Depuis le Vallespir, Amorim lance une OPA marketing sur le liège français

Le Portugais Amorim, leader mondial du liège, annonce le lancement d’un label « liège de France » lors d’une première collecte, jeudi 23 juin dans les forêts du Vallespir (66). Un label pour « effacer » l’antériorité de son concurrent, le Catalan Diam Bouchage, déjà bien implanté dans la relance d’une filière du liège français.

L'empire Amorim contre attaque dans la filière du liège français. Le leader mondial du liège (604 M € de CA en 2015) organisait, jeudi 23 juin, une levée de liège fortement médiatisée dans les suberaies du Vallespir (66), donnant le coup d'envoi au lancement d'un label « Liège de France ». Cette première récolte sera traitée en bouchons dans les unités de production d'Amorim au Portugal... avant d'être expédiée chez Amorim France pour recevoir les traitements de finition.

« Nous répondons à une tendance grandissante des consommateurs d'acheter des produits « made in France ». Avec cette récolte, dès 2017 nous proposerons à nos clients de commercialiser un bouchon en liège naturel 100% français », annonce Christophe Sauvand, le directeur général d'Amorim France.

Hasard du calendrier, au même moment, son concurrent et n°2 mondial, Diam Bouchage (129 M€ de CA en 2015), filiale d'Oeneo basée à Céret (66), participait à une opération d'écorçage dans les suberaies de Provence, auprès d'un important propriétaire forestier (650 ha) travaillant pour le compte du groupement coopératif Estandon Vignerons.

L'entreprise vitivinicole varoise a choisi depuis trois ans de boucher ses bouteilles avec des bouchons de liège français fabriqués par le Catalan : la production est de l'ordre de 800 000 bouchons en 2015 et de 1 500 000 en 2016. Une goutte d'eau pour Diam Bouchage, qui produit chaque année 2 Milliards de bouchons, sur un marché estimé à 12 milliards (vins effervescents compris) et s'investit très discrètement dans la filière liège français.

Qui, des deux concurrents, détient l'antériorité ?

Dans cette course au « made in France », le Portugais revendique pourtant l'antériorité d'un engagement au service de la relance de la filière liège français.

« On a tendance à penser qu'Amorim, groupe portugais, égale liège portugais... ce qui est complètement faux, justifie Christophe Sauvand. Nous achetons depuis des années du liège auprès des récoltants français. Jusqu'à présent on ne le faisait pas savoir, mais nos concurrents en lançant une appellation d'origine Diam Bouchage dans le Var, passent pour les seuls sauveurs de la forêt française ».

À quoi le principal intéressé répond, en la personne de Dominique Tourneix, directeur général de Diam Bouchage :

« On ne peut que se réjouir de savoir que le leader mondial a reproduit une initiative de Diam Bouchage. Cette prise de conscience de l'intérêt d'entretenir des forêts comme celles du Vallespir est un signal fort au service de la relance de la filière ».

Diam Bouchage, de fait bien implanté dans les suberaies catalane et varoise, s'investit depuis cinq ans dans la relance d'une filière liège français dans le cadre de contrats pluriannuels (sur cinq ans) passés avec les associations syndicales de gestion forestière (ASL) La Subéraie catalane et La Subéraie varoise. L'entreprise vient de signer, le 23 juin (autre hasard du calendrier), un contrat sur cinq ans pour l'exploitation des suberaies corses avec le Centre régional de la propriété forestière (CRPPF).

70 tonnes récoltées dans les suberaies catalanes

« Tout a commencé il y a six ans en Vallespir, quand l'ASL Suberaie catalane par l'intermédiaire du maire de Vives (66) Jacques Arnaudiès, est venue nous voir pour trouver un débouché à la filière, retrace Dominique Tourneix. Ils n'arrivaient plus à vendre leur liège face à la forte pression des prix espagnols et portugais. Depuis, nous achetons quasi toute la production levée en Roussillon, de 70 tonnes en 2016 ».

Diam Bouchage, qui développe des bouchons technologiques en liège aggloméré en extrayant les mauvaises molécules du liège pour ne garder que la subérine, montre son intérêt pour cette filière en décrépitude, cause d'un dépérissement des forêts de chêne-liège français, qui rendent une partie de la production impropre à la fabrication de bouchons traditionnels.

« Notre procédé nous offre un rendement matière de 40 %, contre 6 % quand on tube des bouchons de liège directement dans la planche », explique Dominique Tourneix.

Un gain matière qui permet au n°2 mondial de valoriser le liège catalan et varois de piètre qualité visuelle (ses propriétés mécaniques restent en revanche excellentes) et de jouer le jeu filière en doublant ses prix d'achat, comme le confirme Chloé Monta, ingénieur forestier pour l'ASL suberaie varoise : « Diam Bouchage nous achète du liège de moindre qualité tout en s'alignant sur un prix vraiment supérieur à la moyenne mondiale, de l'ordre de 1 euro le kilo ».

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