« Je suis le maire de Montpellier, une ville libre qui ne reçoit pas d’instruction de Paris ! »

Le 5 mai en soirée, le Parti socialiste de l’Hérault lançait la campagne, pour les législatives, de sa candidate sur la 2e circonscription (montpelliéraine), Fatima Bellaredj. Pendant ce temps à Paris, le conseil national du parti votait l’alliance avec la France Insoumise. La rupture de Michaël Delafosse, maire de Montpellier, et de Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, avec l’Union populaire, sociale et écologique est officielle. Leur dissidence vis à vis du PS aussi…
Cécile Chaigneau
Jeudi soir 5 mai, le Parti socialiste lançait la candidature de Fatima Bellaredj sur la 2e circonscription de l'Hérault, en présence notamment de Carole Delga, Michaël Delafosse et Kléber Mesquida, trois socialistes opposés à l'alliance avec LFI.
Jeudi soir 5 mai, le Parti socialiste lançait la candidature de Fatima Bellaredj sur la 2e circonscription de l'Hérault, en présence notamment de Carole Delga, Michaël Delafosse et Kléber Mesquida, trois socialistes opposés à l'alliance avec LFI. (Crédits : Cécile Chaigneau)

L'ambiance est électrique dans la Halle Tropisme à Montpellier. Jeudi soir 5 mai, 18h30, le Parti socialiste de l'Hérault a donné rendez-vous à ses militants et sympathisants pour lancer la campagne de sa candidate aux législatives sur la 2e circonscription de l'Hérault, Fatima Bellaredj.

Dans toutes les têtes, l'événement vient en percuter un autre, à la même heure : la réunion des membres du conseil national du Parti socialiste afin de se prononcer sur l'accord négocié avec La France Insoumise (LFI) pour les législatives. Un vote sous haute tension qui divise le parti à la rose...

Fatima Bellaredj, qui rempile après une première campagne aux législatives de 2017 (6,91% des voix au 1er tour), fera campagne avec, comme binôme, Jacqueline Markovic, conseillère départementale étiquetée EELV. Pour soutenir leur candidature, les pointures du PS en Occitanie sont présentes : Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de Montpellier Méditerranée Métropole, et Kléber Mesquida, président du Conseil départemental de l'Hérault.

Une Région, une Métropole, un Département sous bannière PS. Pourtant, selon la répartition des circonscriptions prévue par la Nouvelle union populaire écologiste et sociale (désormais raccourcie en NUPES), seules six sont réservées au PS en Occitanie, et aucune dans l'Hérault...

Le 4 mai, ce sont les candidatures PS sur les 4e, 5e et 7e circonscriptions de l'Hérault qui avaient été présentées. Les élus socialistes leaders en Occitanie ont donc continué d'avancer leurs pions indépendamment des négociations en cours pour l'union des gauches, exprimant clairement leur opposition à toute entente avec La France Insoumise. Ce qui n'est pas une surprise puisque Carole Delga comme Michaël Delafosse ont affiché très tôt leur désaccord.

« On est toujours au PS, contre vents et marées »

Dans l'après-midi du 5 mai, la présidente de la Région Occitanie (et présidente des Régions de France) a envoyé une « Lettre à la gauche » : « Je suis pour l'union à gauche, mais pour une union claire, sincère, crédible et durable, pas pour une union de façade. (...) Je soutiendrai donc les candidats de gauche qui s'engageront avec clarté, en fidélité avec nos valeurs communes. (...) Libre et loyale, tel est mon chemin, en opposition avec la politique d'Emmanuel Macron et pour la refondation de la gauche ».

Les prises de parole de Carole Delga et Michaël Delafosse, ce jeudi soir 5 mai, sont virulentes. Carole Delga - jeans, baskets et T-shirt blanc estampillé "Liberté égalité féminité" - est la première à passer en mode meeting sur scène.

« Vous incarnez le rassemblement, cette gauche du réel profondément républicaine et européenne, commence-t-elle en s'adressant au duo de candidates sur la 2e circonscription. La politique, c'est avant tout un projet et un engagement. Il faut donc avoir les idées claires et une ligne constante. Au 2nd tour de la présidentielle, 17 millions de personnes n'ont pas choisi ! A ceux là, on doit l'exemplarité, la constante, la sincérité, l'honnêteté et la cohérence. (...) La politique n'est pas de l'arithmétique pour savoir combien on aura de circonscriptions, ça se fait avec le cœur. (...) On le sait, ça va tanguer dans les prochaines heures. Dans la tempête, on se tient debout et unis. On est toujours au PS, contre vents et marées ! »

Si à ce moment-là, les jeux ne sont pas officiellement joués, la présidente de Région sait déjà l'issue des débats qui se mènent à Paris... L'expression de gravité sur son visage en dit déjà long : les yeux rivés sur son téléphone, le regard sévère, parfois absent.

La candidate Fatima Bellaredj veut y croire et renchérit : « Je vois ici beaucoup de militants socialistes, on existe ! Les coups bas ne sont pas notre sujet. On est la gauche du réel, de proximité, qui apporte des solutions. Le populisme ne prendra pas la place du socialisme. Notre histoire ne sera pas gommée de la carte ».

« Des postes et des places »

C'est un Michaël Delafosse en colère qui monte alors sur scène pour clore les discours.

« Nous avons besoin de gens sincères qui ne cherchent pas des postes et des places, scande d'emblée le maire socialiste de Montpellier. Les questionnements autour du rassemblement de la gauche durant les présidentielles ? Ça m'a travaillé, moi qui y suis viscéralement attaché. Ce rassemblement, il est là, avec ce ticket PS et EELV. (...) Je suis le maire de Montpellier, une ville libre qui ne reçoit pas d'instruction de Paris ! »

Pour preuve de bonnes pratiques, l'édile rappelle qu'il a emporté la Ville de Montpellier en faisant alliance avec les communistes, les radicaux et les Verts. « Dans le respect de nos sensibilités », appuie-t-il, soulignant au passage qu'il avait échoué avec LFI...

Ses propos à l'encontre des élus LFI élus à la Métropole de Montpellier sont sans concession. Après avoir listé les dossiers sur lesquels ils se sont opposés (comme la gratuité des transports ou la laïcité), il lance « à force d'avoir la haine de l'autre, on perd toute boussole politique ! »...

« J'en ai un peu gros sur la patate, soupire-t-il. Vous ne me ferez pas défendre quelque chose en quoi je ne crois pas. Jamais. Soutenir une candidature aux antipodes de ce que je pense sur l'Europe ? Une candidature sur la vaccination qui a cultivé les ambiguïtés ? Une candidature qui s'alimente du bruit et de la fureur et proclame que la République c'est elle ou lui ? Non. »

Sa conclusion est cinglante : « Nous ne nous soumettons pas aux accords d'un appareil car nous sommes viscéralement européens. Nous voudrions désobéir à des traités qui garantissent la paix depuis 1945 ? Non ! Nous voulons défendre cet idéal, a fortiori quand aux portes de ce continent, il y a un homme, Vladimir Poutine, qui nous menace par la guerre ! ».

« On construit toujours sur des fondations saines »

Sur la 2e circonscription de l'Hérault, la bataille sera donc rude et se jouera sous les couleurs de la division et des dissidences... Cette circonscription, exclusivement montpelliéraine, avait été remportée en 2017 par Muriel Ressiguier (LFI). Mais la députée sortante a fait sécession et devrait se représenter comme dissidente de son parti, qui a investi Nathalie Oziol.

Fatima Bellaredj, elle, fera donc campagne sous l'étiquette "majorité municipale, départementale et régionale", soutenue par le PS local.

Aux alentours de minuit, le PS annonçait un vote majoritaire (167 voix pour, 101 contre, 24 abstentions) en faveur de l'alliance avec LFI au sein de l'Union populaire.

La dissidence de Carole Delga et Michaël Delafosse, qui se positionnaient comme fer de lance de la refondation du parti, ne va-t-elle pas les isoler et les empêcher de participer à cette ambition ?

« Si le parti socialiste veut m'exclure, grand bien lui fasse ! », s'insurge le maire de Montpellier.

De son côté, Carole Delga martèle : « Je suis fondamentalement socialiste, libre. Je ne suis pas une girouette. Je ne suis ni macroniste ni mélenchoniste. (...) On construit toujours sur des fondations saines et solides. Si des sujets sont mis sous le tapis, l'édifice ne tient pas ».

Et à Olivier Faure, qui avait déclaré « si vous n'appartenez plus à la gauche alors partez », elle tacle : « Le parti socialiste, ce n'est pas qu'un premier secrétaire. Je ne me sens pas isolée. Je suis sereine et déterminée. Je souhaite que la gauche se reconstruise, c'est pourquoi j'ai proposé, il y a déjà deux mois, les états généraux de la gauche. On devra être nombreux, après les législatives, à s'y atteler, des partis différents, des militants mais aussi des citoyens, pour une gauche qui soit claire, qui affirme un projet et pas qui se cache ou se radicalise ! ».

Cécile Chaigneau

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Commentaire 1
à écrit le 09/05/2022 à 22:27
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Tout ça, pour manger à l'écuelle ! Mais attention c'est "librement" consenti.

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