Viticulture : pourquoi la certification HVE tourne au vinaigre

Le durcissement de l’accès à la certification HVE (Haute Valeur Environnementale), annoncé par le gouvernement fin 2022 et entré en application au 1e janvier, soulève la colère de la filière viticole régionale, exception faite de la viticulture bio. Les mécontents déplorent le manque de concertation et craignent un coup d’arrêt des démarches de certification, dans laquelle le vignoble régional s’est massivement engagé, et un retour à des pratiques traditionnelles.
Le nouveau cahier des charges de la certification HVE, entré en application au 1er janvier 2023, mécontente la viticulture régionale qui s'est engagée massivement dans cette labellisation.
Le nouveau cahier des charges de la certification HVE, entré en application au 1er janvier 2023, mécontente la viticulture régionale qui s'est engagée massivement dans cette labellisation. (Crédits : Patrice Thebault - Région Occitanie)

« On se fout de nous. Nous avons fait des efforts pour améliorer nos pratiques. La certification HVE nous a coûté de l'argent sans qu'on obtienne aucune valorisation de nos vins en contrepartie. L'Etat qui devait communiquer sur ce nouveau label n'a pas tenu ses engagements. Et aujourd'hui le gouvernement nous annonce, sans aucune concertation, un durcissement de l'accès au label HVE. Les trois-quarts des exploitations viticoles ne répondront plus aux critères exigés par ce nouveau cahier des charges », tempête Anthony Bafoil, président de la coopérative de Lédignan et représentant du Gard au sein des Vignerons Coopérateurs d'Occitanie.

Annoncé le 22 novembre dernier pour une entrée en application au 1er janvier 2023, le nouveau cahier des charges du label HVE mécontente la viticulture régionale qui s'est engagée massivement dans cette certification.

La nouvelle mouture relève le niveau d'exigence, avec notamment l'interdiction des pesticides CMR (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction) et un usage très restreint des herbicides et des engrais azotés. Qui plus est, la procédure se complexifie avec de nouveaux points de contrôle qui vont alourdir la tâche administrative des viticulteurs et des organismes certificateurs, renchérissant d'autant le coût de cette certification.

« Des décisions prises à l'arrache par des technocrates »

Président des Vignerons coopérateurs d'Occitanie, Ludovic Roux ne cache pas sa déception : « Nous avions fait des propositions pour faire évoluer ce référentiel. Elles n'ont pas été retenues alors que la certification HVE est portée à 75% par la viticulture. Elle nous coûte 3 euros par hectolitre, et avec le nouveau référentiel, il faudra rajouter au moins 2 euros par hectolitre. Ce n'est pas tenable alors que nos charges ont flambé et que les cours du vin sont à la baisse. Je crains un coup d'arrêt brutal des certifications et un retour à des pratiques traditionnelles pour beaucoup de vignerons qui s'étaient engagés ».

Ce durcissement est tout aussi difficile à avaler par les Vignerons Indépendants. Président de la fédération héraultaise du syndicat, François-Régis Boussagols déplore ces « décisions prises à l'arrache par des technocrates qui n'ont aucune connaissance du terrain ».

« On nous met devant le fait accompli, lance-t-il. Ce n'est pas acceptable. Nous sommes déjà dans une région où l'on peine à atteindre les rendements autorisés. Réduire la fertilisation nous conduira encore à des baisses de récolte. Comment assurer la pérennité de notre activité si on perd encore en rentabilité ? J'étais certifié HVE mais si ce nouveau référentiel reste en l'état, j'y renoncerai. Et je ne serai vraisemblablement pas le seul. Quant à ceux qui ne sont pas encore certifiés parce qu'ils étaient déjà réticents avec le cahier des charges actuel, ce n'est pas ce nouveau référentiel qui va les convaincre de s'y lancer », peste-t-il.

Le ministre de l'Agriculture attendu sur le sujet

Technicien vignoble à la cave de Leucate, Baptiste Guyochet est également inquiet : « Ce nouveau cahier des charges va accroître le temps de travail que nous consacrons à l'accompagnement de nos adhérents dans cette démarche HVE. Aujourd'hui, 95% de nos volumes sont certifiés HVE. Avec le nouveau référentiel, certaines exploitations ne répondront plus aux critères exigés, notamment pour la fertilisation azotée ».

Il voit néanmoins un point positif à cette évolution : « La certification HVE était décriée car jugée trop accessible. En renforçant le niveau d'exigence, cela redonnera du crédit à ce label ».

Les vignerons bio, quant à eux, ne sont pas mécontents du relèvement du niveau d'exigence de HVE.

« Toute initiative visant à réduire l'utilisation de pesticides, a fortiori les plus dangereux, est la bienvenue, observait ainsi Nicolas Richarme, président de Sudvinbio, en fin d'année. Mais ce qui est important aussi, c'est que le consommateur puisse comprendre la réalité des différents labels. Aujourd'hui, il n'y a qu'un label qui garantit une agriculture sans produits de synthèse, c'est le bio. »

Bien décidés à faire bouger les lignes, les représentants de la filière viticole (coopération agricole, vignerons indépendants, etc.) sont mobilisés pour demander au gouvernement de revoir sa copie et de tenir compte des spécificités de leur filière. Pour l'heure, le ministre de l'Agriculture reste sur ses positions. Une rencontre est toutefois prévue le 26 janvier entre le ministre et les responsables professionnels pour discuter des difficultés de la filière. Le sujet HVE devrait être abordé.

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