

Après avoir étudié une hypothèse de déménagement à Montpellier, le dirigeant pourrait finalement construire sa nouvelle usine à Béziers, dimensionnée pour répondre à la demande désormais forte.

« Notre dispositif est aujourd'hui industrialisé, précise Alain Krzyzanowski. Nous employons une dizaine de salariés et nous en recrutons six supplémentaires en ce moment. Nous avons d'ailleurs du mal à trouver des compétences, raison pour laquelle nous venons d'ouvrir notre propre centre de formation, baptisé FIBI pour French Institut Building and Innovation. Il s'agit notamment de former nos salariés, mais aussi à terme des personnes extérieures, sur la maquette numérique.»

L'entreprise, qui réalise un chiffre d'affaires de 2 M€, devrait ouvrir prochainement son capital.

Une solution de stockage d'énergie innovante

Enfin, deux mentions spéciales du jury ont été attribuées à FHE (Full Home Energy, à Perpignan) et Servicoo (Toulouse). La première, une entreprise familiale, s'est spécialisée dans la gestion énergétique des bâtiments basée sur l'autoconsommation et la domotique Elle annonce quelque 15 000 installations depuis sa création et un chiffre d'affaires de 5 M€ en 2018.

« Nous avons signé des partenariats et des contrat forts avec des promoteurs, comme par exemple Angelotti Promotion qui va installer notre solution dans tous ses logements en 2019, ou Action Logement, via Promologis à Toulouse, précisent Benjamin Mallie et Cathy Nagy. Depuis quatre ans, nous travaillons à une solution innovante de stockage de l'énergie renouvelable. Nous avons mis au point une technologie nouvelle qui récupère le surplus d'énergie produit durant la journée et le restitue en eau chaude, chauffage ou climatisation. Elle prend la forme d'une pompe à chaleur pour les particuliers, et de containers autonomes pour les professionnels. »

Le groupe est en train de construire une usine à Kenitra, au Maroc, porte d'entrée sur le marché africain. Dédiée à la production de cette nouvelle solution de stockage, elle devrait être livrée à l'automne.

La toulousaine Servicoo, créée par Niamkey Habib Kouamé, propose une plate-forme de mise en relation dans le domaine des services entre particuliers, payables de manière classique ou bien via des token achetés sur la plate-forme « sans frais », précise le fondateur qui a recours à la technologie de la blockchain pour sécuriser le transit d'argent.

Des start-ups en tous genres

Parmi les autres start-ups figuraient :

  • En provenance de Perpignan : Adamentis (datacenter de proximité), BobyGo (solutions de matching immobilier), Coming Web (développement de sites internet), Epistemes (technologie éducative), Sajlight (candélabres solaires et sacs solaires).
  • En provenance de Montpellier : Emvista (traitement automatique du langage par IA), ForIntex (solution de matching entreprises/ingénieurs indépendants dans le domaine du BTP), La Gorge Fraîche (bière artisanale), MeetPro (plate-forme de rencontre entrepreneuriale pour la transmission d'entreprises).
  • En provenance de Toulouse : Hydle (meubles en kit), SpeakNate (apprentissage de langues étrangères), Topo (aide et accompagnement à la naturatlisation).
  • En provenance de Gérone, WiseBird (application voyage) et en provenance de Barcelone : KPC Mental Tech (plate-forme de détection des pathologies mentales via l'IA), S4Coach (solution IoT pour les salles de fitness), Webeolia (services web à la demande).
  • En provenance de Madrid : Click & Gift (cartes cadeaux en ligne), Roctar (apprentissage par l'expérimentation), Hoop Carpool (covoiturage) et U2 Guide (plate-forme d'activités de voyage immersives et orignales).

L'emblème French Tech de Perpignan

Le territoire perpignanais a obtenu le label "Communauté French Tech"en avril dernier, pour une durée de trois ans. Et comme le souligne le président de cette communauté, l'entrepreneur Emmanuel Stern, « le label est porteur d'une énergie positive, et l'opération du Train de la French Tech est vraiment l'emblème de l'action de la French Tech de Perpignan ! ».

Toutefois, la question d'une 4e édition du Train de la French Tech, au printemps 2020, se pose légitimement.

« Cela dépendra de la volonté des élus qui succéderont à l'équipe en place... », répondent les organisateurs.

Car entre temps, auront eu lieu les élections municipales, Perpignan étant l'une des places fortement convoitées par le Rassemblement National, avec un candidat, Louis Aliot, très bien implanté...

« S'il faut que la dynamique de Perpignan continue, quels que soient le maire et le président de la Communauté urbaine, ils auront intérêt à pérenniser cette opération, indique de son côté Emmanuel Stern, volontairement contenu dans sa réponse. Mais c'est aussi à nous tous, l'équipe French Tech, de trouver des financements pérennes. »

Cécile Chaigneau

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