Déchets : à l’issue d’un débat agité, la métropole de Montpellier opte pour la création d'une unité CSR

Une unité de combustibles solides de récupération (CSR) pour gérer une partie de ses déchets et les valoriser en produisant de l’énergie. C’est le choix que le conseil de la Métropole de Montpellier vient d’entériner, lors d'un conseil métropolitain le 2 avril, à l’issue d’un débat agité entre la majorité et les écologistes, vent debout contre ce procédé d’incinération.
Cécile Chaigneau
Face à ce qu'elle considère comme une absence d'exutoires pour ses déchets ménagers, la Métropole de Montpellier opte pour la création d'une unité de valorisation de combustibles solides de récupération tout en maintenant sa stratégie de réduction des déchets.
Face à ce qu'elle considère comme une absence d'exutoires pour ses déchets ménagers, la Métropole de Montpellier opte pour la création d'une unité de valorisation de combustibles solides de récupération tout en maintenant sa stratégie de réduction des déchets. (Crédits : DR)

Mise à jour du 5 avril 2024 - Après que François Vasquez, vice-président de la Métropole délégué aux déchets, a été démis de sa délégation, et après la démission de Catherine Ribot, conseillère municipale et métropolitaine, deux autres élus écologistes ont choisi de quitter la majorité et ont voté contre le budget de la Métropole pour exprimer leurs désaccord avec les orientations prises : Coralie Mantion, vice-présidente  déléguée à l'aménagement du territoire et à l'urbanisme, et Célia Serrano, conseillère métropolitaine déléguée à la politique zéro déchets.

La Métropole de Montpellier, avec ses 31 communes et une croissance démographique constante, veut drastiquement réduire ses déchets, mais se trouve confrontée à l'absence d'exutoire pour 110.000 tonnes de déchets résiduels, notamment depuis la fermeture de la décharge de Castries en 2019, qui sont donc exportés vers plusieurs départements de la région Occitanie, engendrant un surcoût estimé à 27 millions d'euros par an. La proposition de construire une unité CSR (combustibles solides de récupération), à l'occasion du renouvellement de la délégation de service public (DSP) de l'unité de méthanisation Ametyst (dont le contrat se termine au 31 décembre 2024), a généré un débat qui a embrasé la sphère politique depuis la mi-février 2024 et fracturé la majorité au conseil métropolitain. D'un côté, le président de la Métropole Michaël Delafosse (PS) qui voit là l'opportunité de valoriser énergétiquement les déchets tout en répondant aux besoins en énergie du territoire, et de l'autre, les écologistes qui critiquent cette solution qu'ils jugent incompatibles avec la stratégie "zéro déchet" entamée par la collectivité.

Face au tollé, la décision portant sur le renouvellement de la DSP d'Ametyst avait été reportée au conseil métropolitain du 2 avril pour permettre des consultations et des auditions et tenter de clarifier le débat.

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René Revol récupère la délégation Déchets

Pendant ce temps, les opposants au projet ont eux aussi battu la campagne avec notamment plusieurs réunions publiques. Au-delà d'une incompatibilité stratégique (« pourquoi cet acharnement à produire toujours plus de déchets, contribuant à nourrir un monstre industriel ? », interrogent-ils), les écologistes, soutenus par de l'association de citoyens Vivre Montpellier Métropole, dénoncent « 100 millions d'euros dilapidés » et « des conséquences financières et sanitaires funestes absolument pas évaluées ». Ils pointent surtout « les conséquences, sur la santé, des rejets atmosphériques d'une structure industrielle de cette importance », comme ils l'écrivent dans un communiqué le 26 mars dernier : « Même très encadrée, l'incinération émet des polluants dans l'eau et dans l'air, et produit des déchets ultimes (98.000 tonnes) qu'il faudra ensuite enfouir ».

A l'occasion du conseil métropolitain du 2 avril (en l'absence du maire-président Michaël Delafosse, en deuil), la vice-présidence de la Métropole déléguée aux Déchets, dont avait été démis François Vasquez (EELV), opposé à l'unité CSR, a été attribuée à René Revol, déjà délégué à la Gestion raisonnée, écologique et solidaire de l'eau et de l'assainissement. Lequel n'a pas manqué de souligner lors du conseil métropolitain : « Il y a une erreur sur le processus de DSP : aujourd'hui, nous l'ouvrons avec un cahier des charges à rédiger, nous ne l'achevons pas ! C'est en juillet 2025 que vous voterez et pourrez refuser ». A la proposition émise par plusieurs élus de reporter la décision, il répond qu' « un an de plus, c'est du bonus pour le délégataire actuel qui encaisse le supplément ! ».

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« Nous sommes face à un mur écologique »

« Aujourd'hui, nous n'avons pas les moyens techniques, humains et financiers de faire une régie des déchets, développe le nouveau vice-président délégué aux déchets de la Métropole. Durant l'exercice, nous devrons réunir les moyens pour reprendre la maîtrise de ce dossier.

Mais aujourd'hui, nous sommes face à un mur, et d'abord un mur écologique : 4.500 camions et 800.000 kms par an pour exporter nos déchets sur les départements voisins. Sur les 119 intercommunalités en France, nous avons le pompon ! Nous sommes maintenant 3e sur la TEOM (le conseil métropolitain a également voté, ce 2 avril, une augmentation de 14,62% de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, dite TEOM, « pour équilibrer le budget », indique la majorité - NDLR), mais si on continue comme ça, on finira premier ! C'est aussi un mur financier car les camions et les centres d'enfouissement ne sont pas gratuits, et la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes, NDLR), en attendant la taxe carbone, ne fait qu'augmenter. Donc il faut en sortir. »

Depuis le 22 février, les anti-CSR n'ont pas faibli. Les arguments contre ce choix de gestion des déchets ont été largement relayés au cours du conseil métropolitain. A commencer par ceux de François Vasquez : « La stratégie "zéro déchet" était la solution pour qu'il n'y ait pas de renouvellement de la DSP ! Aujourd'hui, on nous dit que la métropole n'a pas d'exutoire pour ses déchets ? Pourtant, à l'époque de sa création, Ametyst avait été présentée comme un exutoire ! la filière CSR est en échec depuis 25 ans. Et nous n'avons pas besoin d'énergie à Montpellier, nous n'avons pas d'industrie ! On est dans le vieux monde, on brûle les déchets ! ».

« De multiples flous »

« C'est un scandale démocratique : on doit débattre du mode de gestion sans débattre du choix de gestion, lance Alenka Doulain, conseillère de Montpellier Méditerranée Métropole et présidente du groupe d'opposition Montpellier Union Populaire Écologique et Sociale, dénonçant au passage « l'autoritarisme de l'exécutif », une « absence de méthode » et « de l'opacité ». Vous imposez une solution industrielle coûteuse sans étudier aucune alternative, au point de revenir sur votre promesse de campagne de ne pas augmenter les impôts. De multiples flous entourent ce choix. Rien ne nous dit qu'on ne signe pas pour un nouveau gouffre financier et un cadeau aux industriels du déchet. »

Coralie Mantion, vice-présidente de Montpellier Métropole, déléguée à l'Aménagement durable du territoire, l'Urbanisme opérationnel et la Maîtrise foncière, enfonce le clou : « Les écologistes continuent de se battre contre les incinérations quels qu'ils soient, et contre la filière CSR, incinérateurs à plastique, partout, à Béziers ou à Marseille ». L'élue cite l'ordre des médecins de Haute-Loire qui alertent sur « le risque élevé de mortalité et de morbidité en lien avec unité CSR », évoquant selon elle « une bombe à retardement sanitaire ».

Catherine Ribot, conseillère métropolitaine, pointe « la responsabilité juridique, morale et politique des élus devant les habitants et les futures générations », regrettant l'absence de toute « étude sérieuse ».

Luc Albernhe, conseiller métropolitain, évoque une filière CSR qui est « la moins bien disante écologiquement parlant » et « qui pose un problème d'équilibre financier puisqu'elle nécessite un grand nombre de déchets et sa rentabilité n'est pas assurée si la production est trop faible, ce qui incite à la surproduction de déchets ».

« Ne pas confondre industrie et capitalisme »

« Nous accompagnerons la rédaction du cahier des charges avec des experts, promet René Revol en conclusion, qui promet aussi la création d'un comité de suivi avec tous les élus qui voudront y participer, les associations environnementales, et pourquoi pas des citoyens tirés au sort. Certains nous reprochent de céder au lobby industriel ? Mais les décharges aussi sont aux mains des industriels et il faut peut-être en finir avec eux ! Il ne faut pas confondre industrie et capitalisme. Il faut que de notre coté, nous ayons un savoir or il n'y pas assez d'ingénieurs dans le pole déchets ! (...) Personne n'a le monopole de l'écologie politique. Le problème, ce ne sont pas les machines, c'est la façon dont les hommes utilisent les machines... »

A l'issue des débats, la délibération sur le choix d'une unité CSR était adoptée, avec 10 abstentions et 11 votes contre...

Les chiffres du débat

Selon les chiffres donnés par la Métropole de Montpellier dans le cadre du débat sur la création d'une unité CSR :

  • le territoire produire 266 kg de déchets ménagers par habitant (contre 241 kg en moyenne pour les métropoles françaises en 2021).
  • En 2022, le tonnage global de refus de la filière déchets de la Métropole s'est élevé à 111.000 tonnes, pour 260.000 tonnes de déchets ménagers et assimilés.
  • la politique énergétique de la Métropole a fixé des objectifs de production locale et renouvelable (+75 % d'ici 2030) pour réduire sa dépendance aux énergies carbonées et donc à l'importation. Plus particulièrement, il a été arrêté une multiplication par trois d'ici 2030 des réseaux de chaleur et de froid pour passer de 1,6 million de m2 (15.314 équivalents-logements) avec 65% de chaleur renouvelable en 2019, à 5 millions de m2 (45.942 équivalents-logements) avec 80% de chaleur renouvelable en 2030.
  • Selon le dernier rapport annuel consolidé 2022, l'unité de méthanisation Ametyst a traité la totalité des 128.902 tonnes de déchets, soit 127.120 tonnes d'OMR et 1.782 tonnes de biodéchets collectés sur le territoire de la Métropole. Le procédé a permis de produire 35.806 tonnes de compost et 2.159 tonnes de métaux ferreux et non-ferreux ont été extraites et valorisées. La production d'énergie s'est établie en 2022 à 30,7 GWh (dont 21 GWh électriques revendus au réseau public et 10,7 GWh thermiques valorisés en auto-consommation pour les besoins du process et l'alimentation du réseau de chaleur des 2.300 logements de la ZAC des Grisettes et du réseau de chaud et de froid de la polyclinique Saint-Roch).
  • Tenant compte de la trajectoire prévisionnelle de la stratégie « Zéro déchet » de la Métropole, le bilan matière prévisionnel de la nouvelle filière CSR s'établit en 2030 à 46.000 tonnes de refus résiduels destinés au stockage, soit 29% des 158.000 tonnes traitées sur l'installation à cet horizon. 

  • Investissements pour la création d'une unité CSR estimés à 80 millions d'euros (hors taxes valeur 2024).

Cécile Chaigneau

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