45% des rivières en bon état (écologique) en Occitanie, mais le spectre du réchauffement climatique rode

Le rapport de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse examine la qualité des eaux mais aussi leur quantité. Alors que le niveau de contrôle se renforce et que la mobilisation s’organise pour améliorer ces deux points, la pression du réchauffement climatique vient compliquer les démarches. Sur le bassin Rhône-Méditerranée en Occitanie, 45% des rivières sont en bon état mais 29 % sont perturbées par des prélèvements d’eau excessifs. Décryptage.
Cécile Chaigneau
Sur le bassin Rhône-Méditerranée en Occitanie, 45% des rivières sont en bon état écologique, selon le rapport 2022 de l'agence de l'eau.
Sur le bassin Rhône-Méditerranée en Occitanie, 45% des rivières sont en bon état écologique, selon le rapport 2022 de l'agence de l'eau. (Crédits : Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse)

L'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse vient de publier son rapport 2022 sur l'état des eaux. Examinant en premier lieu la qualité des eaux, il s'appuie sur 5,5 millions d'analyses de surveillance annuelle des cours d'eau, nappes et plans d'eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse.

Avec le changement climatique, la préservation et la reconquête du bon état des eaux sont un enjeu majeur. L'agence de l'eau rappelle qu'en Occitanie, fin octobre, les milieux aquatiques, premières victimes de la sécheresse, étaient encore fragilisés et trois départements (Pyrénées-Orientales, Aude et Lozère) étaient concernés par une restriction des usages de l'eau.

Selon ce rapport, sur le bassin Rhône-Méditerranée en Occitanie, 45% des rivières sont en bon état écologique (soit une performance légèrement au-dessus de moyenne nationale, à 40% environ).

« 1.300 paramètres sont mesurés aujourd'hui, soit 50 fois plus qu'en 1990, et 5,5 millions d'analyses annuelles sont réalisées, soit 300 fois plus qu'en 1990, souligne Laurent Roy, directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. La qualité de l'eau des rivières s'est beaucoup améliorée depuis 1990, en raison notamment de gros efforts sur l'assainissement qui a permis de réduire le niveau des micropolluants. Par exemple, les concentrations en ammonium ont été divisées par 20 en trente ans. »

L'enjeu des micropolluants

Selon l'agence de l'eau, le défi majeur à traiter reste néanmoins la question de ces micropolluants : si 92 % des nappes souterraines affichent un bon état chimique en Occitanie, la menace des pesticides continue de peser sur l'alimentation en eau potable. Le rapport de l'agence de l'eau fait ainsi état de la présence, 20 ans après leur interdiction, de traces de triazines (herbicides), mais aussi de la substance qui les a remplacées dans les traitements herbicides agricoles, le S-métolachlore, dont les produits de dégradation se retrouvent très fréquemment dans les eaux.

« On trouve également des substances d'intérêt émergent dont on ne s'occupait pas avant : des substances pharmaceutiques comme les antidiabétiques, des stéroïdes, des hormones, des stimulants, des cosmétiques, ou encore la caféine qui est heureusement peu toxique, ajoute Laurent Roy. Depuis 2018, on cherche et on trouve des PFAS (perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées qui regroupent près de 5.000 substances chimiques que l'on retrouve dans de nombreux produits de consommation courante et applications industrielles, NDLR) un peu partout dans les eaux souterraines ou de surface, logiquement plus en zones urbaines. »

Leur très large utilisation (dans les textiles, les emballages alimentaires, les cosmétiques, les poêles anti-adhésives, les mousses anti-incendie, les imperméabilisants, les vernis et peintures, etc.) combinée à leur faible dégradation rend ces substances omniprésentes dans l'environnement, notamment dans les cours d'eau, avec un risque de perturbation de la vie aquatique.

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Une expérimentation avec les agriculteurs volontaires

Pour accompagner les changements de pratiques dans l'agriculture sur les questions des pesticides, l'agence de l'eau a lancé une expérimentation sur une démarche baptisée "paiements pour services environnementaux" (PSE).

« Les pesticides présentent un problème pour l'alimentation en eau portable pour 1/3 des stations en Occitanie, notamment dans la plaine littorale, en lien avec activité agricole, souligne Laurent Roy. Nous accompagnons la profession agricole pour adopter des modes d'agriculture moins impactants, nous accompagnons financièrement la conversion à l'agriculture bio ou l'achat de matériels pour désherber mécaniquement, et nous testons les "paiements pour services environnementaux" sur des territoires volontaires, auprès d'agriculteurs volontaires, pour la mise en œuvre de pratiques plus compatibles avec l'eau et l'environnement. Cette démarche déclenche une réflexion sur les pratiques et leur impact. »

Depuis son lancement en 2019, la démarche a séduit six territoires sur les quatre départements littoraux du Languedoc-Roussillon : Sète Agglopôle (36 agriculteurs), Salanque Méditerranée (6 agriculteurs), Albères Côte Vermeille Illibéris (45 agriculteurs), Perpignan Méditerranée (57 agriculteurs), Réseau 11 (dans l'Aude, 53 agriculteurs) et Grand Pic Saint-Loup (15 agriculteurs).

Le dispositif repose sur la rémunération des agriculteurs proportionnellement au niveau de performance mesurée

« Par exemple, pour le Réseau 11, les rémunérations représenteront 1,8 millions d'euros par an en moyenne à destination des agriculteurs, précise Chantal Graille, chef du service Planification de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Des résultats sont attendus à horizon 2026 : réduction d'usage des herbicides en passant de 70% à 35%, couverture des sols avec 13% de progression attendue, et réduction de l'azote. »

Désimperméabiliser les sols

L'autre grand défi de l'eau, c'est bien sûr sa disponibilité. Outre les événements climatiques qui peuvent réduire les débits des cours d'eau, les activités humaines peuvent venir modifier le régime hydrologique, réduisant la dilution des polluants et modifiant la forme des cours d'eau, la vitesse de courant et la profondeur d'eau. Autant d'éléments qui fragilisent les communautés aquatiques et, dans les cas les plus graves, peuvent occasionner la disparition d'espèces.

Ainsi, en Occitanie sur le bassin Rhône-Méditerranée, 29 % des rivières sont perturbés par des prélèvements d'eau excessifs.

« Préserver et restaurer les zones humides, désimperméabiliser les sols et économiser l'eau sont trois leviers pour retenir l'eau dans les territoires, rappelle Laurent Roy. En 2021, sur le bassin Rhône-Méditerranée en Occitanie, 7 hectares de sols ont été désimperméabilisés, 325 hectares de zones humides restaurés et 7 millions de m3 d'eau ont été nouvellement économisés. »

Dans l'agriculture, Laurent Roy indique qu'il existe « encore des marges de progrès pour accompagner les agriculteurs sur cet aspect quantité » : « Il y a très peu de signes de reconnaissance pour identifier une agriculture économe en eau. L'agence de l'eau a lancé un appel à projets pour identifier des filières qui vont rémunérer les agriculteurs pour des pratiques sobres en intrants, dont l'eau ».

« L'organisation tient le coup mais les milieux aquatiques souffrent »

Enfin, la morphologie de 56% rivières d'Occitanie est artificialisée par des endiguements, du bétonnage, de l'enrochement des berges ou du déboisement des rives. En 2021, 10 km de rivières ont été restaurés en Occitanie. Par ailleurs, 32% des rivières supportent des aménagements type seuils et barrages, portant atteinte à la circulation des poissons et au transport des sédiments. En 2021, en Occitanie, l'agence de l'eau a financé des travaux sur huit ouvrages qui étaient devenus infranchissables.

« Actuellement sur le bassin Rhône Méditerranée, on est à 48% de rivières en bon état et le SDAGE (Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux, NDLR) fixe comme objectif d'atteindre les 67% en six ans, ce qui est énorme car même si tout le monde fait des efforts, les pressions se renforcent, notamment celles du changement climatique qui nous éloignent du bon état des rivières, conclut Laurent Roy. Pourtant, globalement, on peut dire que les usages de l'eau potable ont bien résisté grâce à une forte mobilisation, ce qui montre que l'organisation tient le coup. Mais les milieux aquatiques souffrent énormément, ce qui nous éloigne d'autant de nos objectifs de bon état. D'où la nécessité d'agir plus vite et plus fort. »

Cécile Chaigneau

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