Le projet Medus’Oc cherche comment faire émerger une filière de valorisation des méduses

Porté par la société Seaneo, le projet Medus’Oc vise à étudier la faisabilité d’une nouvelle filière de commercialisation des méduses, en particulier de deux espèces de gélatineux proliférant dans les étangs d’Occitanie et en Méditerranée. Les pistes de valorisation de ces organismes pourraient être multiples : cosmétique, pharmaceutique, énergétique ou encore alimentaire.
Le projet Medus'Oc vise à étudier la dynamique de prolifération des méduses qui s'accumulent dans les filets de pêche, et à identifier les pistes de valorisation de ces gélatineux.
Le projet Medus'Oc vise à étudier la dynamique de prolifération des méduses qui s'accumulent dans les filets de pêche, et à identifier les pistes de valorisation de ces gélatineux. (Crédits : Seaneo)

Bureau d'études dans le conseil et l'expertise en milieu marin ou littoral, Seaneo, implanté à Mont-de-Marsan (Landes) et Perpignan (Pyrénées-Orientales), vient d'être lauréat de l'appel à projet « Avenir Littoral 2023 », dans le cadre du plan Littoral 21, pour son projet Medus'Oc. Financé à 80% par l'Etat et la Région Occitanie, ce projet de 200.000 euros vise à étudier la dynamique de prolifération des méduses qui s'accumulent dans les filets de pêche, et à identifier les pistes de valorisation de ces gélatineux.

« Le projet Medus'Oc a vocation non seulement à acquérir de nouvelles connaissances scientifiques sur les méduses mais aussi à créer une filière durable, locale, en apportant des solutions alternatives bénéfiques aux professionnels de la pêche, indique Claudie Iborra, cheffe de projet chez Seaneo (17 salariés, 1 million d'euros de chiffre d'affaires). L'appel à projets va nous aider à financer les opérations de pêche pour récupérer ces organismes gélatineux, et à réaliser des suivis en mer mais également dans deux lagunes : l'étang de l'Or et l'étang de Barcarès-Leucate. »

Des gélatineux difficiles à étudier

Depuis 2019, Seaneo, à travers ses différentes missions réalisées en Méditerranée, est régulièrement interpellé par des pêcheurs professionnels qui disent faire face, non seulement en période estivale mais aussi désormais tout au long de l'année, à des blooms de méduses (prolifération) qui colmatent leurs filets de pêche et abîment leurs engins.

Si ces organismes - sans cœur, ni sang, ni cerveau - intriguent les chercheurs, les publications scientifiques ne sont pas si nombreuses.

« Les gélatineux sont des cas difficiles à étudier, surtout en mer car ils évoluent au gré des courants et ont un cycle de vie complexe, explique Claudie Iborra. Des laboratoires de recherche comme Marbec, à Sète, ont déjà apporté certains éléments de réponse, en étudiant entre autres sur l'étang de Thau les polypes qui se fixent sur n'importe quel substrat, notamment sur des structures artificielles comme les tables conchylicoles. En partenariat avec le laboratoire de recherche d'Aix-Marseille, qui développe des protocoles de pêche dans les étangs, nous allons essayer d'identifier les facteurs physicochimiques (courantologie, salinité, température, NDLR) qui pourraient influencer ces populations de gélatineux et suivre ses proies, comme le zooplancton, pour voir quel lien existe entre eux. »

Extraction de collagène

Le projet Medus'Oc cible deux espèces précises : le rhizostoma pulmo (appelée aussi poumon de mer ou méduse chou-fleur), grosse méduse blanchâtre mesurant 30 à 60 cm de diamètre, évoluant près des côtes, en mer ou dans les étangs, et le mnemiopsis leïdyi (appelé communément glaçons, oseilles ou potes) petit gélatineux ovale et transparent de 3 à 10 m de long, appartenant au groupe des Cténophores, proliférant dans les étangs.

Les deux étangs vont être quadrillés et Seaneo s'appuie sur le volontariat de pêcheurs regroupés notamment autour de l'OP du Sud, au Grau d'Agde. Des suivis réguliers doublés d'enquêtes permettront ensuite d'identifier concrètement les impacts (perte de chiffre d'affaires, destruction des engins,...) de cette prolifération sur le tissu économique de l'ensemble des usagers de la mer.

A plus long terme, Seaneo, qui travaille en partenariat avec les prudhommies de pêche des deux étangs et le comité régional des pêches de Méditerranée, souhaite trouver des pistes de valorisation des gélatineux.

« Les méduses sont composées de molécules bioactives pouvant être utilisées dans les domaines de la cosmétique ou en pharmacologie, avance Claudie Iborra. Nous avons pris contact avec l'entreprise tarnaise Weishardt (producteur mondial de gélatine et de collagène marin, NDLR) qui va réaliser des expertises toxicologiques pour voir s'il est possible d'extraire du collagène des méduses. Le marché de l'énergie pourrait également être prometteur d'autant que de nombreux méthaniseurs vont être déployés sur l'ensemble du territoire. L'Inrae de Narbonne s'intéresse à ces gélatineux, qui contiennent plus de 90% d'eau, pour produire du biogaz. Enfin, nous allons étudier avec le centre breton Idmer les valeurs nutritionnelles de ces organismes à des fins de pâturages ou pour la pisciculture. »

« Ce projet n'a rien d'écocidaire »

La première phase d'études devrait prendre dix-huit mois pour un rendu global, avec guide de valorisation, au printemps 2025. Si les résultats sont probants, Seaneo envisagera de jouer le rôle d'incubateur pour apporter les connaissances et accompagner cette nouvelle filière de pêche.

« Ce projet Medus'Oc n'a rien d'écocidaire, prévient Claudie Iborra, anticipant d'éventuelles interrogations écologiques. Au contraire. Les gélatineux sont des espèces essentielles à la biodiversité mais l'écosystème est aujourd'hui déséquilibré. Nous souhaitons juste valoriser de manière durable ces espèces sorties de l'eau qui représentent une biomasse inutilisée. Quant au risque de surpêche, il sera suivi de près avec, pourquoi pas, l'instauration d'un système de quotas. Nous n'en sommes qu'aux prémices mais notre ambition est de créer un modèle de filière qui puisse être reproductible sur l'ensemble des étangs en Occitanie.»

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