Sécheresse : dans les Pyrénées-Orientales, une quête de solutions pour « passer le cap de la crise avec le moins de dégâts possibles »

On est en plein hiver mais déjà, le département des Pyrénées-Orientales a soif. La situation s’avère plus dégradée que l’an passé à même époque, et pour le court terme, le seul espoir, ce sont les économies d’eau... Point d’étape.
Dans les Pyrénées-Orientales, le niveau d'eau sur le barrage sur l’Agly, à Caramany, était l'un des points d'alerte dès le printemps 2023.
Dans les Pyrénées-Orientales, le niveau d'eau sur le barrage sur l’Agly, à Caramany, était l'un des points d'alerte dès le printemps 2023. (Crédits : Yann Kerveno)

Mise à jour le 2 février 2024 (encadré sur le fonds Sécheresse et déclaration de Carole Delga)

En conviant la presse au comité de gestion des politiques de l'eau, le 30 janvier, le préfet des Pyrénées-Orientales, Thierry Bonnier, voulait donner à voir la façon dont tous les acteurs du dossier pouvaient parler ensemble. Plus de cinquante personnes se sont donc retrouvées dans une vaste salle de l'hôtel du Département pour envisager 2024, année qui s'annonce sous de pires auspices que 2023.

Passés les constats d'un déficit de pluviométrie important (plus de 50% au cours de l'année dernière), le préfet rappelle que la situation est plus tendue en ce début d'année, « mais nous sommes mieux préparés » tente-t-il de tempérer.

Le tableau n'est pourtant guère engageant. Les réserves d'eau de surfaces sont au plus bas alors que la principale période habituelle de recharge, l'automne, est restée sans effet. Les nappes phréatiques ne sont pas en meilleure posture, les Pyrénées-Orientales étant d'ailleurs le seul département dans une telle situation en France. Et aucune précipitation digne de ce nom n'est annoncée pour ces prochaines semaines.

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Pas de solution miracle

Si Thierry Bonnier estime que le département est mieux préparé, c'est parce qu'il s'appuie sur le résultat des actions menées tout au long de l'an passé. Elles ont abouti à des économies très sensibles, 30% de consommation d'eau en moins au cours de la période estivale. Les arboriculteurs et les maraîchers ont pu travailler, même si les conditions étaient dégradées. Le secteur du tourisme aussi.

Chacun rappelle ce qui avait été fait dans son secteur et présente des propositions pour 2024 sur l'accentuation des efforts. Un long catalogue à la Prévert, justifié en préambule par le préfet qui assure en substance qu'il n'y a malheureusement pas de solution miracle, invitant plutôt à additionner les petites solutions.

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Le syndicat des hôteliers avance ainsi la réalisation d'un achat groupé de seaux à glace isothermes qui permettront d'économie un million de litres d'eau par semaine pour faire des glaçons, mais aussi le développement de plusieurs types de douches pour inciter les clients à la modération. Brice Sannac, président de l'UMIH (Union des métiers et des industries de l'hôtellerie) des Pyrénées-Orientales, regrette toutefois que la réglementation n'évolue pas plus vite, en particulier pour permettre la réutilisation des eaux grises, ajoutant que dans l'hôtellerie de plein air, 540.000 m3 d'eau ont été économisés sur les forages des campings l'an passé grâce aux initiatives prises et que la consommation totale d'eau a reculé de 17%.

Arboriculteur, David Massot rappelle qu'il faut impérativement laisser couler l'eau dans les canaux pour ne pas aggraver le problème en asséchant les campagnes.

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« Rien de révolutionnaire »

Il faut maintenant penser à après-demain... Sur place depuis plusieurs semaines, la mission interministérielle dépêchée dans les Pyrénées-Orientales a dévoilé quelques pistes qui figureront dans le rapport en préparation, « mais rien de révolutionnaire », tient à préciser Philippe Ledenvic, président de la mission.

Première idée avancée : déterminer les marges de manœuvre pour retenir l'eau qui coule dans les rivières et la stocker dans les nappes. Le monde agricole réclame de faire évoluer le mode de gestion des barrages. Troisième hypothèse : renforcer le rôle des zones humides. Et enfin adapter les canaux au changement climatique.

« Mais pour 2024, la seule option, c'est bien la réduction de la consommation » prévient toutefois Philippe Ledenvic.

L'acheminement de l'eau du Rhône dans les Pyrénées-Orientales est aussi sur la table, tout comme l'idée de construire un aqueduc depuis le barrage de Vinça pour remplir la retenue de Villeneuve-la-Raho, ainsi que la réutilisation des eaux de stations...

Yohan Marcon, secrétaire général de la Préfecture, propose une douzaine de chantiers pour 2024 « pour passer le cap de la crise avec le moins de dégâts possibles ». Parmi lesquels la création d'un observatoire de l'eau pour centraliser les données et mieux comprendre les consommations, la mise au point d'un protocole de recharge des nappes, l'adaptation du règlement des barrages, le déploiement de davantage de réutilisation des eaux usées, la progression du projet de retenue collinaire des Aspres (dans les tuyaux depuis quinze ans), une meilleure protection des piscines individuelles pour limiter l'évaporation...

En attendant, le comité sécheresse, tenu la veille, avait reconduit à l'identique les mesures de restriction en vigueur.

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Un fonds sécheresse d'un million d'euros

La filière élevage des Pyrénées-Orientales, fortement éprouvée par la sécheresse qui sévit depuis le printemps 2022, pâtit de la baisse importante des récoltes de fourrage, certains territoires comme la Cerdagne étant affectés de manière très prononcée. Le 2 février, le ministère de l'Agriculture annonce le déclenchement d'un fonds d'urgence, doté d'un million d'euros, pour soutenir cette filière dans le département. Il est destiné « aux exploitations se trouvant en grande fragilité économique en raison de l'impact de la sécheresse ». Le ministère précise que « la Région et le Département auront la possibilité, s'ils le souhaitent, d'abonder ce fonds d'urgence ». Les critères d'éligibilité et le montant de l'aide seront déterminés localement par la cellule départementale de crise, « qui se réunira dans les prochains jours, afin que le versement des crédits puisse intervenir dans les meilleurs délais ».

La veille, la présidente (PS) de la Région Occitanie, Carole Delga, avait déclaré, dans un communiqué, « j'attends toujours du Président de la République qu'il désigne un Monsieur ou Madame Eau en Occitanie, aux côtés du Préfet de Région, pour coordonner et accompagner des projets et des solutions multi-usages plus économes afin de réduire les impacts de longues sécheresses, comme c'est le cas dans les Pyrénées-Orientales ».

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