Comment la Ville de Montpellier a fermé son plus grand bidonville (165 personnes) grâce à un « village de transition »

Dans le bidonville du quartier de Celleneuve, à Montpellier, vivaient près de 200 personnes issues de la communauté Rom. Une action a été menée conjointement par la Ville et l’Etat, consistant à installer les habitants du bidonville dans un « village de transition ». Deux ans après, le 24 avril, il a définitivement fermé ses portes, des solutions de logement ayant été trouvées pour presque tous, mais aussi d’emploi et de scolarisation des enfants. Une réussite pour une méthode qui pourrait faire école, selon le maire mais aussi selon le préfet.
Cécile Chaigneau
Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, aux côtés du préfet de l'Hérault François-Xavier Lauch (à sa gauche), le 24 avril 2024, lors de la fermeture du village de transition de la Rauze, à Montpellier (© Ville de Montpellier).
Le maire de Montpellier, Michaël Delafosse, aux côtés du préfet de l'Hérault François-Xavier Lauch (à sa gauche), le 24 avril 2024, lors de la fermeture du village de transition de la Rauze, à Montpellier (© Ville de Montpellier). (Crédits : Ville de Montpellier)

Le maire (PS) de Montpellier, Michaël Delafosse, l'affirme : « Le bidonville de Celleneuve était le plus grand bidonville de Montpellier mais aussi l'un des plus important du pays ». Dans ce bidonville d'un quartier populaire de Montpellier, vivaient quelque 196 personnes (le camp en a compté jusqu'à près de 250), majoritairement issues de la communauté Rom, dans des habitats de fortune en planches et tôle ondulée ou dans des caravanes en piteux état, sur un terrain coincé entre une ligne de tramway, des résidences de logements neufs et le site de Sanofi. Dans un étant de misère et de dénuement avancé.

« Le bidonville et le squat ne sont pas la norme acceptable de l'habitat ! », clame Michaël Delafosse le 24 avril 2024, rappelant s'être emparé, avec le préfet de l'époque, Jacques Witkowski, du dispositif de la loi ELAN sur l'habitat intercalaire pour démanteler le bidonville de Celleneuve.

Le préfet et le maire ont en effet opté pour un dispositif transitoire : une évacuation du camp les 25 et 26 avril 2022 pour installer les habitants du bidonville dans un « village de transition ». L'État et la Ville avaient retenu, à cet effet, un terrain relativement isolé dans le quartier de la Rauze à Montpellier. Face à la levée de boucliers des quelques voisins du terrain, le maire a tenu bon. Le site a été doté d'Algeco modulables et équipés. Des règles de vie assez strictes ont été imposées (pas d'alcool dans les espaces communs, pas d'invités pour la nuit, pas de musique trop fort le soir), élaborées avec les habitants et les travailleurs sociaux.

Le préfet parle d'un « exploit »

Le village de la Rauze devait fermer ses portes au bout de dix-huit mois, deux ans maximum. Deux ans après, jour pour jour, il est donc fermé, et des solutions ont été trouvées pour presque tous ses occupants.

« Engagement tenu ! », se félicitent d'une même voix Michaël Delafosse et le préfet de l'Hérault François-Xavier Lauch le 24 avril 2024, au moment de fermer définitivement le village de transition.

« Sur les 196 personnes le jour du démantèlement du bidonville, 165 ont été accueillies dont 70 mineurs, dans des habitats modulaires financés par l'Etat et viabilisés par la collectivité (voir encadré, NDLR), rappelle le représentant de l'Etat. 105 personnes, soit 31 ménages, ont été orientées vers un logement pérenne, et avec la crise, ça n'a pas été facile. Elles ont été accompagnées par deux associations, Coallia et 2ChosesLune, et par des associations du secteur hébergement/logement mandatées par l'Etat (La Clairière, Gestare, Adages et l'AERS, NDLR), et des places ont aussi été trouvées par des bailleurs sociaux. 31 personnes sont retournées en Roumanie et 17 sont sorties du dispositifs : huit ont été mises dehors car elles ne se comportaient pas correctement, six ont été hébergées par des tiers, deux sont parties en prison, et une est sortie volontairement. Malheureusement huit personnes, pour qui nous n'avons pas trouvé de solution en raison d'une situation sociale trop fragile ou trop instable, sont reparties vers des habitats d'urgence. »

Le maire de Montpellier précise toutefois que « le relogement de ces personnes ne s'est pas fait au détriment des demandeurs de logement social, elles ont été logées dans des logements à baux glissants* par les bailleurs ».

Le village de transition de la Rauze à Montpellier

Le "village de transition" de la Rauze a fermé ses portes le 24 avril 2024, deux ans après son ouverture.

Retour à l'emploi

Par ailleurs, 45 personnes ont été accompagnées dans leur recherche d'emploi par France Travail, Cap Emploi et la Mission locale, et le préfet avance les chiffres de la réussite : « Pour réaliser cet exploit, il a fallu les aider à trouver un emploi pour qu'au moins une personne du ménage ait un revenu et accède à du logement social. Sur les 45, 16 ont trouvé un CDI, 16 un CDD et trois ont créé leur micro-entreprise. Et aujourd'hui, nous continuons d'accompagner dix personnes en recherche d'emploi ».

Enfin, le troisième axe d'intervention portait sur la scolarisation des enfants : « Dans les bidonville, on n'y va pas, on ne contrôle pas, on ne sait pas ce qui se passe donc on a du mal à imposer l'obligation de scolarisation pour les enfants, déplore le préfet de l'Hérault. Avec le village de transition, on avait les gens sous la main. A la rentrée 2023-2024, on avait 80% des enfants scolarisés (32 enfants, NDLR) ».

Au-delà de l'action combinée de l'État, des services de la Ville et de la Métropole de Montpellier, et de la mobilisation des associations, le maire et le préfet soulignent le dialogue constructif qui s'est établi avec les riverains du campement autour de l'acceptabilité de l'installation.

Une méthode à dupliquer ?

La gestion de ce type de bidonville, occupés par des gens du voyage, est souvent un dossier épineux pour les maires... Depuis 2020, l'élu montpelliérain revendique cinq squats ou bidonvilles résorbés à Montpellier, grâce à « une volonté, un chemin et une méthode ». Et il affirme qu'aujourd'hui, de nombreux maires défilent à Montpellier « pour voir comment on fait sur la gestion de cette problématique très complexe ».

Dans la 7e ville de France, sont encore identifiées quelque 600 personnes vivant dans des bidonvilles. L'expérience du bidonville de Celleneuve pourrait donc servir de méthode à dupliquer.

« Ce dispositif est un succès et nous allons travailler pour poursuivre cette stratégie de résorption des squats et bidonvilles grâce à l'expérience que nous venons d'acquérir à travers ce village de transition, et ainsi accompagner le plus grand nombre vers un retour à la scolarité, à l'emploi, au logement, un retour à la dignité, affirme le maire socialiste le jour de la fermeture du village de transition de la Rauze. Nous sommes résolus sur les filières d'immigration illégale et les marchands de sommeil. Nous envoyons un message. »

Du côté de l'Etat, la méthode semble aussi validée. François-Xavier Lauch annonce lui aussi « solennellement » vouloir poursuivre cette action de gestion des bidonvilles par des habitats intermédiaires : « Cet engagement tenu de l'Etat envoie un signal fort pour l'insertion sociale et économique des populations roms. Ce qui a été réalisé ici peut être un modèle pour la suite mais aussi au niveau national. Je suis prêt à continuer le travail, avec des exigences : je veux que collectivement, on n'accepte pas de nouvelles installations, je veux qu'on s'engage chaque année sur un nombre de personnes qu'on sort réellement des bidonvilles vers du logement pérenne, de l'emploi et de la scolarisation. Il y a encore 600 personnes dans des bidonvilles à Montpellier. Je veux qu'on finisse par écraser ce chiffre, via un plan pluriannuel ».

* Bail glissant : dispositif utilisé par les organismes HLM et les associations pour favoriser l'accès et l'insertion durable dans le logement de certaines catégories de ménages en voie d'autonomie, grâce à une période transitoire de sous-location et d'accompagnement social.

Un dispositif pour quel budget ?

Le dispositif du village de transition, déployé pendant deux ans, a requis un budget de 3,8 millions d'euros du côté de l'État. La Métropole de Montpellier a financé les travaux de viabilisation du terrain (700.000 euros, dont 525.000 euros de fonds européens) et la mise à disposition du terrain. Quant à la Ville de Montpellier, elle a financé le fonctionnement du dispositif la première année à hauteur de 50.000 euros pour les associations.

Cécile Chaigneau

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Commentaires 2
à écrit le 26/04/2024 à 9:22
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la communauté Rom fallait la renvoyée dans son pays ralebol de payer et entretenir les immigrés alors que des français n'arrivent pas à se loger ou à vivre de leur salaire !!!!!!!!

à écrit le 26/04/2024 à 6:43
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Pour les sous-titres de la photo. Le préfet est à sa droite ! A sa gauche il s’agit d’une femme…

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