Rencontres des maires d’Occitanie : ce que Carole Delga est venue dire aux maires, et inversement…

La première séquence de la grand-messe occitane entre la présidente de la Région Occitanie, la socialiste Carole Delga, également présidente des Régions de France, et les 4.500 maires de son territoire avait lieu le 9 mai à Montpellier, avant Toulouse le 11 mai. Objectif annoncé : rappeler les moyens que la Région peut déployer pour soutenir les territoires, faire remonter les besoins des maires et leur donner accès à des informations techniques utiles. Mais on y a aussi parlé démocratie et crise de la démocratie.
Cécile Chaigneau
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, et Jean-Marc Vayssouze-Faure, président de l'Association des Maires et des Présidents d'intercommunalité d'Occitanie, lors de l'ouverture des Premières Rencontres des maires d'Occitanie, le 9 mai 2023 à Montpellier.
Michaël Delafosse, maire de Montpellier et président de la Métropole, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, et Jean-Marc Vayssouze-Faure, président de l'Association des Maires et des Présidents d'intercommunalité d'Occitanie, lors de l'ouverture des Premières Rencontres des maires d'Occitanie, le 9 mai 2023 à Montpellier. (Crédits : Cécile Chaigneau)

La présidente (PS) de la Région Occitanie, Carole Delga, serait-elle déjà en campagne en vue de donner corps à des ambitions nationales en 2027 ? L'élue régionale s'en défend à chaque fois qu'on la questionne et se dit « au travail, au contact et au service des habitants et des territoires ». Pourrait-on alors parler de "câlinothérapie" vis à vis des maires occitans dans un contexte national difficile ? Peut-être un peu... Officiellement, l'objectif de ce rassemblement des 4.500 maires d'Occitanie, initié par la Région et orchestré en deux temps (le 9 mai à Montpellier, le 11 mai à Toulouse) en partenariat avec l'Association des Maires et des Présidents d'intercommunalité d'Occitanie (AMF), doit être un espace d'échange avec les élus locaux sur « leurs priorités d'action et leurs préoccupations du quotidien » et a vocation à « leur présenter l'ensemble des aides proposées par la Région, au service des communes et de leur développement ».

« Cette rencontre est d'abord un message de confiance et de solidarité que je souhaite leur adresser, car ce sont eux qui chaque jour font battre le cœur de nos 4.500 communes d'Occitanie, écrivait Carole Delga en amont de la manifestation. Un message de soutien et d'engagement aussi, (...) qu'il s'agisse de lutter contre les déserts médicaux, de maintenir les commerces de proximité, de désenclaver les territoires grâce à des transports accessibles à tous, ou de faire face au changement climatique. »

Un événement qui, dans cet objectif, doit notamment permettre aux maires de rencontrer les services techniques, organisés au sein d'un "village des services régionaux".

« Les citoyens ont besoin de se sentir respectés »

Sur la scène de l'Arena Sud de France, à Montpellier, la présidente de la Région était entourée de son exécutif. Première séquence : un long monologue de l'élue pour présenter (ou rappeler) les différentes missions de la collectivité régionale sur ses prérogatives mais aussi sur les sujets où on ne l'attend pas forcément comme la santé ou la sécurité mais qui sont des priorités des citoyens.

Carole Delga, qui dit vouloir recueillir auprès des maires leurs impressions et leurs recommandations pour les politiques publiques à venir, commence par contextualiser, lançant quelques pics au passage : « Nous vivons contexte mondial, européen et national complexe, et il est important d'avoir un dialogue direct. Crise climatique mondiale, crise géopolitique, crise de confiance en France... Les citoyens ont un sentiment d'enfermement, d'empêchement : la République française ne permet pas de remplir sa promesse d'émancipation sociale. Nos concitoyens ont besoin de se sentir respectés et ce n'est pas le cas aujourd'hui ».

Sur le volet économique, des chiffres s'affichent derrière la présidente de Région : 11,6% de chômage en Occitanie en 2016, 8,8% en 2022, soit 191.756 créations nettes d'emplois (dont 30.400 en 2022), et un soutien à l'économie de 46,2 euros/habitant (contre 23,4 euros/ hab de moyenne nationale).

« Pour que le chômage n'augmente pas en Occitanie, il faut créer 25.000 emplois par an », martèle Carole Delga.

« 40 ans d'attente pour les LGV »

Sur les questions de logement, « nous devons être plus moteur, plus volontaristes encore », préconise l'élue qui rappelle que l'Occitanie accueille 42.000 habitants supplémentaires par an, « un effort doit être fait pour accueillir les nouvelles populations mais aussi favoriser un logement plus digne ». Elle rappelle qu'un "Plan habitat durable" sera adopté d'ici la fin de l'année.

Les mobilités, l'un de ses chevaux de bataille, sont aussi évoquées, Carole Delga pointant « les 15 à 20 ans de retard en matière d'infrastructures structurantes, les 40 ans d'attentes pour les LGV, et les 60% des Français qui vivent à plus de 4 heures en train de Paris qui sont en Occitanie » : « Je refuse qu'on interdise aux gens d'aller sur d'autres continents pour des raisons environnementales, il faut faire confiance à la science et notamment au développement de l'avion vert dont nous voulons être leader. L'avion électrique 19 places, ce sera une réalité l'an prochain et ce sera l'étape juste avant l'avion à hydrogène. Il faut aussi promouvoir les carburants durables. Quant au train, il peut être le mode de transport le moins cher s'il existe une vraie volonté politique. (...) Et dans un an et demi, auront lieu les premiers tests du train à hydrogène en Occitanie ! ».

L'élue vante bien sûr sa politique du train à un euro, soulignant les 13 millions de billets vendus en 2022 et annonçant l'élargissement du dispositif de gratuité pour les 18-26 ans aux 16-26 ans dès la rentrée de septembre.

ZAN : « On ne peut pas nous demander l'impossible »

Sur l'énergie, la Région affiche 12 euros d'investissement par habitant et par an (contre 5 euros au niveau national. L'élue évoque aussi le plan Eau qui sera voté en juin, la lutte contre les incendies, la sobriété foncière « et plus de densification, notamment à Toulouse qui a été moins courageuse que Montpellier sur le sujet ».

« J'ai demandé, en lien avec l'AMF, que tous les projets de grande infrastructures de transports, d'extension économique de grande ampleur et d'investissements économiques de souveraineté soient décomptés du ZAN (zéro artificialisation nette, NDLR), plaide la présidente de Région pour tenter de rassurer les maires. Enclavement, démographie galopante, créations d'emploi : on ne peut pas nous demander l'impossible ! Je n'ai pas encore de réponse du gouvernement, mais il faut que la solidarité nationale joue. »

L'élue parle également santé (70 contrats de travail de médecins salariés signés entre juin 2022 et juin 2023), éduction (1,3 million d'élèves, étudiants et apprentis), services et équipements des territoires (notamment du soutien aux polices municipales), ou encore proximité (rappelant l'existence des 18 Maisons de la Région à disposition des élus locaux dans les territoires).

Police municipale, patrimoine

Dans un deuxième temps, parole a été donnée aux maires dans la salle, avec une grande diversité de sujets. Véronique Négret, maire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) évoque les difficultés à recruter pour la police municipale et la concurrence forte qui s'exerce entre communes de la Métropole et alentours. Ce à quoi Carole Delga répond que « l'orientation scolaire doit être confiée aux Régions pour faire connaître la réalité des métiers, notamment de la police municipale ».

Le maire de Mende  Laurent Suau, quant à lui, s'inquiète de l'équilibre territorial qui sera demandé dans le cadre du ZAN entre zones urbaines et zones rurales.

« Je vais plaider la cause des grandes métropoles, réponde Carole Delga. 80% des nouveaux habitants s'installent sur les aires urbaines de Toulouse et Montpellier, et même si en zone urbaine, il est plus facile de réhabiliter des immeubles ou des friches, on ne veut pas freiner les projets car il faut loger les populations qui arrivent. Dans les zones rurales, il y a beaucoup de maisons vides qu'il faut réhabiliter mais cela coûte cher... Il faut trouver le bon équilibre. »

Robert Siegel, le maire de Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), regrette de ne pas avoir entendu parler de patrimoine, moteur touristique de la petite bourgade de 250 habitants. L'élue régionale plaide l'impossibilité à parler de tout en une matinée mais promet que la Région agit, notamment à Saint-Guilhem-le-Désert.

Ferroviaire et EPR

Félicitée pour son action au service des petites lignes ferroviaires, Carole Delga était aussi interpellée par une élue gardoise sur les cadencements insuffisants de la liaison ferroviaire entre Pont-Saint-Esprit, territoire sinistré du point de vue de l'emploi, et Nîmes : « Des travaux sont en cours pour augmenter cette desserte et au plus tard en 2026, le cadencement sera bien supérieur », promet l'élue régionale.

La présidente de Région soutient-elle la possible implantation d'un nouvel EPR de l'autre côté du Rhône (hors Occitanie donc), une opération qui serait source d'emplois ? « Nous soutenons les énergies renouvelables mais aujourd'hui, nous avons besoin de nucléaire donc les trois présidents de Régions en proximité, dont l'Occitanie, avons soutenu ce projet et j'ai d'ailleurs signé un courrier il y a un mois, mais la décision revient maintenant au Président Macron », affirme Carole Delga.

Un autre maire gardois fait part de la difficulté à trouver des secrétaires de mairie et demande si un pool de secrétaires de mairie pourrait être créé pour faciliter les remplacements notamment. Une proposition dont s'empare la présidente de Région, soulignant que le mécanisme existe déjà dans d'autres centres de gestions départementaux, ajoutant que « le nombre de personnes formées va être doublé » et qu'« une grande campagne de communication va être lancée en Occitanie pour faire connaître ce métier ».

Quant à la fonderie SAM en Aveyron, l'élue redit ce qu'elle a déjà dit : « On travaille toujours dessus, pour l'instant nous sommes en échec mais je n'ai pas dit mon dernier mot, on n'abandonne pas ! ».

Crise de l'action publique, crise démocratique

Chloé Morin, politologue spécialiste de l'opinion à la Fondation Jean Jaurès et auteure du livre paru récemment On aura tout essayé... (chez Fayard), est venue évoquer la démocratie représentative et « l'impasse démocratique » que traverse la France.

« A la racine, deux crises se conjuguent, analyse-t-elle. D'abord une crise de l'action publique : les Français ont le sentiment que lorsqu'une décision est prise au niveau nationale, elle n'est jamais appliquée dans des délais courts et avec un impact réel. Et ensuite, une crise démocratique : nos institutions n'arrivent plus à capter les colères et à les transformer en action publique et les citoyens s'interrogent sur leurs institutions alors que le gouvernement impose une réforme contre l'avis des citoyens. Mon livre conclut sur une hypothèse évoquée par mes interlocuteurs : qu'en 2027, Marine Le Pen soit élue ! »

La jeune politique parle d'une « spirale de la violence et des élus qui sont les boucs-émissaires favoris de la société », et elle ajoute que « le plus inquiétant pour la démocratie, c'est que un tiers des citoyens considèrent que la violence est légitime ». Autre chiffre qu'elle souligne : « 72% des personnes interrogées ont une bonne opinion des maires, mais on note pas mal de démissions parmi les élus locaux, signe d'un découragement car ils sont pris en étau entre des citoyens en difficulté et de plus en plus exigeants, et une action publique complexe parfois défaillante ».

« Pour les maires, le plus dur dans ce mandat est la difficulté de compréhension de la machine de la décision publique et la déconsidération de la fonction, de nombreux Français considérant aujourd'hui les maires comme un service », conclut-elle.

« Sur ce sentiment de déconnexion des élus, il est fondamental de redonner des preuves aux concitoyens que la politique peut avoir des effets, clame Carole Delga. Je revendique d'être une femme politique qui agit... Développer une démocratie participative régénère la démocratie représentative. »

Jean-Marc Vayssouze-Faure, président de l'Association des Maires et des Présidents d'intercommunalité d'Occitanie, s'insurge quant à lui sur une réglementation excessive qui étouffe tout : « Quand est-ce qu'on fait respirer tout ça ?! On a l'impression qu'après avoir donné des compétences aux maires, l'Etat prend sa revanche avec des carcans administratifs qui font qu'on ne peut presque plus bouger ! Le risque, c'est qu'arrive à la tête de l'Etat des gens qui pourraient prendre des largesses avec la démocratie. Prenons soin de préserver la démocratie locale ».

Lire aussi« Je ne crois absolument pas qu'on puisse faire passer des décisions d'en haut, par brutalité et par force » (Jean-Marc Vayssouze-Faure)

Cécile Chaigneau

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