« Nous recrutons une centaine de personnes par an à Bordeaux, Toulouse et Montpellier, dans l’IA, la data, le cloud ou la cyberdéfense » (C. Voisin, Orange Grand Sud-Ouest)

INTERVIEW - Elle cumule 19 années d’expérience chez Orange, où elle a côtoyé les réseaux, l’innovation ou le marché des entreprises. Catherine Voisin est, depuis le 4 septembre dernier, la nouvelle directrice Orange Grand Sud-Ouest, couvrant le vaste périmètre de l’Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine (10.000 salariés). Elle succède à Patricia Goriaux, qui a fait valoir ses droits à la retraite. Dans sa première prise de parole dans la presse, la nouvelle dirigeante évoque les enjeux de l’opérateur télécoms dans les deux régions.
Cécile Chaigneau
Catherine Voisin est, depuis le 4 septembre dernier, la nouvelle directrice Orange Grand Sud-Ouest, couvrant le périmètre de l’Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine.
Catherine Voisin est, depuis le 4 septembre dernier, la nouvelle directrice Orange Grand Sud-Ouest, couvrant le périmètre de l’Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Vous avez pris vos fonctions, le 4 septembre, de directrice Orange Grand Sud-Ouest et vous pilotez désormais les activités du groupe en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Quel a été votre parcours ?

Catherine VOISIN - Je suis à l'origine une enfant d'Aquitaine... J'ai fait mes études en classe préparatoire près de Bordeaux, puis l'école d'ingénieurs Supelec. J'ai obtenu un Master en recherche appliquée sur la 3G pour le groupe Ericsson au Canada. J'ai travaillé deux ans chez Peugeot Citroën sur les réseaux embarqués dans les véhicules. On était alors aux débuts de l'électronique et des contraintes environnementales. Je suis entrée chez Orange en 2004, en Île-de-France, avec un premier poste de terrain sur les réseaux, à la direction des techniciens d'intervention. Pendant plus de dix ans, j'ai fait de l'innovation : c'était notamment l'époque des live-box, des décodeurs télé. J'ai travaillé sur le marché pro PME au niveau national, un marché protéiforme et attachant que j'ai beaucoup aimé, avec l'enjeu de la digitalisation des entreprises. En 2018, je suis revenue sur le domaine des réseaux, au poste de directrice des Opérations réseaux de la région Orange Grand Nord-Est.

Que représente Orange Grand Sud-Ouest en termes d'emplois ?

En Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, ce sont 10.000 salariés répartis a peu près équitablement entre les deux régions, avec trois gros centres, Bordeaux, Toulouse et Montpellier, et une centaine de petits sites.

Vous succédez à Patricia Goriaux. En avril 2022, Christel Heydemann a pris la tête d'Orange et elle était la première femme directrice générale du groupe, le Comex compte six femmes sur 14 membres... Quelle est la place des femmes chez Orange ?

L'entreprise est très engagée sur les sujets de diversité, notamment sur l'égalité hommes/femmes, avec l'enjeu de féminiser notre management. Cela fait partie des quatre axes principaux du plan à 2025. Aujourd'hui, nous sommes à 36% de taux de féminisation, avec deux points de plus en Grand Sud Ouest.

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Parmi les défis du groupe figure le passage du cuivre au très haut débit avec le parachèvement du déploiement de la fibre dans l'Hexagone. Où en est-il en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ?

Ce déploiement est bien avancé. C'est une machine industrielle qui fonctionne à grand rythme depuis une petite dizaine d'années. Nous sommes autour de 85% de taux de complétude sur les deux régions. Orange intervient sur tous les segments : en fonds propres, sur les zones AMII (appel à manifestation d'intention d'investissement - NDLR) et sur les réseaux d'initiative publique (RIP - ndlr) financés par les collectivités territoriales. Sur les zones très denses, nous avons déployé sur fonds propres et sur les deux régions, nous sommes à 90% d'avancement. Sur les zones AMII, dans les secteurs moyennement denses, nous sommes aussi autour de 90% de complétude. Et sur les zones rurales où petites communes, Orange s'est positionné pour le compte de collectivités dans l'Aveyron et la Lozère... On se rend compte que déployer un réseau, c'est l'affaire de tous car on utilise des espaces partagés privés ou publics, ce qui impose de demander des autorisations. Dans les 10% non réalisés, on compte des clients qui ne veulent pas avoir la fibre, notamment parce qu'en zone rurale, ils ont de grands terrains sur lesquels leur revient la charge de financer le génie civil pour amener la fibre jusqu'à chez eux... La spécificité de l'Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine, c'est qu'elles comptent notamment des zones très rurales imposant une ingénierie de génie civil et mobilisant davantage de moyens financiers. D'autant qu'en zone montagneuse ou sur la côte atlantique, ce ne sont pas les mêmes règles d'ingénierie.

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Une tâche complexe, comme l'illustre le conflit d'Orange avec Scopelec (spécialisée dans l'entretien et l'installation de réseaux de télécommunications et important sous-traitant d'Orange pour le déploiement de la fibre) dont Orange avait estimé la qualité des prestations insuffisante. La situation, qui a poussé l'opérateur télécoms à ne pas renouveler deux contrats majeurs avec la Scop toulousaine, a laissé des traces en région...

Ça a été un dossier épineux et triste (la bataille judiciaire a tourné en faveur d'Orange - NDLR). Sur le grand Sud Ouest, Orange travaille maintenant avec cinq ou six partenaires... Mais il faut regarder l'ensemble de la filière : c'est un véritable savoir-faire mais c'est aussi un métier difficile. On est en train de vivre une transition technologique du cuivre vers la fibre. Nous continuons à faire vivre notre réseau cuivre, il faut en assurer la maintenance, quand bien même les sollicitations diminuent. Il faut donc à la fois gérer ce service de maintenance cuivre et déployer la fibre. Mais le gros de la machine industrielle est derrière nous et il faut maintenant anticiper une nouvelle transition, celle des bornes électriques. Nous devons donc être à la fois sur le cuivre, sur la fibre et sur les prochains business.

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Les réseaux, c'est aussi la maintenance, et vous devez de plus en plus intégrer la question des désordres climatiques. En quoi est-ce signifiant en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ?

Il nous faut en effet assurer la résilience de nos réseaux face à des épisodes climatiques de plus en plus fréquents et extrêmes. En régions, les réseaux sont exposés à des intempéries types fortes pluies, vent et inondation, par exemple. Lors de la dernière tempête dans le Gers (les 20 juin et 7 juillet 2023 - NDLR), des bouts de réseaux entiers ont été endommagés. Dernièrement, dans l'Hérault, des bouts de câbles ont été embarqués par les inondations. D'autant que notre réseau, dans le sud-ouest, est très exposé car porté par un nombre particulièrement important, 5 millions, de poteaux qu'il faut entretenir (en alternative à réseaux enterrés - NDLR). Nous avons des équipes terrain dédiées, des techniciens Orange mais aussi des sous-traitants, sur tout le territoire.

Sur le réseau mobile, Orange poursuit le déploiement de la 5G. Où en est-on en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ?

Nous déployons la 5G à grand rythme depuis deux ans. Sur la bande 3,5 GHz (bande principale pour l'introduction de la 5G - NDLR), nous sommes à quasiment 49% de taux de population couverte en Nouvelle-Aquitaine et quasiment 56% en Occitanie. Nous travaillons d'abord dans les grandes villes, où nous avons des objectifs progressifs visant les 60% en 2024. Mais il n'y a pas encore la 5G de bout en bout donc nous allons déployer un cœur mobile dédié permettant des performances pour des usages instantanés ne souffrant pas de latence, comme les jeux vidéo mais aussi dans le domaine médical. Dans les zones rurales, nous continuons à investir sur la 4G dont nous avons "upgradé" le capacitaire, en attendant de déployer la 5G dans les prochaines années.

Quels sont les enjeux d'Orange en région Occitanie et Nouvelle-Aquitaine sur le marché des entreprises ?

Sur le marché des entreprises mais aussi des collectivités, Orange compte 400 experts sur des sujets de transition digitale - surtout des petites entreprises -, de connectivité, de cybersécurité. Par exemple, il y a des enjeux sur les solutions sur-mesure autour de l'exploitation de la données : la recueillir, la gérer et la faire parler.

Pourtant, en début d'année, le groupe Orange a annoncé vouloir supprimer près de 700 postes chez Orange Business, sa division Entreprises, via un plan de départs volontaires... N'est-ce pas contradictoire avec les enjeux de transition numérique des entreprises ? Comment sont concernées les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ?

Nous sommes tous concernés par ces plans de structures de coûts, adossés à des ambitions business importantes. Nous sommes surtout dans la réduction d'une offre pléthorique que nous avions besoin de simplifier (les activités cloud, gestion des données et cybersécurité, plus importantes en terme de valeur ajoutée, ne seraient pas concernées par ces suppressions de postes - NDLR). Les usages ont changé, notamment depuis le Covid, avec notamment de plus en plus d'outils de collaboration, de vidéos, etc. Nous sommes sur une transformation du modèle d'entreprise. En fonction du business et des perspectives, nous devons dimensionner nos moyens. Or cette structure de coûts était surdimensionnée. Nous continuons de miser sur la proximité territoriale, mais ça a un coût et nous réfléchissons en effet à trouver le bon modèle et le bon équilibre entre ce qui se joue au national et en régions. Le process est en cours et je ne donnerai pas de chiffres sur les postes concernés en Occitanie ou en Nouvelle-Aquitaine... Mais ce n'est pas qu'une coupe dans les effectifs, et ceux qui ne veulent pas partir entrent dans des programmes de transformation des compétences. Il y a moins d'appels pour le cuivre donc nous adaptons nos équipes, soit pour les déployer sur d'autres sujets, soit en ne renouvelant pas les départs à la retraite. Et sur les métiers porteurs comme la cybersécurité ou l'intelligence artificielle, nous recrutons.

Justement, quels sont vos besoins en termes de recrutements en Occitanie et Nouvelle-Aquitaine dans le domaine de la cybersécurité, la dat, le cloud ou l'IA ?

Nous recrutons à Bordeaux, Montpellier et Toulouse. Globalement, cela représente une centaine de personnes par an. Les métiers ciblés sont surtout des consultants​, des ingénieurs, des experts, des chefs de projet et des leader techniques​. D'ailleurs, Orange Cyber Défense, la filiale d'Orange spécialisée dans les services de cybersécurité, a annoncé, en avril, sa volonté de recruter environ plus de 800 personnes en Europe...

La CGT Orange évoque « un climat social se dégrade ». Quelle observation faites-vous au moment de prendre votre poste sur les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine ?

Je resterais prudente. Je viens d'arriver, je vais rencontrer les équipes sur le terrain et les syndicats. Pour une société qui prend son destin en main et ne veut pas subir, ça se passe plutôt bien. Le sujet, c'est le maintien de l'emploi en région et les perspectives des salariés sur leur territoire. C'est un point d'attention très fort.

Cécile Chaigneau

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