Dipostel rapatrie sa production d’Autriche et voit sa solution "anti-feuilles mortes" validée par la SNCF

L’équipementier héraultais Dipostel travaille essentiellement pour le transport ferroviaire, proposant notamment des solutions d’optimisation roue-rail. Il vient de rapatrier près de Montpellier la fabrication de ses sticks de lubrifiant solide qui se faisait jusqu’alors en Autriche. Sa solution (un gel de traction) pour éviter que les feuilles mortes ne fassent perdre de l’adhérence aux voies ferrées a, quant à elle, été validée par la SNCF et va être déployée.
Cécile Chaigneau
Dipostel va équiper les autorails X 73500, utilisés sur les lignes de TER dans les régions, pour résoudre le problème de deshuntage qui a été identifié il y a quelques années.
Dipostel va équiper les autorails X 73500, utilisés sur les lignes de TER dans les régions, pour résoudre le problème de deshuntage qui a été identifié il y a quelques années. (Crédits : DR)

L'entreprise héraultaise Dipostel jouait les discrètes... Née en 1991 à Paris, elle s'est installée à Saint-Aunès, près de Montpellier, il y a une douzaine d'années. Trader de solutions pour le ferroviaire à ses débuts, elle conçoit et fabrique depuis 2018 ses propres produits, répondant aux problématiques de friction, transmission ou freinage du transport ferroviaire essentiellement (84% de son chiffre d'affaires) mais aussi de l'industrie.

Sa solution-phare, c'est le graisseur de roue : un dispositif composé d'un bras-graisseur qui se fixe sur train, alimenté par des sticks de graissage.

« Il s'agit d'adresser la problématique d'optimisation du contact roue-rail, c'est à dire une roue métallique sur un rail ferroviaire, explique Paolo Di Natale, le CEO de Dipostel. Tout l'enjeu consiste à faire varier le coefficient de frottement roue-rail dans des conditions permettant le démarrage du train, les ralentissements ou les virages, tout en gérant la problématique de pollution sonore, notamment les crissements. Pendant longtemps, on graissait les roues avec de l'huile, ce qui éclaboussait partout... Notre solution consiste à appliquer un lubrifiant solide (dont Dipostel garde le secret de la composition, NDLR) via un stick de graissage dont la durée de vie varie de 7.000 à 20.000 km selon l'exploitation. »

De Londres à Sydney

Dipostel conçoit (puis fait fabriquer par des sous-traitants) chaque graisseur de roue en fonction du véhicule ferroviaire qu'il va équiper, allant de la locomotive à vapeur des trains touristiques (en Ardèche ou baie de Somme par exemple) au TGV, en passant par les métros, les tramway voire les funiculaires sur rails.

L'entreprise équipera ainsi les 84 rames construites par Siemens pour le métro londonien (dont la livraison a commencé et s'étalera jusqu'en 2025), et équipe déjà des métros en Inde, à Taïwan, à Sydney en Australie, en Italie, ou encore des locomotives au Kazakhstan.

« Nous avions une unité de production chez un sous-traitant associé en Autriche, qui fabriquait les lubrifiants solides, indique Paolo Di Natale. Puis le Covid est arrivé et nous avons décidé de ramener notre savoir-faire en France en relocalisant cette production. Nous avons racheté nos parts, les équipements et nous avons tout rapatrié à Saint-Aunès. Nous avons été accompagnés par l'agence Ad'Occ (agence de développement économique de la Région Occitanie, NDLR) via l'appel à projet RelOCC dont nous avons été lauréat et un financement de 180.000 euros. Ça a représenté un investissement global d'un million d'euros, que nous avons financé principalement sur fonds propres. Nous avons dû recruter du personnel supplémentaire car en Autriche, ils travaillent 40 heures par semaine, contre 35 en France... Cette relocalisation est terminée depuis une quinzaine de jours et nous sommes déjà en train d'agrandir l'espace production afin d'ajouter une 2e unité de production de sticks de lubrifiant. Et nous pouvons parfaitement, si besoin, installer des modules de fabrication de lubrifiants solides à proximité de chez un client avec un partenaire local. Ce qui sera indispensable pour servir des marchés à fort potentiel. »

Les feuilles mortes réduisent l'adhérence

Une solution mise au point par Dipostel vient d'être validée par la SNCF : son gel de traction RailGrip TS. Il vient répondre à une problématique saisonnière du réseau ferroviaire : les feuilles mortes. A l'automne, écrasées par les roues des trains et conjuguées à l'humidité, elles forment une pellicule sur le rail qui réduit considérablement l'adhérence, avec pour conséquence principale un allongement de la distance au freinage. Dans les cas les plus sévères, ce phénomène nécessite l'intervention des services de maintenance pour nettoyer les voies.

« Outre ce problème d'adhérence et de distance de freinage, la SNCF a aussi observé un problème de deshuntage, les feuilles mortes agissant comme un pseudo-isolant, c'est à dire que les rails ne captent plus le signal envoyé par les roues, celui-là même qui permet d'exploiter la signalisation ferroviaire (aiguillages, passages à niveau, etc., NDLR) et de gérer l'espacement entre les trains, explique Paolo Di Natale. Nous avons mis au point le gel de traction qui est distribué grâce à un dispositif composé d'une armoire à réservoir et d'un capteur qui indique le train en approche : une dose de produit est envoyé sur le rail juste avant le passage d'un train qui l'étale sur la portion de rail identifiée comme problématique. Ce qui empêche les feuilles de coller aux rails... Le produit a été testé en région parisienne et vient d'être validé par la SNCF. Nous le déployons en région Haut-de-France, Bretagne ou Auvergne-Rhône-Alpes, pas encore en Occitanie. D'autres réseaux sont intéressés... »

Equiper les flottes de TER dans les régions

Enfin, Dipostel a signé, au printemps 2022, un autre contrat sur le ferroviaire français : l'équipement des autorails X 73500 (utilisés sur les lignes de TER) sur lesquels un problème de deshuntage a également été identifié il y a quelques années. Les X 73500 circulant en solo (unité simple) ne court-circuitaient plus le circuit de voie ferrée, devenant ainsi « invisibles » pour les différents systèmes de sécurité, et des conducteurs faisaient valoir leur droit de retrait. Ce qui avait conduit le l'Etablissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) à interdire la circulation en solo de ces autorails, au profit d'unités multiples, a minima doubles.

« Ce problème avait en effet été à peu près résolu en doublant les rames mais ce n'était pas rentable pour les Régions (qui financent les TER par convention avec la SNCF, ndlr) car à certaines heures de la journée, les trains roulaient à vide, explique Paolo Di Natale. Avec la libéralisation du marché ferroviaire, une pression a été mise sur la SNCF... Nous avons adapté notre dispositif avec un crayon métallique pour équiper les X 73500 en version simple, ce qui sécurise le shuntage. Nous équipons déjà et allons équiper au total 226 trains, c'est à dire presque toute la flotte de X 73500, dans quasi toutes les régions de France. »

Créer une équipe R&D

Outre le secteur ferroviaire, Dipostel travaille également pour le secteur industriel (énergie, aéronautique, armement, industries lourdes, industries agroalimentaires, etc.), « pour des ponts roulants dans les usines, par exemple chez Arcelor Mittal, ou pour les grues portuaires chez Ermont-Fayat, pour des applications militaires, pour des portes d'écluse, des plateformes de forage en mer, des ascenseurs, etc. », explicite le dirigeant.

« Nous voulons maintenant pouvoir faire évoluer nos produits, travailler sur des problématiques annexes, ajouter des innovations mais aussi améliorer notre empreinte environnementale, ajoute Paolo Di Natale. Mais nous voulons le faire en interne, ce qui suppose de constituer une équipe de R&D. Nous nous rapprochons de gros laboratoires universitaires français pour calibrer nos besoins. »

Aujourd'hui, Dipostel emploie une quinzaine de salariés, ainsi que trois personnes sur sa filiale en Espagne. Deux recrutements sont en cours. L'entreprise prévoit de terminer l'année sur un chiffre d'affaires de 4,4 millions d'euros (dont environ 1/3 à l'export), auxquels s'ajoutent entre 600.000 et 800.000 euros pour sa filiale ibérique.

Cécile Chaigneau

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.